COMPLEMENT AU TEXTE : D’UNE CRISE A L’AUTRE (NOVEMBRE 2022)
Nous reprenons ici un certain nombre d’affirmations et même de citations de Marx déjà produites dans le texte précédent, surtout du dernier chapitre, en les développant et en y amenant certaines corrections. On trouvera surtout un survol critique, certes très général et non exhaustif, des positions du milieu révolutionnaire marxiste vis-vis des crises économiques et de la théorie marxiste des crises. Plus particulièrement relatif à l’idée de décadence et d’effondrement du capitalisme. I/ LA THEORIE MARXISTE DU COURS ET DES CRISES CATASTROPHIQUES DU CAPITALISME. Le mode de production capitaliste se distingue de tous ceux qui l’ont précédé d’une manière tout à fait évidente en ce qu’il tend au développement maximum des forces productives et c’est ce qui constitue sa nature révolutionnaire. Mais dans le même temps il se heurte dans cette tendance à sa propre nature bornée et à sa propre base étriquée. C’est de cette nature contradictoire du capital que naissent les crises cycliques de surproduction, véritables crises du marché mondial pouvant dans certaines conditions historiques ouvrir la perspective révolutionnaire du communisme. En tant que valeur autonomisée, valeur en procès, le capital doit sans cesse se valoriser et par conséquent créer une valeur nouvelle et additionnelle : « Mais, comme il représente la forme générale de la richesse – l’argent – le capital à la tendance effrénée et illimitée de dépasser ses propres bornes. Chaque limitation est et doit être, pour lui, une barrière, sinon il cesserait d’être du capital, c’est-à-dire de l’argent qui se crée lui-même. Si une telle limite déterminée lui apparaissait non comme une barrière tolérable ou inhérente à lui-même, il se dégraderait, passant de la valeur d’échange à la valeur d’usage, et de la forme générale de la richesse à un mode déterminé de substance. Si le capital crée une plus-value de quantité déterminée, c’est simplement parce qu’il ne peut en une seule fois en produire une quantité illimitée. Mais il est le mouvement de sa constante augmentation. La limite quantitative de la plus-value lui apparait uniquement comme une barrière naturelle à surmonter, une nécessité qu’il cherche toujours à dépasser. » (Karl Marx : Fondements de la critique de l’économie politique Editions Anthropos tome 1 p.283/284) Mais cette valorisation qui repose sur un développement toujours plus colossal des forces productives et une exploitation toujours plus poussée de la force de travail du prolétariat ne peut qu’entraîner une surproduction généralisée et une dévalorisation de tout le capital accumulé et existant : « Pour lui donner une expression tout à fait générale, voici en quoi consiste la contradiction : le système de production capitaliste implique une tendance à un développement absolu des forces productives, sans tenir compte de la valeur et de la plus-value que cette dernière recèle, ni non plus des rapports sociaux dans le cadre desquels a lieu la production capitaliste tandis que par ailleurs, le système a pour but la conservation de la valeur-capital existante et sa valorisation au degré maximum ( c’est-à-dire un accroissement sans cesse accéléré de cette valeur). Son caractère spécifique est fondé sur la valeur-capital existante considérée comme moyen de valoriser au maximum cette valeur. Les méthodes par lesquelles la production capitaliste atteint ce but impliquent : diminution du taux de profit, dévalorisation du capital existant et développement des forces productives du travail aux dépends de celles qui ont déjà été produites. » (Le Capital livre III tome 6 p.262 Editions Sociales) Cette contradiction entre la valorisation et la dévalorisation du capital, entre sa nature révolutionnaire et sa nature bornée, qui se manifeste historiquement d’un cycle à l’autre dans la loi de la baisse tendancielle du taux de profit, éclate périodiquement dans des crises de surproduction au travers desquelles une dévalorisation et une dépréciation de l’ensemble de ses éléments constitutifs, moyens de production, matières premières et auxiliaires, marchandises diverses, argent et titres de toutes sortes, se produit. La machine se bloque et des forces productives sont détruites. Les usines s’arrêtent ou marchent au ralenti, les marchandises s’entassent et certaines périssent, des masses d’ouvriers se retrouvent au chômage complet ou partiel, entraînant la dépréciation de la force de travail elle-même. Des capitalistes font faillite et une partie de la petite bourgeoisie rejoint l’armée de réserve industrielle. Le fait que, comme le souligne Marx ce développement de la productivité du travail se fasse au détriment des forces productives déjà produites constitue le fondement même d’un cours historique général du capitalisme véritablement et irrémédiablement catastrophique, indépendamment même des crises cycliques.[1]Mais c’est au cours de celles-ci que la nature contradictoire du capital éclate au grand jour et qu’un voile se lève sur la mystification du capital : « Le capital tend en général à ne pas tenir compte : 1° du travail nécessaire qui est la limite de la valeur d’échange de la force vivante de travail ; 2° de la plus-value qui représente la limite du surtravail et du développement des forces productives ; 3° de l’argent qui est un frein pour la production ; 4° des limitations de la production de valeurs d’usage dues à la valeur d’échange. La surproduction rappelle brusquement au capital que tous ces éléments sont nécessaires à sa production, car c’est cet oubli qui a provoqué une dévalorisation générale du capital. Celui-ci est donc obligé de recommencer sa tentative, mais à partir d’un stade toujours plus élevé, et avec la perspective d’un effondrement toujours plus grand du capital (c’est nous qui soulignons NDR). Il est donc clair que plus le capital est développé, plus il apparaît lui-même comme une entrave à la production, et donc aussi à la consommation, abstraction faite de toutes les contradictions qui le font apparaître comme entrave fâcheuse de la distribution et de la circulation. » (Fondements t1 p373/374) Marx parle ici d’effondrement, mais il est clair que le sens est synonyme de dévalorisation brutale au moment de la crise. Ce terme d’effondrement étant dans certaine éditions traduit par « ruine » (La pléiade). En aucun cas la citation ci-dessus ne permet de l’interpréter différemment et surtout pas comme effondrement du capitalisme, comme fin définitive d’une société, d’un système ou d’une civilisation. Au contraire elle souligne la nécessité pour le capital de « recommencer sa tentative » « à un stade toujours plus élevé ». Donc une tendance historique à un développement toujours plus poussé, et à des crises toujours plus étendues et catastrophiques. Comme l’explique Marx, ces crises, qui sont de parfaites crises catastrophiques, sont récurrentes et ne peuvent jamais disparaître définitivement tant que le mode de production capitaliste demeure le fondement de la société, et la bourgeoisie, la classe dominante le personnifiant, quelle que soit la forme de cette domination et la physionomie particulière de cette classe. Les crises catastrophiques engendrées par le capitalisme et ses contradictions sont des crises cycliques et reviennent par conséquent de manière périodique. Nous reviendrons dans un autre texte sur la question du cycle économique et des crises. Toutefois, historiquement, la durée du cycle et l’intensité voire l’étendue des crises économiques du capitalisme varient. Il en est de même des conséquences de ces crises sur la lutte des classes et les conflits entre Etats capitalistes. Il y a même des périodes où le capital parvient à les atténuer plus ou moins durablement, et à les réduire à de simples récessions comme entre 1945 et 1973. Le caractère catastrophique de la crise est dès lors tellement atténué qu’il semble disparaître et laisse croire à la classe dominante que les crises catastrophiques sont désormais des phénomènes du passé. Entre 1873 et 1891, une période que l’économie bourgeoise qualifie de dépression, les crises catastrophiques semblent également disparaître, bien que les circonstances et les taux de croissances aient été différents, pour les pays de capitalisme développés, de ceux d’après 1945. On a plutôt au contraire durant cette période une espèce de crise chronique, comme le caractérisait Engels. C’est entre autres que le développement de la grande industrie aux EU et en Allemagne venait concurrencer les vieilles puissances colonialistes sur le marché mondial dont l’extension n’est pas automatique. Mais d’autres facteurs complexes viennent perturber le cycle économique, au premier rang desquels la lutte des classes. Aux simples récessions succèdent alors de faibles reprises. Cette situation avait donné des arguments aux courants opportunistes au sein du mouvement ouvrier et ouvert la voie au révisionnisme pour théoriser une nouvelle époque, dite de développement pacifique du capitalisme, et la disparition des crises catastrophiques. Dès 1900 une nouvelle crise catastrophique éclatait qui se prolonge jusqu’en 1903, puis de nouveau à partir de 1913 avec prolongement dans la grande guerre. Cette dernière ne résout pas plus la question de l’hégémonie sur le marché mondial que celle des crises cycliques de surproduction. Elle ne fait que repousser la vague de luttes qui débutent en 1912 et l’échéance de la révolution qui éclate finalement en 1917. Ce n’est qu’après la victoire de la contre-révolution et deux nouvelles crises de surproduction en 1929 puis en 1939 et la deuxième guerre mondiale qui la prolonge que le capital parviendra à surmonter temporairement ses contradictions pour trois décennies. Les EU remplaçant l’Angleterre dans son rôle hégémonique sur le marché mondial. Mais globalement, la période entre 1913 et 1946 se présente comme une période de stagnation, alors qu’après la seconde guerre mondiale le capital renoue avec des taux de croissance et de profit élevés et semble avoir surmonté ses contradictions : « Marx fait l’étude d’un être, le capital, de sa naissance à sa mort. Il a donné les lois générales de son développement, mais il n’a jamais prétendu que l’évolution de celui-ci dépendait uniquement des lois inhérentes au capital, que la lutte des classes n’avait aucun rôle. A ce moment-là ce serait présenter le capital comme dépendant seulement d’un phénomène technologique., ce serait une chose et non un rapport social, un procès. On aurait nié le second élément essentiel, le prolétariat, et toute dialectique aurait disparu. Pour comprendre la phase de ralentissement (époque de Berstein) celle d’arrêt apparent (époque théorisée par Trotski) ou celle de grand boom (après 1945) il faut tenir compte de la lutte de classe. Dans le premier cas, un équilibre, en Allemagne, s’était produit entre prolétariat et bourgeoisie, dans le second, le capital n’arrivait pas à consolider sa domination sur le prolétariat, dans le troisième c’est son plein triomphe. » (La révolution communiste : thèses de travail Invariance n°6 ; thèse 4.4.3.8) Marx explique que ces crises, qui historiquement iront en s’amplifiant, gagneront des aires toujours plus étendues puisque ce sont des crises du marché mondial et que celui-ci est lui-même toujours plus étendu, impliquant un nombre croissant de régions du monde qui sont aujourd’hui toutes impliquées dans la production capitaliste. Toutefois il ne faut pas voir cette tendance historique comme un phénomène linéaire et constant mais comme une tendance parfois freinée, parfois contrecarrée pour un temps plus ou moins long, par toute une série de contre-tendances de nature diverses, pour lesquelles la lutte des classes et ses résultats jouent un rôle déterminant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la pleine réalisation de la domination réelle du capital sur la société n’a pu advenir qu’au cours d’une période de crises, de guerres et de révolutions au terme desquelles le capital s’est débarrassé des vieilles formes et classes précapitalistes qui entravaient son développement et a intégré le prolétariat dans sa communauté matérielle après l’avoir battu sur le terrain politique puis économique. Au cours de ce processus historique, les conditions qui permettaient au prolétariat d’utiliser la démocratie et le parlementarisme se transforment en leur contraire, rendant non seulement obsolète la tactique du parlementarisme révolutionnaire mais encore la retournant contre la révolution. L’évolution de la démocratie comme moyen de domination totalitaire et la réduction des parlements à des mascarades n’ont fait que se renforcer depuis la première guerre mondiale dans tous les pays de vieux capitalisme tout en étant exportés dans les pays de capitalisme plus jeune et les anciennes colonies parvenues à l’indépendance politique. Lorsque ces conditions exceptionnelles disparaissent, et que reviennent les crises catastrophiques, l’affolement gagne la classe dominante et ses idéologues, à commencer évidemment par les économistes. Par exemple lors de la crise de 2007/2009 on a vu toute une pléiade d’économistes libéraux se muer du jour au lendemain en keynésiens, des keynésiens revenir à Marx, etc… L’affolement gagne aussi les idéologues des classes moyennes qui pressentent dans les crises catastrophiques le triste sort que leur réserve le capital. Tout ce beau monde semble entrevoir au travers de telles catastrophes la disparition annoncée de leur monde. Or la nature bornée des classes dominantes et des classes moyennes qui en dépendent et vivent en domestiques du capital ne peut envisager la fin du monde capitaliste que comme la fin du monde tout court. Elles se réfugient alors dans un passé mythique idéalisé ou des utopies irréalisables parfaitement inoffensives pour le capital. Il est vrai que dans la mesure où le capital ne tient compte d’aucune autre limites que ses propres limites il tend à épuiser les principales sources de la richesse réelle : la terre et le travailleur. Mais il cherche également à les régénérer afin de pouvoir continuer à les exploiter sur une échelle et avec une intensité croissantes. CRISES CATASTROPHIQUES OU EFFONDREMENT ? Le retour des crises catastrophiques, l’accélération du cours chaotique du capitalisme et de sa destruction de la nature, avec d’énormes tensions sur les matières premières et auxiliaires depuis 1973, ont suscité les théories de l’effondrement aujourd’hui à la mode sous le terme de « collapsologie ». Au plus fort de la crise ouverte en 2019, la « collapsologie » et ses théories de l’effondrement ont même gagné certains médias comme le Monde : « Commerce mondial et coronavirus : la menace de l’effondrement » (Le Monde 9/4/2020) « Pablo Servigne théoricien de l’effondrement » (Le Monde 11/4/2020) L’auteur ayant mis à la mode le concept avec l’ouvrage paru au Seuil en 2015 « Comment tout peut s’effondrer ». Pablo Servigne et Raphaël Stevens « Climat : la collapsologie fait débat. » etc. Cette théorie qui mêle l’histoire des civilisations et l’écologie politique prédit un effondrement de la société industrielle et une apocalypse. Pour certains, on ne pourrait y échapper qu’en adaptant le capitalisme à une croissance zéro. Autrement dit une utopie qui sans être entièrement nouvelle n’en est pas moins parfaitement absurde puisque le capitalisme ne peut subsister sans accumulation. Déjà le Club de Rome jouait cette partition. Le GIEC a repris la rengaine et à sa suite tous les écologistes de la droite à la gauche, forçant tous les partis à introduire une dose d’écologie dans leur programme. Mais la plupart des politiciens bourgeois assurent qu’ils peuvent impulser une croissance verte, créer des emplois et sauver la civilisation de l’effondrement et la planète de l’épuisement si on leur fait confiance et si les travailleurs se plient à leurs exigences. Il n’est pas utile ici de développer sur ce sujet et sur toutes les variantes petite-bourgeoises de théories collapsologiques se réfugiant dans les limbes d’un passé révolu ou imaginaire. Car toutes ont en commun de demeurer sur le terrain de la croissance (croissance positive et durable, croissance zéro ou enfin décroissance), et plus particulièrement sur le terrain de la valeur d’échange qui mène au capital. Ce qui nous intéresse c’est d’analyser la défense d’une théorie de l’effondrement par une grande partie des militants du milieu révolutionnaire et de la confronter non seulement aux positions de Marx, mais encore aux faits eux-mêmes. Chez les communistes, la crise est toujours saluée comme un moment de vérité qui peut ouvrir la voie à la lutte du prolétariat et à sa radicalisation. D’une manière disons abstraite, la crise a pour effet de révéler la nature contradictoire du capitalisme tout en affaiblissant momentanément la classe dominante et son pouvoir ; elle constitue donc un facteur de démystification tout comme un accélérateur des antagonismes sociaux. Toutefois Marx explique aussi que la crise constitue le moyen inévitable pour le capital poussé par ses contradictions insurmontables, de se relancer sur une base assainie et d’éviter le suicide : « Le stade suprême de développement de la puissance productive ainsi que le plus grand accroissement de richesse jamais connu coïncideront donc avec la dépréciation du capital, la dégradation du travailleur et l’épuisement systématique de ses capacités vitales. Ces contradictions conduiront à des explosions, des cataclysmes, des crises, dans lesquelles, par la suspension momentanée du travail et la destruction d’une grande partie du capital, ce dernier est ramené par la violence à un niveau où il peut reprendre son cours. Ces contradictions conduisent bien sûr à des explosions, à des crises dans lesquelles la suppression de tout travail et la destruction d’une grande partie du capital ramènent ce dernier par la violence à un point où il est en mesure d’exploiter au maximum ses capacités productives sans être conduit au suicide. Pourtant ces catastrophes périodiques sont vouées à se répéter à plus large échelle et conduisent finalement au renversement violent du capital. » (Grundrisse t2 p.237/238) On ne peut être plus clair sur la conception marxiste du renversement du capital que Marx lui-même dans ce passage du manuscrit des Grundrisse. Il n’y a pas plus, chez Marx, de décadence des forces productives, que celle-ci soit considérée comme une tendance graduelle ou comme un point absolu, que d’effondrement final indépendamment d’une intervention révolutionnaire du prolétariat. L’effondrement économique n’est que temporaire au cours de la crise et constitue le fondement d’une reprise sur des bases elles-mêmes momentanément assainies. Si la crise, dans certaines circonstances historiques, ouvre la voie à la révolution, la reprise qui s’ensuit si la révolution ne triomphe pas rapidement, lui coupe l’herbe sous les pieds et favorise son reflux. Cette leçon a été tirée par le parti Marx après 1848 et par la gauche d’Italie après 1919 et même, comme nous le verrons plus loin, par l’IC à partir de 1924, mais d’une manière de plus en plus opportuniste et révisionniste avant de renier purement et simplement cet enseignement. Ce reflux peut n’être que momentané, comme il peut s’avérer plus durable si dans le même temps la contre-révolution marque des points ; la gauche communiste d’Italie, et surtout BORDIGA le constatèrent après 1926. D’ailleurs la crise qui suivit cette période à partir de 1929 ne débouche pas sur une reprise révolutionnaire mais, à partir de 1933, sur un renforcement de la contre-révolution et dès 1936 sur la préparation d’une nouvelle guerre impérialiste mondiale. Dans d’autres circonstances, les effets catastrophiques plus ou moins durables de la crise peuvent paralyser le prolétariat et se retourner contre lui en laissant libre court au renforcement de la contre-révolution comme pendant et après la deuxième guerre mondiale, ce qui fut le cas également à partir de 1983 jusque dans les années 2000, surtout avec la crise en URSS et dans tout le bloc de l’Est. Enfin le télescopage de la crise avec une crise sanitaire, une catastrophe naturelle ou une guerre peut, comme ce fut le cas en 1914 avec la trahison et la faillite de l’Internationale Ouvrière et la première guerre mondiale, en 2020/2021 avec la pandémie de COVID-19, toutes proportions gardées[2], interrompre et même briser momentanément une vague de luttes. Il faut donc ramener les effets de la crise à l’analyse des conditions historiques dans lesquelles elle éclate. Et principalement au niveau de développement de la contradiction fondamentale du capital et du rapport de forces entre les classes. Pour Marx les crises du capitalisme sont donc par nature des crises catastrophiques et ces crises sont inséparables de la nature même du capital et de ses contradictions. Historiquement, loin de s’atténuer, ces crises deviennent de plus en plus profondes et étendues, et par conséquent de plus en plus régulières selon un cycle économique qui passe par des phases diverses et récurrentes ; cette crise ne peut jamais être durable au sens d’une crise « permanente », seules certaines de ses conséquences peuvent parfois se cumuler sur des périodes recouvrant plusieurs cycles économiques. Autrement dit si la lutte des classes ne tranche pas dans le sens d’une rupture révolutionnaire avec la domination du capital, ce dernier se relance après avoir subi une dévalorisation au travers de la crise et cherche à rattraper et surtout dépasser son niveau de valorisation antérieur par tous les moyens à sa disposition : principalement par un renforcement de l’exploitation de la force de travail des prolétaires. Par ailleurs, si toutes les lois du mode de production spécifiquement capitaliste, et la principale d’entre elles, celle de la baisse tendancielle du taux de profit, le poussent historiquement dans ce sens, sa domination réelle toujours plus totalitaire sur la société lui donne des moyens accrus pour activer des contre-tendances plus ou moins efficaces et durables. Le capital parvient ainsi à englober ses contradictions et à différer ou atténuer leur éclatement dans les crises, mais il ne peut empêcher qu’elles ressurgissent tôt ou tard à un niveau plus élevé et sur une échelle plus étendue. La baisse tendancielle du taux de profit se confirme malgré tout historiquement dans la succession des cycles économiques qui aboutissent périodiquement dans la crise catastrophique, et où le taux de profit s’effondre. Il faut toutefois distinguer la tendance à la baisse du taux de profit qui se manifeste d’une part dans une moyenne tendant à la baisse d’un cycle à l’autre et qui est soumise à des contre-tendances qui peuvent faire remonter ce taux pour un temps plus ou moins long (par exemple après 1945 jusqu’en 1973), de la chute brutale de ce taux au moment de la crise et de sa remontée au cours de la reprise et de la période de prospérité. On a ainsi des périodes historiques, comme après la seconde guerre mondiale, pendant lesquelles les crises semblent avoir disparu pour laisser place à de simples récessions et où la lutte des classes perd en intensité et paraît se résoudre dans la collaboration des classes, le réformisme et la démocratie. Mais c’est justement en grande partie l’omission de l’existence de contre-tendances aux lois tendancielles du capitalisme qui produit l’illusion que le retour des crises catastrophiques vont nécessairement mener à son effondrement ou à sa décadence et son pourrissement. Pourtant la crise ne produit pas plus mécaniquement la révolution que la guerre. Il faut pour cela des conditions historiques dans lesquelles les différentes classes en présence et en lutte ont atteint un point où elles jouent leur avenir. Après 1975 la réaffirmation des crises est patente, et l’on a trois périodes qui se chevauchent en partie. La première menant au renforcement de la contre-révolution au cours des années 80 suite au reflux des luttes, à leur enfermement sur l’entreprise ou le secteur et la nation par les syndicats et les partis de gauche et d’extrême gauche, et à la démoralisation des ouvriers suite au retour du chômage massif. Alors que les crises catastrophiques ont fait leur retour, le nombre de jours de grèves ne cesse de diminuer et la bourgeoisie organise une offensive générale contre la classe ouvrière. La crise du bloc soviétique aboutit au triomphe international de la démocratie et des EU sur le marché mondial et au renforcement idéologique de l’anticommunisme. La seconde commence avec la révolution technologique des moyens d’information et de communication, et le développement d’une nouvelle division internationale du travail, ainsi qu’une division internationale des procès de production (DIPP). Elle est en continuité avec la première et se développe au cours des années 90. A l’accroissement de l’exploitation de la force de travail permise par le renforcement de la contre-révolution et les restructurations industrielles se conjugue une dévalorisation de la force de travail par la diminution de valeur des marchandises entrant dans sa reproduction, produites à meilleur coût en Asie, ou grâce à l’industrialisation de l’agriculture, les biotechnologies, la DIPP etc. La dévalorisation du capital est en partie compensée par l’augmentation de la productivité du travail et la réduction du temps de circulation grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’abaissement du coût des transports agissant dans le même sens. Il faut également considérer que les nouvelles branches de production entraînent également la création de nouveaux débouchés, même si ce n’est pas mécanique, et que la rationalisation du procès de circulation permet une meilleure exploitation des marchés anciens. Il faut prendre en compte le développement des BRICS durant cette époque, et avec le relèvement de la Russie l’immense développement de la Chine que certains dans le milieu révolutionnaire jugeaient impossible[3] ! L’ensemble de ces développements, et l’extension sans équivalent historique du système de crédit, ont permis au capitalisme mondial d’éviter momentanément la rechute dans des crises de la gravité de celles de 1975 et 1980/82, mais ne sont pas parvenus à contrecarrer durablement la baisse tendancielle du taux de profit qui va en s’accentuant depuis les années 70, ni à supprimer le retour des crises cycliques de surproduction. Les conditions historiques exceptionnelles de l’après seconde guerre mondiale relevant désormais du passé, et la compétition sur le marché entrant dans une phase critique du fait de l’accession de nouvelles aires à la domination réelle du capital. La dévalorisation du capital atteint désormais des proportions inégalées que l’augmentation de la productivité du travail ne parvient pas à compenser. Durant les années 60 les taux de croissance du PIB mondial atteignent des taux au-dessus de 6% pendant les années de prospérité. Après la crise de 1975, ou ce taux approche de 0% (0,599 %) seule l’année de reprise de 1976 refait passer ce taux au-dessus de 5% (5,297 %) mais il ne dépassera plus 4,5% avant la crise de 1980/82 où il replonge près de 0% (0,416 % en 1982). La meilleure année de la décennie 80 ce taux atteint tout juste 4,677 % en 1984 et ne sera plus jamais atteint. Par contre durant les années de crise entre 1990 et 1993, il ne plongera pas au-dessous de 0%, le taux de croissance diminue seulement à 1,446 % en 1991 et 1,808 % en 1993[4]. C’est par contre la moyenne du cycle qui tend à diminuer. Il faut en outre considérer que ces chiffres concernent des références annuelles alors que la crise s’entend officiellement à partir de deux trimestres consécutifs de croissance négative. Si l’on s’en tient à cette définition il faut alors affiner l’analyse à partir de chiffres trimestriels. Toutefois il est parfaitement significatif que même sur la base annuelle les taux sont mondialement négatifs pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale en 2009, puis encore plus négatifs en 2020 lors de la crise suivante. Mais des taux négatifs affectant les principales zones de production et d’échange de l’économie capitaliste mondiale durant au moins deux trimestres consécutifs signalent bien l’éclatement de la crise de surproduction et nous conforte dans notre position et nos prévisions de 2010. La crise s’est bien développée entre 2017 et 2019, années au cours desquelles un maximum de pays, et notamment ceux parmi les premières économies de leur aire (Japon en Asie/Pacifique ; Turquie, Iran et Arabie Saoudite au Moyen-Orient ; Mexique, Argentine et Chili en Amérique latine ; Afrique du Sud en Afrique ; Allemagne, France et Italie en Europe, etc.) ont amorcé la chute de leur croissance au-dessous de zéro, avant de plonger au-dessous de zéro à l’échelle mondiale au cours du premier trimestre en 2020. Cette dernière période s’achève avec la crise de 2008/2009. Ce qui signifie que le contenu de cette période s’épuise également, et que la dévalorisation n’a pu être compensée par une nouvelle augmentation suffisante de la force productive du travail et de son exploitation. La bourgeoisie est dès lors forcée d’attaquer plus directement la classe ouvrière et les classes moyennes improductives. Les crises deviennent beaucoup plus graves et généralisées, des luttes de classes ressurgissent, disparaissent et réapparaissent. La concurrence devient encore plus acharnée sur le marché mondial. Les taux de croissance de la production mondiale qui s’étaient plus ou moins stabilisés après 1993 continuent à diminuer depuis 2008, traduisant la vérification historique de la loi de la baisse tendancielle du taux de profit uniquement défendue de manière conséquente par le marxisme. Mais surtout ces taux deviennent négatifs au moment des crises pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, et cette croissance mondiale négative s’aggrave d’une crise à l’autre depuis 2008. Il sera désormais difficile à la bourgeoisie d’éviter le choc frontal avec le prolétariat et la fuite en avant vers un troisième conflit mondial, qui seul, en dernière instance, peut tout à la fois enrayer une montée révolutionnaire et résoudre durablement la question de l’hégémonie sur le marché mondial ainsi que détruire l’immense surproduction qui encombrera le marché mondial à la fin du cycle à venir. Une telle solution comporte toutefois deux dangers majeurs pour le capitalisme : la destruction de l’espèce dont il se nourrit ou l’explosion révolutionnaire face à la guerre. Toutefois nous pensons que désormais, si le prolétariat ne parvient pas éviter le déclanchement de celle-ci, ou tout au moins d’enrayer son développement, il lui sera très difficile sinon impossible de réaliser sa révolution. C’est d’ailleurs également ce qu’affirmait BORDIGA lorsqu’il prévoyait l’alternative guerre ou révolution mondiales pour le milieu des années 70. La théorie marxiste des crises relève donc d’une conception très différente, et cela a d’importantes conséquences sur l’organisation en parti du prolétariat, sa tactique et sa stratégie, de celle de l’effondrement ou de la décadence et de la décomposition du capitalisme qui ont été et sont encore développées dans le milieu révolutionnaire « marxiste », enfermant ce dernier dans des contradictions insolubles et une tendance toujours plus délirante dans le sectarisme et le déni des réalités. LE MILIEU REVOLUTIONNAIRE ET LA THEORIE MARXISTE DES CRISES La majeure partie du milieu révolutionnaire défend la théorie de la décadence du capitalisme que nous avons largement critiquée dans la revue Communisme ou Civilisation, puis dans la RIMC. Les principaux défenseurs d’une théorie de la décadence du capitalisme, comme le CCI ou encore le GIGC, s’appuient sur les travaux de Rosa LUXEMBURG au sujet de l’accumulation du capital, d’autres sur les théories de Henrik GROSSMANN et Paul MATTICK, comme le BIPR devenu la TCI. Les différents courants bordiguistes se rattachant plutôt aux théories léninistes de l’impérialisme. Mais la plupart sous-entendent que le capitalisme décadent ou sénile devra s’effondrer de lui-même et que son heure est venue. Or, non seulement cette position est à l’opposé de la théorie marxiste, comme nous l’avons vu dans la première partie, mais elle tourne le dos à la réalité des faits depuis plus de 90 ans. Selon Rosa, comme le capital ne peut réaliser la plus-value à accumuler sans recours aux marchés précapitalistes qu’il fait lui-même disparaître, il arrive un moment où l’accumulation du capital devient impossible. Le capitalisme entre alors en crise permanente et sans issue. Il doit s’effondrer. D’après Rosa, c’est une crise historique mortelle qui mène le capitalisme à son effondrement. Or comme nous l’avons rappelé également dans ces travaux sur la crise[5], la notion de phase de décadence du capitalisme est absente de l’ouvrage de Rosa Luxemburg relatif à l’accumulation du capital. Ces groupes ne sont donc même pas cohérents avec la théorie sur laquelle ils prétendent s’appuyer. La disparition, tout au moins qualitative, des marchés extra-capitalistes était pour Rosa une perspective encore lointaine en 1912. Dans la brochure de Junius, Rosa décrit les mécanismes impérialistes de l’Allemagne en Turquie qui reposent sur l’exploitation de la paysannerie par l‘Etat despotique de l’Empire Ottoman, ce qui lui permet de trouver un exutoire pour réaliser la plus-value à accumuler sans posséder de colonies. En définitive, la perspective de l’épuisement de ces marchés, même encore lointaine, n’aboutit pas chez elle à la décadence du capitalisme mais, à terme, à l’effondrement. Toutefois elle ne nie pas les crises catastrophiques périodiques de surproduction et la possibilité pour le prolétariat organisé en parti révolutionnaire de renverser la bourgeoisie à l’occasion d’une crise catastrophique et d’ouvrir la voie révolutionnaire au communisme, ni la possibilité des reprises économiques et de nouvelles périodes d’expansion avant de nouvelles crises. Contre Bernstein qui invoquait l’adaptation du capitalisme, l’atténuation de ses contradictions et la disparition des crises catastrophiques, Rosa démonte un à un ses arguments et rappelle que les crises n’ont jamais disparu et qu’une grave crise de surproduction a éclaté en 1900. Par contre, dans sa critique de Bernstein, elle avançait l’inéluctabilité historique de l’effondrement du capitalisme : « La théorie révisionniste est confrontée à une alternative : ou bien la transformation socialiste de la société est la conséquence, comme auparavant, des contradictions internes du système capitaliste, et alors l’évolution du système inclut aussi le développement de ses contradictions, aboutissant nécessairement un jour ou l’autre à un effondrement sous une forme ou sous une autre ; en ce cas, même les « facteurs d’adaptation » sont inefficaces et la théorie de la catastrophe est juste. Ou bien les « facteurs d’adaptation » sont capables de prévenir réellement l’effondrement du système capitaliste et d’en assurer la survie, donc d’abolir ces contradictions, en ce cas, le socialisme cesse d’être une nécessité historique ; il est alors tout ce que l’on veut sauf le résultat du développement matériel de la société. » (Réforme sociale ou révolution/ Maspero p21/22) Ici l’effondrement est conçu « sous une forme ou sous une autre », il s’agit avant tout de la perspective catastrophiste du cours historique du capitalisme défendue par les marxistes contre le révisionnisme. Et le même texte met en avant l’organisation et la conscience croissantes du prolétariat au travers de ses luttes et la possibilité d’un assaut révolutionnaire de ce dernier soit à l’occasion d’une crise catastrophique, soit au bout du compte, lorsque les marchés extra-capitalistes auront qualitativement disparus au moment de l’effondrement final, inéluctable et définitif, du système capitaliste. Or cette dernière hypothèse d’une révolution comme conséquence d’un effondrement du capitalisme quasi mécanique est étrangère au marxisme. L’effondrement du capitalisme ne peut au contraire provenir que d’un assaut révolutionnaire du prolétariat contre le pouvoir organisé de la bourgeoisie internationale. QUELQUES MOTS DU CCI OU BIENVENU CHEZ LES FOUS Selon le CCI, les choses sont différentes. Lorsque les marchés extra-capitalistes deviennent insuffisants pour la reproduction élargie du capital, le système entre en décadence et les forces productives ne se développent plus, elles régressent. Le capitalisme connaît alors une crise permanente et une surproduction croissante. Mais la bourgeoisie aurait trouvé une issue à l’effondrement de son système dans la guerre mondiale qui lui permet de reconstruire l’économie avant de retomber dans la crise qui ouvre de nouveau l’alternative guerre ou révolution. Nous passerons sur toutes les inconséquences et les contradictions des théories luxemburgistes développées par divers théoriciens et groupes « marxistes », notamment Sternberg dont nous avons déjà montré l’inconsistance et la conciliation avec l’idéologie bourgeoise dans la RIMC. Mais pour le CCI, il faut tout de même le rappeler, il y a maintenant plus d’un siècle que le système est entré en décadence. Et plus de 50 ans que la crise de décadence a ressurgi, c’est-à-dire une crise permanente qui aurait dû déboucher sur la révolution ou la 3°guerre mondiale. Toujours selon le CCI, il y aurait plus de 50 ans que ce serait ouverte la période révolutionnaire… depuis Mai 68 ! Pourtant le prolétariat ne s’est toujours pas reconstitué en classe et en parti agissant en 2021. Non seulement, malgré le retour des crises cycliques et catastrophiques, aucune révolution prolétarienne n’a éclaté depuis lors mais par contre le capitalisme a connu plusieurs cycles économiques de croissance et s’est étendu à tous les continents. Et pour l’instant, aucune guerre mondiale n’a éclaté, même si la perspective d’une possible troisième guerre mondiale impérialiste se précise dans les tensions croissantes entre les EU et la Chine et la Russie. Et le développement des forces productives n’a historiquement jamais connu de tels niveaux, même si le cours catastrophique du capitalisme en anéanti périodiquement une masse croissante et si son système en retourne les avantages contre l’homme et la nature au point de les rapprocher toujours plus dangereusement d’un anéantissement. Le système s’effondrerait dans ce dernier cas mais loin d’entraîner la révolution il entraînerait sous ses ruines l’espèce humaine qui l’a engendré et qui le nourrit. Nous verrons plus loin qu’en dehors d’une troisième guerre mondiale apocalyptique, il n’est pas impossible que ce système parvienne à éviter cette perspective d’épuisement total et définitif des ressources humaines et naturelles, ce qui est également tendanciel mais peut déboucher sur un bond qualitatif dans l’irréversible ; mais une telle adaptation, si jamais elle était réalisable, à l’opposé des illusions réformistes des révisionnistes, ne supprimerait pas pour autant son caractère contradictoire et catastrophique, ni les crises de surproduction et les antagonismes de classes qui, pour le mouvement communiste et la théorie marxiste constituent les causes réelles, objectives et subjectives qui mèneront « tôt ou tard » et « sous une forme ou sous une autre » à la révolution communiste et à la dictature du prolétariat. Or le CCI a cherché à justifier sa théorie entièrement démentie par les faits et globalement étrangère au marxisme en inventant au fur et à mesure de nouveaux concepts, comme la décomposition[6] et le chaos, et pour finir il a nié la possibilité historique d’une troisième guerre mondiale (voir notre texte sur la Syrie[7] en réponse à cette prise de position révisionniste). Or si la guerre mondiale considérée jusque-là par ces courants comme solution temporaire à la crise permanente du capitalisme décadent n’est plus possible, le capitalisme devrait s’effondrer comme l’envisageait Rosa Luxemburg. Encore une fois, les faits sont têtus ! Et le capitalisme la peau dure. Les délires antimarxistes du CCI nient la possibilité d’une reprise économique depuis la fin de la reconstruction. Sur ce point nul besoin de commentaires… Avec son 24° congrès le CCI persiste et signe, et on apprend que la crise sanitaire est « une crise globale » et « une crise de la décomposition » : « Notre 24e Congrès a conclu que la pandémie ne peut être réduite à une "calamité" ou considérée uniquement comme une crise sanitaire (dans le style de celles qui se sont produites périodiquement dans les sociétés précapitalistes et dans le capitalisme lui-même au cours du XIXe siècle). C'est une crise globale -sanitaire, économique, sociale et politique, mais aussi morale et idéologique. Il s'agit d'une crise de la décomposition du capitalisme en tant que produit de l'accumulation des contradictions du système au cours des 30 dernières années, comme le met en évidence notre rapport sur la pandémie et la décomposition pour le 24e Congrès. » (Revue Internationale n°167) Comme si les crises du capitalisme pouvaient être autre chose que « le produit de l’accumulation des contradictions du système » … Mais en réalité le CCI est bien incapable de donner une base scientifique à ses positions toujours plus délirante. Il préfère chercher à masquer ses fondements théoriques erronés et ses positions politiques de plus en plus étrangères au marxisme en les recouvrant de commentaires superficiels et de qualificatifs à sensation. Lors de ce même congrès il avance sans rire : « (…) la pandémie actuelle de Covid-19 est la distillation de toutes les manifestations-clés de la décomposition, et un facteur actif de son accélération. » La question des crises économiques du capitalisme est totalement et définitivement évacuée et diluée dans la notion parfaitement idéaliste de décomposition du capitalisme au point de se muer en pandémie. Nous ne reviendrons pas sur les critiques théoriques déjà portées au CCI dans le passé et sur le fait que les forces productives ont continué de croître (la croissance de la population mondiale est un exemple marquant de cette croissance, de même que celle de la population active et employée), mais nous invitons le lecteur à se demander comment la décomposition du capitalisme peut se manifester par le développement et la croissance mondiale des rapports de production capitalistes par excellence : le salariat. Voici quelques chiffres édifiants[8] : Entre 1991 et 2017 soit durant la période dite de décomposition du capitalisme par le CCI, la population salariée dans le monde a augmenté de 800 millions d’individus soit de 76%, passant de 1,06 milliards à 1,87 milliards d’individus. En 25 ans la population salariée mondiale est passée de 44,1 % de la population active à 54,3 %, autrement dit désormais la majeure partie des travailleurs dans le monde est salariée et assujettie directement au capitalisme. En Chine on passe durant la même période de 31,8% à 63,65% ; de 206 millions à 500 millions, augmentation colossale et ultra rapide en moins de 30 ans ! En Inde de 13,8% à 21%, de 46 millions à 110 millions. Si le sous-continent le plus peuplé de l’Asie avec la Chine est à la traîne par rapport à cette dernière, le capitalisme continue toutefois à y gagner du terrain et a plus que doublé le nombre de travailleurs salariés durant ces trois décennies de prétendue décomposition. En Afrique subsaharienne de 21,5% à 25,9% et de 42,25 millions à 107,6 millions, soit 65 millions de plus. En Amérique latine de 58,1% à 63,2% ; de 101 millions à 195 millions. 94 millions de plus ! Autrement dit un taux à peu près similaire à celui de la Chine. Aux EU, le pays le plus avancé dans le degré de développement des rapports spécifiquement capitalistes, ce taux passe de 86,7% à 90 % ! L’évolution est évidemment plus lente mais on se rapproche d’une société purement capitaliste. Enfin en France le taux de salariés augmente également jusqu’à un plateau atteint entre 2007 et 2008, il s’établit en 2019 à 87,9%. Soit un taux proche de celui de la moyenne de l’UE et de celui des EU qui est le plus élevé dans le monde, véritable centre du capitalisme mondial. La diminution relative du taux de salarié par rapport à la population active employée globale en France n’empêche en rien son augmentation absolue et s’explique surtout par les progrès de certaines formes qui ont gagné plus tardivement ce pays par rapport aux pays anglosaxons, comme l’autoentreprise et l’ubérisation, et qui ne sont que des formes déguisées de salariat et d’exploitation de la force de travail. LE GIGC TITUBE ENTRE CCI ET TCI Lors de la dernière crise, en 2020, le GIGC, ex FICCI (fraction interne du CCI), proclamait ceci dans sa revue Révolution ou Guerre : « La crise capitaliste est là et bien là. Six mois après l’explosion de la pandémie et de la crise, la rupture historique se vérifie et ne fait plus guère de doute, même pour les plus sceptiques. Le monde capitaliste commence à craquer de partout au point que révoltes sociales et menaces guerrières se multiplient. La crise économique, expression et facteur déterminant de l’impasse historique (c’est nous qui soulignons) ne peut que s’approfondir et s’aggraver. Aucune reprise en V ou en L tant débattue par les économistes bourgeois n’est en vue. (idem) » [9] Ces ardents défenseurs des positions historiques du CCI contre les dérives antimarxistes de ce dernier n’ont pas davantage répondu à nos critiques d’alors et par conséquent se situent globalement dans les mêmes errances théoriques que ceux qui les ont expulsés de leur petite secte. Aucune explication cohérente de la longévité du capital malgré la disparition qualitative des marchés extra-capitalistes, et même malgré l’absence du remède supposé (un temps) par le CCI, la guerre mondiale. Ils semblent pourtant avoir implicitement concédé que le capitalisme s’était bien développé durant les dernières décennies, mais désormais ils ont déclaré que la rupture historique s’était vérifiée et que le capitalisme était dans une impasse historique. Mais dans ce cas également le GIGC tourne le dos au luxembourgisme. Car le système pourrait selon lui échapper à l’effondrement grâce à la guerre. D’ailleurs la révolution ne montrant aucun signe tangible, la perspective de la troisième guerre mondiale est pointée du doigt dans le n°18 de leur revue.[10] Le GIGC a toutefois eu l’honnêteté de reconnaître son erreur d’analyse concernant l’alignement des forces impérialistes dans ce début de 21° siècle, alors qu’il prétendait opposer essentiellement les EU à un axe franco-allemand et non pas à la Chine. Or la guerre mondiale serait actuellement la voie la plus rapide et la plus sûre d’aboutir à l’effondrement du capitalisme par la destruction de l’espèce humaine et de la plupart des formes de vie sur terre. En ce sens l’effondrement du capitalisme ne signifierait pas l’avènement de la révolution mais la disparition de l’espèce humaine ou sa régression complète dans un monde dont on ne peut imaginer les conditions pour les différentes formes de vie qui pourraient s’y maintenir. Le GIGC ne cesse de caresser Battaglia Comunista et la TCI dans le sens du poil. Mais BC s’appuie depuis les années 80 du siècle passé sur la théorie du stalinien GROSSMANN, reprise et aménagée par MATTICK, qui théorisa également l’effondrement inéluctable du capitalisme. LA SOUPE ECLECTIQUE DE LA TCI Dans la RIMC n°7 (octobre 1990) consacré à la critique de la théorie des crises chez GROSSMANN nous abordions cette question de la théorie de l’effondrement et nous reconnaissions, au passage, que Communisme ou Civilisation n’avait pas été clair auparavant sur la question de la crise catastrophique : « (…) notons que pour notre part nous n’avons pas toujours été d’une clarté absolue sur cette question. Dans certains numéros de C ou C (Cf n°8 p.18) les crises cycliques sont présentées comme le prélude à la crise catastrophique. En fait, pour Marx, la crise, de par sa nature, est catastrophique ; c’est-à-dire que la société, pour des raisons sociales propres à la production capitaliste, se trouve dévastée comme elle le serait par des catastrophes naturelles telles qu’un tremblement de terre ou une inondation. A l’instar des catastrophes naturelles, nous trouvons dans les crises de la production capitaliste des phénomènes tels que des marchandises entreposées et qui s’abîment, des usines qui ferment, des moyens de production inexploités tandis que d’un autre côté, la force de travail inemployée s’accroit. Toutes ces choses se reproduisent (l’analogie a aussi ses limites. En effet il faut ajouter aux cas décrits, les violentes dévalorisations qui sont rendues nécessaires pour curer un mode de production capitaliste étouffant sous la surproduction) mais pour des motifs propres au mode de production capitaliste, lors des crises qui le secouent périodiquement. » (p.8) C’est donc l’idée de « la » crise catastrophique, provoquant par elle-même l’effondrement du capitalisme que nous écartions à la suite d’un important travail de restauration de la théorie marxiste des crises. Chez Marx toutes les crises économiques du capitalisme sont catastrophiques. Elles sont dues aux contradictions inhérentes à ce mode de production et se manifestent de manière périodique sous la forme de crises catastrophiques de surproduction. Par conséquent les crises économiques du capitalisme sont toutes des crises catastrophiques pour le marxisme. En outre elles ne sont jamais que des crises périodiques, cycliques, manifestant l’éclatement des contradictions du système en même temps qu’elles constituent des moments et des moyens de les surmonter. Il n’existe donc pas également pour le marxisme de crise permanente, contrairement aux affirmations de la TCI : « (…) le développement technologique du capital conduit à une diminution du taux de profit et crée des blocages dans le processus de valorisation du capital, qui sont à la racine de la crise permanente dans laquelle nous nous trouvons. » (Plate-forme de la TCI Février 2020) En outre, l’idée que la crise économique puisse être permanente est aussi étrangère au marxisme que celle d’un effondrement du capitalisme par les seuls mécanismes de ses contradictions économiques. Seule l’intervention révolutionnaire du prolétariat organisé en parti peut provoquer cet effondrement tant espéré à la suite d’une de ces crises. S’il n’y parvient pas, quelle qu’en soit la raison, le capital reprend son cours catastrophique et peut même se renforcer pour des décennies. Nous devons même considérer que le capital en tant qu’être se structure historiquement au travers des crises (Invariance n°6). Nous citerons encore ce n°7 de la RIMC d’Octobre 1990 afin d’enfoncer le clou, tout en montrant que cette question n’est pas plus une question académique que purement théorique : « Pour Marx donc, il n’y a pas de crise conduisant à un effondrement économique irréversible du capital, d’où le socialisme pourrait surgir à la manière du fruit mûr qui tombe de l’arbre. A la conception opportuniste social-démocrate, où un capitalisme anarchique et mal maîtrisé doit laisser place à un Etat planifié domptant la société bourgeoise et la loi de la valeur, GROSSMANN substitue la perspective d’un effondrement de la société bourgeoise ouvrant une voie royale au socialisme, la retraite du capitalisme étant définitivement coupée. Dans les deux cas on a affaire à une négation de la dialectique historique, du rôle révolutionnaire du prolétariat dans le dépassement de la société bourgeoise, qui, sans cette intervention, peut, au prix de crises dévastatrices, reprendre son cours catastrophique. Et, dans une perspective extrême, c’est la disparition de l’humanité, la destruction des antagonismes en présence, le capital et le prolétariat, et non un effondrement majeur d’où surgirait immanquablement le socialisme. De telles conceptions sous-estiment le rôle révolutionnaire du prolétariat et de l’action révolutionnaire dans la transformation de la société. Elle conduisent à la passivité et au fatalisme, au repli sectaire, et atténuent la responsabilité du parti communiste et l’action politique révolutionnaire, et le rôle de la préparation à une lutte féroce entre les classes, de la détermination, de l’audace nécessaires pour débarrasser l’humanité des sociétés de classes. Rares sont les grands moments où l’histoire offre de courtes périodes pour s’engouffrer dans la voie révolutionnaire, il importe de savoir les saisir, et ces expériences ne seront pas sans fin quand pointe l’alternative décisive ; « communisme ou destruction de l’humanité ». » (RIMC n°7 p.9) Dans ce même numéro, pour reprendre cette question de la théorie de l’effondrement chez GROSSMANN (exposée dans son ouvrage : « La loi de l’accumulation et de l’effondrement du système capitaliste »), nous disions : « Existe-t-il chez Marx une théorie de l’effondrement ? Telle est la question que se pose GROSSMANN au début de la deuxième partie de son livre. Après avoir passé en revue, dans la première partie du livre, les diverses interprétations révisionnistes sur le sujet, Grossmann en vient à argumenter contre KAUTSKY. Pour ce dernier, l’expression d’effondrement vient de BERNSTEIN, et MARX n’a jamais et en aucun cas prononcé un tel mot qui puisse être interprété dans ce sens. Cette conception a été attribuée à MARX par les révisionnistes. » (RIMC n°7 p.6) En fait il s’agit là d’une faiblesse générale des courants de gauche au sein de la II° Internationale, que l’on retrouvera dans la III°, dans leur lutte contre les courants réformistes et révisionnistes de droite ; ils sont restés piégés sur le terrain de l’adversaire. La tentative de LUXEMBURG est à ce sujet éloquente. Il en est de même, d’une autre manière de LENINE avec sa théorie de l’impérialisme « stade ultime du capitalisme ». BERNSTEIN raillait l’idée d’un effondrement du capitalisme que Marx aurait selon lui prophétisé en essayant de montrer que le capitalisme s’adaptait à ses propres contradictions qui tendaient par là à disparaître. La preuve : la disparition des crises catastrophiques après 1873, ainsi que toute une série de phénomènes réels ou supposés qu’il invoquait contre le catastrophisme marxiste. LUXEMBURG cherchait au contraire à fonder une perspective catastrophique devant déboucher sur l’effondrement, comme nous le rappelions ci-dessus. Et si elle avait raison en ce qui concerne un certain nombre d’erreurs de BERNSTEIN ainsi que dans la défense d’une perspective historique catastrophique du capitalisme, elle tournait le dos à Marx en défendant l’idée de l’effondrement inéluctable, dans son ouvrage « L’accumulation du capital ».[11] Pour ce qui est des positions de la TCI elles sont parfaitement éclectiques : « Dans l’ère impérialiste, la guerre mondiale est le moyen par lequel le capital « contrôle » et dénoue temporairement ses contradictions. » (…) « Au XXème siècle, de nouveaux modes de contrôle par le capital se sont consolidés. L’appropriation par l’État des moyens de production essentiels n’a cependant pas altéré leur nature capitaliste, en tant qu’ils sont la propriété du capital financier comme forme réelle du capital à l’époque impérialiste. De même, la prédominance de monopoles nationaux et multinationaux au travers des sociétés par actions (agissant en tant que capital « social ») ne signifie pas la fin des contradictions de base du capitalisme, mais plutôt leur exacerbation et leur extension en leur donnant une dimension internationale. » (…) « la période présente se distingue par la plus longue et profonde crise structurelle de l’histoire du capitalisme. Même si ce mode de production est toujours exposé à la crise, c’est seulement depuis le début des années 1970 que les effets de la baisse du taux de profit se sont manifestés avec éclat. Ces effets révèlent toute l’incapacité du capitalisme mondial à s’extraire de son cycle infernal. » (…) « Bien qu’elles aient toujours été présentes et dévastatrices comme les crises économiques qui les génèrent, les guerres sont devenues un phénomène permanent du capitalisme. Mais aujourd’hui, la guerre s’offre comme une issue centrale qu’emploie le capital pour remédier à la dévaluation du capital, en détruisant de la valeur pour reconstruire. Cette issue reste la seule disponible pour tenter d’ouvrir au capital un nouveau cycle d'accumulation, en portant à des niveaux supérieurs la concentration du capital industriel (c’est-à-dire les moyens de production) et la centralisation du capital financier. » (…) « L’ouverture de l’époque impérialiste du capitalisme avec son cycle infernal (guerre mondiale / reconstruction / crise) a aussi inscrit à l’agenda de l’histoire la possibilité d’une plus haute forme de civilisation : le communisme. » (Plate-forme de la TCI février 2020) Il est parfaitement clair dans ces lignes que la TCI non seulement revendique la théorie léniniste de l’impérialisme mais encore qu’elle l’amalgame avec la théorie de la décadence du capitalisme, repris des luxemburgistes. La cause de la décadence devant mener à l’effondrement n’est pas ici, comme chez STERNBERG et autre CCI la disparition des marchés précapitalistes, mais la baisse tendancielle du taux de profit due à une insuffisance de plus-value à accumuler comme chez GROSSMANN/MATTICK. On doit aussi relever que la TCI fait des guerres une conséquence mécanique des crises économiques, ce qui est encore totalement étranger au matérialisme historique et relève plutôt d’un économisme grossier. Si comme le martèlent les décadencistes la crise est devenu permanente depuis la fin de la reconstruction et que la guerre mondiale constitue le seul moyen pour le capitalisme d’en sortir, comment se fait-il que depuis presque 80 ans celle-ci n’a toujours pas éclaté ? On est donc dans la déconnexion totale avec la réalité historique et les faits les plus probants. A moins de considérer les guerres locales comme suffisantes pour surmonter les contradictions ; ce que fait apparemment la TCI. On est bien en dessous de Lénine qui distinguait entre les guerres impérialistes et les guerres de libération ou de systématisation nationale. Les guerres à l’époque impérialiste ne sont pas chez Lénine le produit de la crise économique mais plutôt celui des tensions croissantes pour les débouchés et les sources de matières premières entre puissances impérialistes et surtout pour les surprofits. Mais Il existait pour lui également encore des guerres révolutionnaires, ne serait-ce que les guerres anticoloniales dont il attendait qu’elles coupent l’herbe sous les pieds des réformistes en réduisant les miettes des surprofits redistribuées aux couches privilégiées du prolétariat des métropoles capitalistes. Le raisonnement de la TCI est complètement mécaniste. La crise génère la guerre ; comme la crise devient permanente, la guerre devient à son tour mécaniquement permanente. Comme la théorie des crises de Grossmann/Mattick s’apparente à celle des disproportions défendues par une certaine école de l’économie bourgeoise, en l’occurrence l’école ricardienne, alors que les luxemburgistes se rattachent plutôt à l’école sous-consommationniste représentée par SISMONDI, la surproduction ne concerne jamais qu’une fraction de la production et jamais sa totalité. Ainsi des guerres locales en permanences suffisent à surmonter des crises permanentes de surproduction partielle… Mais ce raisonnement est de surcroît parfaitement illogique. Car si la guerre est le moyen de relancer un cycle d’accumulation, en devenant permanente comme il le prétend (on nage en plein délire), la crise permanente devrait disparaître à jamais ! Finalement la théorie de l’effondrement de GROSSMANN reprise par MATTICK à partir de laquelle la TCI pensait pouvoir expliquer les crises aboutit, si l’on veut suivre leur « logique », à l’éternité du capital, c’est-à-dire exactement le contraire. L’incapacité de la TCI à comprendre la théorie marxiste des crises se traduit évidemment par son incompréhension totale de la dernière crise cyclique de surproduction dont elle attribue la cause à la pandémie de Covid 19 : « Comme toutes les crises, la pandémie de Covid contribue aux contractions du monde capitaliste. Dévastation économique, attaques contre les conditions salariales et les droits des travailleurs, avec l'intensification des guerres par procuration se généralisent, tandis que se profile à l'horizon une guerre de plus en plus généralisée. » (…) « La pandémie de Covid a produit jusqu'à présent l'une des crises économiques les plus dévastatrices depuis le dernier siècle, a infecté la moitié du monde, a provoqué plus de trois millions de morts et des désastres incalculables dans tous les secteurs sociaux. » (Les accords Sino-Iraniens – La Route de la soie et les contradictions impérialistes internationales) Non seulement la crise de surproduction est présentée ici comme « produit » de la pandémie, mais encore elle est diluée dans « toutes les crises ». Comme nous l’avons démontré dans notre texte : « D’une crise à l’autre », la crise sanitaire s’est télescopée avec la crise économique de surproduction qui l’avait précédée. Mais l’épidémie de Covid19 ne s’est transformée en crise sanitaire que parce que la bourgeoisie faisait face à une crise économique plus grave encore que la précédente et qu’elle est devenue incapable de gérer une telle situation sanitaire sans renier sa propre nature de classe et ses politiques de réformes de l’Etat et des services publics. D’où le fait qu’elle a continué ses réformes pendant la pandémie et tout misé sur les nouvelles technologies vaccinales. Nous avons également cherché à individualiser les effets de ce télescopage, tant sur le plan économique que politique, en particulier sur la lutte des classes, et à appréhender le développement d’un nouveau cycle d’accumulation avant une nouvelle crise de surproduction aux alentours de 2028. La bourgeoisie a su profiter au maximum de cette situation de confusion en alimentant la peur et en renforçant son emprise totalitaire sur la société, et en présentant la crise économique comme «produit » de la crise sanitaire. La TCI ne peut pas comprendre les crises économiques du capitalisme parce qu’elle n’a pas restauré la théorie marxiste de celles-ci et qu’elle n’a sur ce point précis qu’une conception éclectique relevant d’un amalgame entre la théorie léniniste de l’impérialisme et la théorie de l’effondrement de GROSSMANN/MATTICK. Elle ne peut par conséquent pas prévoir la venue de ces crises, ni comprendre leur nature et leur développement. Et c’est la raison pour laquelle, comme la plupart des expressions du milieu révolutionnaire marxiste contemporain, elle préfère divaguer sur la crise et la guerre permanentes du capitalisme, sa décadence, et son effondrement inéluctable. La conception marxiste est à l’opposé de ce délire : « La conception dialectique et révolutionnaire montre que les crises ouvrent une polarisation des antagonismes, il ne s’agit pas d’une crise sans issue pour la production capitaliste, d’un point absolu à partir duquel toute solution est fermée à la classe capitaliste, mais de points relatifs, de crises profondes qui peuvent avoir une issue à moins que n’aboutisse l’intervention révolutionnaire qui, elle-même, peut prendre appui sur des crises, dont la base est toujours plus vaste et l’intensité tendanciellement croissante pour une période historique donnée (c’est nous qui soulignons). » (RIMC n° 7 p.11) LE PCI FLORENCE ET LA PRECISION DE L’HORLOGE L’autre tendance de la gauche communiste d’Italie, la gauche bordiguiste ne se réfère pas aux théories luxemburgistes ni à celle de GROSSMANN et MATTICK, mais plus exclusivement à la théorie léniniste de l’Impérialisme. Et finalement, si la Gauche s’est clairement opposée aux théories de la décadence du capitalisme, elle a malgré tout entretenu l’idée d’un effondrement du capitalisme, d’un point au-delà duquel le capitalisme, « parasitaire et en putréfaction », « impérialiste et fasciste » n’aurait plus de possibilité de développement et qui rouvrirait l’ère des guerres et des révolutions, annoncée par Lénine dans « L’impérialisme ». Le début d’un travail de restauration de la théorie marxiste des crises au sein de ce courant date de 1953. Mais il prit du retard et fut par la suite plus ou moins abandonné au cours des années 60. Une prévision d’un retour de la crise après la fin de la reconstruction d’après-guerre pour 1965, puis une crise historique décisive ouvrant l’alternative historique 3° guerre mondiale ou révolution communiste mondiale pour 1975 a été formulée au cours de ces années et maintenue par BORDIGA jusqu’à sa mort. Comme nous l’avons plus d’une fois rappelé, cette prévision reposait en premier lieu sur la périodicité décennale moyenne des crises de surproduction qui s’étaient manifestées depuis les débuts de la grande industrie. En second lieu elle supposait que le marché mondial serait saturé dès lors que l’URSS aurait rattrapé l’Occident ; cela aurait dut arriver en 1975 et coïncider avec la crise cyclique. Nous reprendrons plus précisément cette question avec celle du cycle et de la périodicité des crises économiques du capitalisme. Ce qui nous importe ici c’est de mettre en relation la représentation théorique de la crise que se font ces courants et la réalité des faits d’une part, la théorie de Marx d’autre part. Il apparaît que, rétrospectivement, cette représentation, comme celles des courants décadencistes, est totalement déconnectée de la réalité des faits historiques et que la persistance d’une telle déconnexion, combinée à l’abandon du travail de restauration théorique et à une fuite en avant de type activiste et volontariste, n’est pas étrangère à la crise de tout ce milieu révolutionnaire. Quant à leur orthodoxie marxiste, cela nous renvoie aux fondements léninistes dont la Gauche, et BORDIGA lui-même, malgré un ensemble de travaux théoriques de première importance, qui posaient les jalons d’un dépassement des conceptions économiques léninistes, par un véritable et fécond retour à Marx, n’a pas su se débarrasser. Les activistes du PCI les ayant au contraire remis au goût du jour, ressassant sans cesse les couplets du « stade suprême du capitalisme » et de « l’agonie » du capitalisme « sénile ». Le travail de restauration est donc resté à mi-chemin, contradictoire et définitivement entravé par les courants activistes en son sein. Parmi ceux qui, revendiquant la continuité de la gauche communiste d’Italie de la tendance BORDIGA, n’ont pas simplement éludé à l’époque la question de la prévision d’une crise décisive en 1975, on citera le PCI Florence qui avançait ceci en 1986 : « A six mois près la prévision faite par le parti s‘est réalisée avec la précision d’une horloge. Certains pourront ergoter que la crise est apparue dès 1973 dans quelques pays, mais en fait 75 est l’année où tous les pays sont entrés en même temps en crise. C’est aussi l’année du plongeon maximum. » (La gauche communiste n°11/1986 Introduction V) Mais comme la prévision affirmait que cette crise ouvrirait la phase révolutionnaire ou la guerre impérialiste et que 10 ans après il était parfaitement clair qu’on en était encore loin, le PCI Florence tentait de minimiser l’échec de la prévision : « Il est vrai que la crise n’eut pas l’ampleur prévue par le parti. On n’eût pas le cataclysme attendu qui aurait pu déchaîner la lutte des classes à l’échelle internationale. Toutefois, 1975 a signé un tournant dans l’histoire de l’accumulation du capital de cet après-guerre. Depuis lors les 30 années de prospérité que le capitalisme a connues sont définitivement révolues pour ce cycle historique. » Seule cette dernière affirmation a pu se vérifier au cours du demi-siècle écoulé. Le reste n’est que pitoyable tentative de minimiser l’importance de la prévision et de justifier un abandon du travail théorique de restauration au profit d’un activisme sectaire. Le recul théorique de ce courant, comme des autres par ailleurs, issu de la gauche communiste d’Italie et prétendant revendiquer son héritage s’étale tout au long de cette introduction au texte de BORDIGA « Volcan de la production ou marais du marché ». Ainsi pour justifier le maintien de la prévision contre toute évidence, le PCI Florence pointe la montée du chômage et de la misère : « L’Europe et de façon générale tous les grands pays industrialisés y compris ceux de la zone russe (…) fait de nouveau connaissance avec le chômage et la misère. » Il suffit pourtant de lire le premier livre du Capital de K.MARX pour apprendre (le B-A BA…) que le chômage, l’armée industrielle de réserve fait partie du cycle normal de l’économie capitaliste, et que sa reconstitution après 1975 ne faisait que renouer avec ce dernier. Il en est de même du retour des crises périodiques de surproduction momentanément réduites à de simples récessions depuis la fin de la reconstruction d’après-guerre pendant une vingtaine d’années. Mais que dire de cette affirmation parfaitement stupide au sujet d’une disparition de la misère durant cette période ?! Chez MARX, et BORDIGA l’avait souligné dans plusieurs textes, la misère frappe le prolétaire non pas parce qu’il est mal payé ou bien au chômage, mais parce qu’il est un prolétaire, un sans réserve forcé de vendre sa force de travail pour vivre, qu’il est coupé de sa propre nature humaine et que la vente de sa force de travail renforce sans cesse ce qui l’en éloigne et l’en éloigne donc toujours plus, à savoir le capital ! Qu’avec le retour des crises catastrophiques depuis 1975, le chômage n’a jamais pu être entièrement résorbé et même que régulièrement il a pu dépasser des scores inégalés, ne signale par conséquent rien d’autre que la conformité du développement capitaliste par rapport à ses propres lois que le marxisme à découvert et exposées scientifiquement depuis plus d’un siècle et demi. Il en est de même pour l’accroissement de la misère avec l’augmentation de la population ouvrière et de la paupérisation absolue de sa partie constituant une surpopulation relative et sans cesse fluctuante. Alors que la prospérité capitaliste accroît la paupérisation relative du prolétariat vis-à-vis du capital, malgré la possibilité d’une augmentation des salaires et du pouvoir d’achat durant ces périodes du cycle économique. Après avoir cherché à expliquer pourquoi cette crise prévue « avec la précision d’une horloge » ne s’était finalement pas déroulée… comme prévu, notamment en n’ouvrant pas l’alternative énoncée dans cette prévision, le PCI Florence nous affirmait alors qu’elle était en train de se réaliser et que ce retard dans sa réalisation était encore plus favorable à la révolution. « A la place d’une crise aigüe, 1975 a ouvert une période de crises chroniques où les conditions d’une gigantesque crise, bien supérieure à celle de 1929, mûrissent à une vitesse accélérée. Finalement une telle situation est bien plus favorable pour la révolution. L’état de semi-crise dans laquelle se trouve le monde [en 1986 NDR] depuis 1975 prépare d’une certaine manière les masses : la fraction qui se détachera demain pour rejoindre les rangs du parti sera bien plus importante qu’elle n’aurait été si la récession de 1975, après ces terribles années de prospérité d’après-guerre, avaient immédiatement débouché en déflation générale. Bien qu’il ne soit pas possible d’écarter scientifiquement d’autres hypothèses -notamment que la troisième guerre mondiale n’éclate avant que la crise économique n’ait pu développer toutes ses potentialités ; c’est-à-dire jusqu’à la déflation générale, et donc avant une quelconque reprise de la lutte des classes- le tableau économique que nous venons de brosser, bien que sommaire, montre suffisamment que la perspective tracée par le parti dans les années 50 reste entièrement d’actualité. » (idem VIII/IX) Trente-cinq ans plus tard on peut supposer que les camarades florentins avaient eux-mêmes succombés au syndrome de Stendhal… Loin d’avoir préparé les masses, la montée du chômage et de la pauvreté au cours des années 75/85 les ont paralysées et ont favorisé un renforcement de la contre-révolution dès 1983. Renforcement parachevé avec la chute du mur de Berlin, l’implosion du bloc de l’est et de l’URSS, la victoire écrasante de la démocratie et l’hégémonie mondiale incontestable des EU, le fameux ennemi n°1 de BORDIGA ! En ce qui concerne l’argument d’une crise traînant en longueur comme préférable à une crise soudaine et véritablement catastrophique, il tourne complètement le dos aux positions de Marx qui au contraire espérait que la crise ne soit pas émoussée par des crises intermédiaires. On ne peut relever toutes les contradictions qui émaillent ces quelques lignes tant elles sont nombreuses. La crise a bien eu lieu mais reste à venir… Elle ouvrira l’alternative guerre ou révolution, mais la guerre pourra intervenir avant la crise… Le fait qu’elle tarde sera favorable à la lutte des classes mais cette lutte ne reprendra qu’après la crise etc… Le PCI Florence pouvait bien s’exclamer au début de cette introduction : « Possibilité, en partant des lois propres à la production capitaliste, de calculer avec une rigueur mathématique l’orbite historique du capital, et donc de prévoir avec certitude sa mort et l’avènement du communisme, tout comme Newton qui calculant l’orbite des planètes pouvait prévoir tout leur cours ultérieur ». (idem II) De tout cela nous ne pouvons pas clairement déterminer si la gauche se classe ici dans le camp de ceux qui prédisent l’effondrement du capitalisme ou bien sa décadence et sa capacité à se survivre au travers de guerres qui peuvent indifféremment éclater selon eux, avant ou après une crise catastrophique, avant pendant ou après un développement de la lutte des classes… Mais dans « Le cours de l’impérialisme mondial » en 2017 (donc trente ans plus tard !) le PCI Florence affirme : « Le taux de profit chute constamment et tend vers zéro, ce qui condamne à mort le capitalisme. » Outre qu’il est parfaitement inexact que « le taux de profit chute constamment », il est tout aussi erroné d’attendre la mort du capitalisme de la baisse tendancielle du taux de profit. Et pour faire cadrer sa théorie léniniste de la crise avec l’absence d’une vérification dans les faits, le PCI invoque les guerres impérialistes : « Ce dernier ne peut être rehaussé, transitoirement, afin de permettre une nouvelle croissance pour quelques décennies, qu’à travers des guerres impérialistes ravageuses. » Ce n’est donc plus la 3° guerre mondiale, mais de simples guerres impérialistes locales, qui permettraient de repousser cette condamnation à mort du capitalisme… Autant dire qu’alors le capitalisme peut encore se la couler douce. Force est de constater que le PCI florentin rejoins les âneries de la TCI. Les frères ennemis ne sont pas frères pour rien… En 2019, la gauche florentine, présentait ainsi sa vision de la crise pour une réunion publique à Paris sur ce thème : « Les destructions massives et les massacres de la deuxième guerre mondiale ont permis au capitalisme mondial de sortir de la crise de 1929 et de recommencer un nouveau cycle d’accumulation du capital presque sans crise de surproduction : les fameuses « trente glorieuses » des économistes et journalistes. Mais ce cycle a définitivement pris fin avec la première crise de surproduction internationale en 1974-1975. Depuis, suivant un cycle de 7 à 10 ans, comme au temps de Marx, le capitalisme connaît, après une phase de croissance, une crise internationale de surproduction : le commerce international et national chutent brutalement, les faillites d’entreprises commerciales et industrielles explosent, les marchés national et international se trouvent engorgés de marchandises qui trouvent difficilement acquéreur. Les faillites entraînent le chômage de masse et les restructurations. Les impayés s’accumulant, les banques elles-mêmes tombent en faillite et les cours des obligations et des actions chutent à leur tour, le capital entre dans une spirale déflationniste. Face à la crise de son système économique qui lui assure d’immenses privilèges, la bourgeoisie, tant industrielle que financière, répond en ayant recourt systématiquement à la sous-traitance, aux délocalisations, et en précarisant toujours plus les travailleurs. Les Monopoles, que sont les multinationales, répondent par la délocalisation massive vers les pays où la main d’œuvre, bon marché, peut être exploitée sans retenue, comme en Chine. Cette mondialisation ou globalisation, comme l’appellent nos économistes au service de la bourgeoisie, a permis au capitalisme mondial de gagner une trentaine d’années. » Désormais ce ne sont plus les guerres impérialistes mais la mondialisation qui repousse l’effondrement du capitalisme. On peut constater que le PCI Florence ne parle plus de « crises chroniques » comme trente ans plus tôt mais est revenu aux crises cycliques. Les choses ne sont donc pas vraiment plus claires aujourd’hui qu’en 1986 ou qu’en 2017. La crise de 1929 aurait selon ce courant duré jusqu’à la deuxième guerre mondiale à laquelle aurait succédé 30 ans de prospérité. Enfin la crise catastrophique « prévue avec la précision d’une horloge » aurait bien éclaté en 1975, puis on serait revenu à une situation de crises cycliques sans débouché sur la guerre ou sur la révolution. Puis on ne sait si ce sont les guerres impérialistes locales qui auraient finalement suffit à repousser encore l’échéance de l’effondrement ou la mondialisation qui aurait retardé la crise catastrophique mortelle de 30 ans… Si la mondialisation a pu ouvrir une période d’accumulation de plus de 30 ans c’est donc que malgré les monopoles, que le PCI Florence confond avec les multinationales, le capital a pu surmonter ces contradictions prétendument mortelles sans le recours à la guerre mondiale. Celui qui cherche une explication véritablement scientifique des crises et du cours catastrophique du capitalisme en sera pour ses frais ! Quant à la capacité de prévision du parti dans cette affaire, il faudra la chercher dans le marc de café. En réalité le PCI Florence, comme les autres héritiers de la gauche communiste d’Italie, se trouve dans une impasse. Les crises cycliques ne l’intéresse pas plus que la dialectique complexe entre crise et révolution ; il attend « la » crise qui précipitera le capitalisme dans la tombe du fait de la baisse tendancielle du taux de profit. Les fondements théoriques du PCI Florence semblent se trouver quelque part du côté de Boukharine et de Lénine. Bien que les deux bolcheviks s’opposent sur certains points en ce qui concerne la tendance de l’impérialisme, la vision générale est commune, et s’appuie également sur Hilferding et Hobson. Quant à la théorie des crises proprement dite, dans la mesure où ils l’ont véritablement abordée, elle relève de l’école disproportionnaliste, tout comme chez Rudolf Hilferding. La crise naît de l’anarchie de la production capitaliste. Par conséquent la tendance monopoliste du capital propre à la phase impérialiste réduit cette anarchie au niveau national pour la reproduire au niveau international. Le partage du monde entre les principaux monopoles étant achevé le capitalisme devenu l’impérialisme à atteint ses limites historiques et doit tôt ou tard tomber comme un fruit pourri. BOUKHARINE ET LA THEORIE DE L’EFFONDREMENT On trouve cette théorie de l’effondrement clairement chez Boukharine : « La théorie de l’effondrement du capitalisme » dans « L’IMPERIALISME ET L’ACCUMULATION DU CAPITAL » Cet ouvrage est consacré à la critique de Rosa et de sa théorie de l’accumulation et de l’impérialisme : « Nous voulons partir des faits. Que l’impérialisme signifie des catastrophes est un fait. Que nous soyons entrés dans la période de l’effondrement du capitalisme également. » (p129 EDI 1977) Ce que Boukharine veut réfuter chez Rosa, ce n’est pas sa défense d’une théorie de l’effondrement du capitalisme, mais son explication par la tendance à la disparition des marchés extra capitalistes : « Si la théorie de Rosa Luxemburg était juste, ne serait-ce qu’approximativement, la cause de la révolution serait en mauvaise posture. Car, avec l’existence d’un réservoir si énorme de « tierces personnes », tel qu’il se présente de facto, il ne pourrait être pratiquement question d’un effondrement. » (p.130) Pour Boukharine, l’impérialisme ne repose pas sur la recherche de débouchés extra capitalistes pour réaliser la plus-value, mais sur la recherche d’un surprofit par les monopoles. Alors comment explique-t-il sa propre théorie de l’effondrement ? « (…) les perturbations ne sont nullement exclues, mais au contraire immanentes au capitalisme. Elles sont certes périodiquement éliminées, mais seulement pour devenir effectives périodiquement avec une force redoublée. Leur nombre croissant et leur intensité accrue conduisent inévitablement à l’effondrement de la domination capitaliste. » (p.135) Cette explication ne constitue nullement un fondement théorique à une quelconque théorie de l’effondrement. D’une part il ne s’agit que d’un rappel de la théorie des crises périodiques que Boukharine ne nomme pas, d’autre part il n’est pas question d’effondrement objectif du système et de l’économie capitaliste, mais de l’effondrement de la domination capitaliste. Boukharine évite donc la question véritable qui se situe sur le plan économique pour lui substituer une réponse sur le plan politique. Mais surtout il n’apporte aucun argument concernant le caractère inévitable de cet effondrement. Pire, il laisse supposer que le pouvoir de la classe capitaliste s’effondrera inévitablement. L’IC ET LA PERSPECTIVE DE L’EFFONDREMENT Les positions léniniène et boukharinienne[12] bien que n’étant pas strictement identiques fut celle qu’adopta la III° Internationale : « Les contradictions du système mondial, auparavant cachées en son sein, se sont révélées avec une force inouïe en une formidable explosion : la grande guerre impérialiste mondiale. Le capitalisme a tenté de surmonter sa propre anarchie par l’organisation de la production. Au lieu de nombreuses entreprises concurrentes, se sont organisées de vastes associations capitalistes (syndicats, cartels, trusts), le capital bancaire s’est uni au capital industriel, toute la vie économique est tombée sous le pouvoir d’une oligarchie financière capitaliste, qui, par une organisation basée sur ce pouvoir, acquit une maîtrise exclusive. Le monopole supplante la libre concurrence. Le capitaliste isolé se transforme en membre d’une association capitaliste. L’organisation remplace l’anarchie insensée. Mais dans la mesure même où, dans les Etats pris séparément, les procédés anarchiques de la production capitaliste étaient remplacés par l’organisation capitaliste, les contradictions , la concurrence, l’anarchie, atteignaient dans l’économie mondiale une plus grande acuité. » (Plate-forme de l’IC 1° Congrès) Cette même plate-forme proclamait : « Une nouvelle époque est née. Epoque de désagrégation du capitalisme, de son effondrement intérieur. » Encore une fois on peut comprendre l’enthousiasme des révolutionnaires qui ont fondé l’IC et leur conviction que l’heure de la victoire de la révolution communiste mondiale avait sonné. Pour autant les fondements théoriques de l’IC qui se réfèrent à un passage de la libre concurrence au monopole et à la domination du capital financier sont erronés et ne permettent pas d’appréhender le devenir du capital et de ses crises. Un siècle plus tard le capitalisme est toujours là, il s’est étendu à toute la planète et s’est même renforcé. Il a assuré sa domination réelle sur l’ensemble de la société à l’échelle d’aires entières et celle-ci tend depuis les années 2000 à se généraliser à la planète entière. LA GAUCHE COMMUNISTE D’ITALIE, LE PCI FLORENCE ET LE RAJEUNISSEMENT DU CAPITALISME. Les théories de l’effondrement ne sont donc pas plus en cohérence avec les faits historiques qu’avec la théorie marxiste. Par contre, conformément à cette dernière théorie, les crises cycliques de surproduction sont de plus en plus profondes et générales, poussant régulièrement la bourgeoisie internationale à un affrontement de plus en plus violent et direct avec la classe ouvrière et risquant de plus en plus de susciter des réactions qui menacent son pouvoir. La même tendance la pousse également à des affrontements entre concurrents sur le marché mondial qui se traduisent par des tensions politiques et militaires et le développement de conflits ouverts et de guerres qui menacent de plus en plus de basculer dans un conflit direct entre grandes puissances, notamment entre la Chine et les Etats-Unis. Un tel scénario pouvant dégénérer en un troisième conflit mondial. La gauche communiste d’Italie qui s’était opposée à la tactique de l’IC et qui avait anticipé sa dégénérescence opportuniste n’a pas été apte à fonder sa critique sur des bases théoriques économiques conséquentes. Elle est restée en partie tributaire de celle de l’IC et de Lénine/Boukharine. Les épigones en sont toujours là, et même pire : « L’accumulation forcenée du capital a exalté le développement des forces productives à une échelle sans précédent. Cependant le capitalisme à son tour est devenu depuis l’apparition des monopoles – aujourd’hui appelés multinationales- à la fin du 19° siècle, une entrave au développement des forces productives. » (idem) Ainsi donc la contradiction entre le développement des forces productives et les rapports capitalistes de production ne serait apparue qu’à la fin du 19° siècle, avec les monopoles… alors que cette contradiction apparaît avec le capitalisme lui-même et devient un phénomène déterminant avec les crises qui secouent le marché mondial depuis 1825. Le PCI Florence revient aussi en 2017 sur la thèse du rajeunissement du capital que Bordiga avait avancée après-guerre pour expliquer l’éloignement de la crise et de la perspective révolutionnaire pendant plusieurs décennies : « Reste un point à éclaircir : le rajeunissement du capitalisme mondial par la guerre impérialiste. La guerre impérialiste produit de gigantesques destructions et conduit à de terrifiants massacres. Ces destructions massives entraînent, comme lors des crises de surproduction, mais à une échelle bien supérieure, non seulement une destruction massive de capitaux, mais une dévalorisation du capital constant à l’échelle de la société. A cela s’ajoute un abaissement considérable du salaire des ouvriers, lié à un chômage de masse et à une grande précarité, ce qui entraîne une forte augmentation du taux de plus-value. Ces deux facteurs conjugués provoquent une forte remontée du taux de profit, comme au temps des premiers âges du capitalisme, surtout pendant la période de reconstruction. » Sans développer cette question nous ferons certaines remarques. La notion de rajeunissement se réfère à la périodisation du capitalisme. Selon la III° internationale après une phase de jeunesse ou phase ascendante, celui-ci deviendrait sénile ou phase de déclin. Cette dernière phase étant assimilée à la phase impérialiste ouvrant une période de crise générale du capitalisme débouchant sur des guerres et des révolutions. Cette crise étant considérée comme « crise générale », même si des moments de stabilisation, voire de légères reprises économiques momentanées sont envisagées comme possibles, retardant l’effondrement final. C’est ce rajeunissement qui aurait permis le développement des « trente glorieuses ». Même dans ce cadre d’analyse, l’explication donnée par les florentins n’amène rien et se situe loin de l’explication qu’en donnait Bordiga, elle tourne même le dos à la théorie marxiste. Voici ce que disait Invariance dans les thèses de travail du N°6 pour expliquer ce rajeunissement : « 4.6.10 - C’est seulement en assurant de façon absolue sa domination sur le prolétariat que le capitalisme atteint sa domination réelle. C’est ce qui s’est produit au cours des deux guerres mondiales. De plus, le capitalisme a réussi à intégrer les mouvements qui tendaient au capitalisme, mais qui, contemporains d’une lutte pour le pouvoir en occident, auraient pu subir une transcroissance. Dès lors le capital peut se développer sans entraves et d’une façon extraordinaire. Il se produit une nouvelle renaissance comme celle dont parlait Marx pour les années 1858. En 4.5, on a indiqué le vaste mouvement expansionniste de la production capitaliste dans toutes les zones du globe. Il ne fait que vérifier les lois de l’accumulation :
Les destructions de la guerre n’impliquent pas la dévalorisation du capital comme le prétendent les florentins mais tout au contraire la freinent : « 4.6.11 – L’éloignement de la crise veut dire qu’il y a structuration du nouvel être capital rajeuni. Maintenant qu’il n’y a plus d’obstacles à l’intérieur de lui-même (prolétariat battu), il peut librement se développer. Il y eut, auparavant, pour des raisons de conservation de classe, freinage de l’expansion du capital (exemple : la France après 1871). L’expansion actuelle n’est pas seulement due à la disparition de la menace prolétarienne, mais au fait que le capital ne peut plus assurer la paix sociale à l’aide d’une zone d’amortissement : paysannerie parcellaire, anciennes classes moyennes. Il doit y parvenir en assurant une réserve à tous les hommes. Pour cela il faut une production élevée et une mainmise sur tous les secteurs de l’activité sociale. Pour se survivre, il doit donc s’accroître. Alors, pour freiner la dévalorisation que ceci implique, il ne restera que la destruction dont il a été question (4.5). » (idem) Dans certains cas les destructions augmentent même la valeur du produit, par exemple dans l’agriculture lorsqu’une récolte est mauvaise. Au cours des guerres impérialistes modernes ce n’est pas tant le capital constant qui est détruit que le capital fixe, les infrastructures. En fait, on ne peut expliquer le devenir du capital et du cycle industriel que sur la base de la périodisation en phase de domination formelle et phase de domination réelle du capital, seule périodisation conforme à l’œuvre économique de Marx. Avec le passage à la domination réelle le capital développe les nouvelles classes moyennes et la consommation improductive afin de freiner la dévalorisation (ces classes constituent par ailleurs une nouvelle « zone d’amortissement » à côté des reliquats de la paysannerie et des classes petites bourgeoises traditionnelles), la guerre tout en fournissant de nouveaux secteurs de production et de nouveaux débouchés participe également au développement de cette consommation improductive et au freinage de la dévalorisation. Quant à l’argument du chômage massif en temps de guerre, avancé par les florentins, comme moyen de pression sur les salaires il n’éclaire pas vraiment la question du rajeunissement du capital après la seconde guerre mondiale, d’autant qu’aucune statistique précise concernant ce phénomène ne permet de l’étayer. On peut même considérer le contraire : en temps de guerre les chômeurs sont soit envoyés au front, soit réquisitionnés pour l’effort de guerre dans la production. Dans tous les cas, le caractère totalitaire que revêt le pouvoir du capital avec la domination réelle se renforce en temps de guerre et facilite le maintien des salaires au-dessous de leur valeur. En temps de paix, c’est l’existence d’une surpopulation ouvrière faisant pression sur les salaires qui est la norme, d’autant qu’elle constitue une armée de réserve industrielle pour les moments où la prospérité fait augmenter la demande de force de travail. C’est le plein emploi qui constitue l’exception dans la phase de domination réelle. Or c’est bien celui-ci que le capital réalise pour un temps après 1945, durant la période de reconstruction, mais encore jusqu’à la fin des années 60. Et c’est sur cette base que les luttes revendicatives des années 60 ont débouché en France sur le gigantesque mouvement de Mai /Juin 68. Par la suite, l’inflation d’une part a rapidement freiné l’augmentation du salaire réel, puis les restructurations et enfin le retour des crises d’autre part ont reconstitué l’armée de réserve industrielle, et fait reculer la classe ouvrière dont le nombre de jours de grève n’a cessé de diminuer pendant plusieurs décennies. Le rajeunissement du capital et son devenir après 45 et encore aujourd’hui ne peuvent donc se comprendre en faisant abstraction de la lutte des classes et de ses résultats. Il s’explique après la deuxième guerre mondiale essentiellement : 1/ par le fait que cette dernière était parvenue à briser durablement, non pas seulement l’organisation politique du prolétariat, ce qui fut réalisé à deux reprises successives avec le passage des II° et III° internationales dans le camp de la bourgeoisie, mais encore ses organisations économiques et sa résistance face à l’augmentation de l’exploitation. Ce qui aboutit à l’intégration du prolétariat dans la communauté matérielle du capital, procès qui bénéficia tant de l’appui des sociaux-démocrates que des staliniens et des bureaucraties syndicalistes et fut facilitée par la généralisation du salariat et le développement des nouvelles classes moyennes salariées. Or cette intégration n’a pu être durable que parce que la phase de domination réelle reposant sur le machinisme, la grande industrie et la prédominance de la plus-value relative permet justement une augmentation des salaires et du pouvoir d’achat avec une augmentation du taux d’exploitation. 2/du fait du développement d’un capitalisme jeune en URSS et de l’accession des anciennes colonies à l’indépendance avec décapitation de l’aile prolétarienne dans le cours de ces révolutions et développement de jeunes capitalismes aux taux de croissance élevés. Aujourd’hui les BRICS et surtout la Chine qui viennent concurrencer les pays de vieux capitalisme. 3/du fait des destructions dans toute l’Europe et en Asie. Ce qui, comme nous l’avons rappelé à la suite d’Invariance aboutit à un rajeunissement (voir l’Allemagne). Par conséquent ce rajeunissement est en même temps un renforcement du capital, une structuration plus solide de celui-ci à l’échelle mondiale et l’accession à un stade de développement plus conforme à son concept. Tant que le capital parvient à accroître l’exploitation du prolétariat et compenser la dévalorisation par des progrès suffisant de cet accroissement tout en renforçant l’unité entre le capital et le travail, les crises peuvent être soit surmontées comme pendant les « Trente Glorieuses », soit atténuées comme après 1982 jusqu’en 2008. Ceci est loin de signifier que le capitalisme ne connaît plus les crises catastrophiques, mais que le développement de sa phase de domination réelle lui a permis de continuer à développer les forces productives, contrairement aux affirmations des différentes théories de la décadence, en évitant même dans les dernières crises générales de 2008/2009 et 2018/2020 l’éclatement de l’unité entre travail et capital, et qu’en aucun cas il ne faudra attendre qu’il s’effondre de lui-même. Toutefois les crises sont à la fois de plus en plus générales, simultanées et profondes, conformément à notre théorie, et le capital est forcé d’entamer et de retirer les concessions qu’il avait pu accorder après 1945. Il tend de plus en plus à scier la branche sur laquelle il est assis et prépare ainsi les réactions inéluctables du prolétariat. Ce n’est que si celui-ci reprend le chemin de son unification dans la lutte, économique et politique, qu’alors les crises catastrophiques se transformeront en une nouvelle opportunité révolutionnaire. Si au contraire, il n‘y parvient pas, le capitalisme se dirigera tôt ou tard vers une troisième guerre mondiale dont les principaux protagonistes seront les EU et la Chine. [1] Les travaux de BORDIGA concernant les prétendues catastrophes naturelles reprennent cette position et montrent que le capitalisme est certainement le pire des modes de production en ce qui concerne l’entretien des infrastructures et la protection de l’espèce vis-vis de ces catastrophes. Voir « Humanité et croûte terrestre » (Ed Payot). La gestion catastrophique de la pandémie de Covid19 qui l’a transformée en véritable crise sanitaire relève des mêmes causes générales, mais il s’y ajoute une dimension supplémentaire particulière liée au moment historique spécifique d’approfondissement nécessaire pour le capital de sa domination réelle sur la société, notamment au travers du renforcement de son contrôle totalitaire sur l’ensemble des individus grâce, entre autres, aux bio- technologies et aux technologies numériques. Cette évolution d’ensemble est conforme aux lois du capitalisme et principalement à la substitution du travail mort eu travail vivant. [2] Le discours guerrier de la bourgeoisie française, experte en union sacrée, face à la pandémie n’était pas une simple figure de rhétorique. Renforcer l’unité nationale derrière le capital et l’unité capital travail menacée par la profondeur des crises économiques et la lutte des classes en est le principal enjeu. Le déchaînement contre ceux qui n’obtempèrent pas aux injonctions du pouvoir et notamment les non vaccinés ne peut se comprendre que dans cette perspective, évidemment loin des réelles considérations de santé publique. [3] Voir l’introduction de Roger DANGEVILLE aux textes de Marx Engels sur la crise paru dans la collection 10/18 de l’Union Générale d’Edition en 1978, et notamment pages 284 à 287. [4] Chiffres de la Banque mondiale. Dans notre texte « D’une crise à l’autre » nous affirmons de manière erronée que le taux de croissance du PIB mondial en 1993 serait négatif. Ce qui est en contradiction avec ce que nous voulions défendre et ne correspond pas à la réalité. En 1991 le taux est tombé à 1,446 %, soit le plus bas du cycle. En 2001 il est de 2 %. Le premier taux négatif au niveau mondial depuis 1945 est donc celui de 2009 : -1,309 %, suivi de celui de 2020 : -3,363 %. [5] « La théorie de la crise catastrophique du MPC, base vitale de la prévision révolutionnaire du communisme » (COMMUNISME OU CIVILISATION n° 8/12/14/17/22 et RIMC n°1/4/7/10/14) voir également la critique de Bilan dans le n°10 et le texte dans le n°11 sur « La dialectique des forces productives et des rapports de productions dans la théorie communiste ». [6] Plus précisément, ce concept était déjà utilisé par Mitchell dans Bilan (cf RIMC n°10 p42) en 1934… [7] Sur le site explorateurenlendemains.weebly.com. Une divergence est apparue récemment (23° congrès du CCI texte « Divergence… » sur la question de la possibilité d’une troisième guerre impérialiste mondiale et la recomposition de blocs). [8] Sources OIT et INSEE. [9] La question de la reprise ne se pose pas pour ces courants puisqu’ils ne conçoivent pas la crise sous l’angle des crises cycliques mais comme une seule et même crise permanente du capitalisme décadent que ce dernier ne peut surmonter sporadiquement qu’au travers de guerres et reconstructions. Pourtant la reconstruction s’est achevée après la dernière guerre mondiale au milieu des années 50, et les cycles de crise et de reprise etc. s’enchaînent maintenant depuis plus de 45 ans ! Dès le 2° semestre 2020 la reprise bondissait en Chine. [10] Comme toujours, pour la plupart des groupes du milieux révolutionnaire, c’est l’actualité qui l’emporte sur l’analyse. Déjà en ce qui concerne la lutte des classes le GIGC avait dû revoir sa copie concernant le mouvement des gilets jaunes en France. La reprise des luttes ouvrières dépend de nombreux facteurs et la crise tout en étant déterminante n’est pas en soi suffisante pour faire ressurgir la révolution. Les luttes peuvent très bien reprendre au cours du cycle en cours avant une nouvelle crise aux alentours de 2028. Et, en France, un noyau de prolétaires anonymes ayant tiré des leçons de 2018/20 pourrait y jouer un rôle non négligeable. [11] Nous renvoyons le lecteur aux n°s de CouC et RIMC consacrés à la critique de la théorie des crises chez Rosa Luxemburg, Sternberg, et chez Grossmann et Mattick déjà cités. [12] L’exposition de ces différences n’entre pas dans le cadre de ce texte. |
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« Le déterminisme n’a, dans son acception la plus murie, rien à voir avec la passivité. Il montre seulement que l’homme agit avant d’avoir voulu agir et veut avant de savoir pourquoi il veut, son cerveau étant encore le moins sûr de ses organes. Aussi le meilleur usage qu’un groupe d’hommes puisse faire de son cerveau est-il encore de prévoir le moment historique où, (rien à voir, donc, avec la passivité !) il sera catapulté dans le tourbillon de l’action et de la lutte, la tête en avant, pour une fois ! » (IL PROGRAMMA COMUNISTA MARS 1957)
SOMMAIRE
1/ CRISE ET PREVISION
2/ LES TAUX DE CROISSANCE ET LA CRISE
3/ CREDIT ET CRISE
4/ TELESCOPAGE ENTRE CRISE SANITAIRE ET CRISE ECONOMIQUE
5/ LE CYCLE ECOULE ET LA BAISSE DES TAUX DE CROISSANCE
6/ COURS DES MATIERES PREMIERES ET AUXILIAIRES AU COURS DU CYCLE ECONOMIQUE
7/ LE COURS DES HYDROCARBURES
8/ CRISE ET CATASTROPHE
1/Crise et prévision
« La prochaine crise cyclique de surproduction devrait éclater aux alentours de 2016/2018 mais dans des conditions où des géants comme la Chine et l’Inde ne seront peut-être plus épargnés, tout comme le Bloc de l’Est fut finalement atteint lors de la crise de 1980/82, puis de manière fatale en 1989. Les conséquences d’une telle crise seraient sans précédent historique et constituerait certainement un tournant dans la lutte des classes et dans la lutte entre les puissances impérialistes (notamment entre les USA et la Chine, axe d’un possible conflit mondial). » (« Commentaires » Explorateurs en lendemains 18/05/2010)
Ecrit en 2010 en réponse aux positions défendues par les organisateurs d’une réunion à Toulouse (Tumulto) et la plupart des participants (essentiellement milieu révolutionnaire marxiste) sur le thème de la crise, ce texte comprend un certain nombre de prévisions qu’il importe, 10 ans plus tard, alors qu’une crise économique accélérée et aggravée par une crise sanitaire liée à une pandémie fait des ravages sur tous les plans, de confronter au cycle écoulé.
BORDIGA avait en son temps élaboré une prévision des crises à venir à partir du milieu des années 50 du siècle passé, une crise d’entre-deux guerres au milieu des années 60 qui relancerait la constitution en classe et surtout de l’ouverture d’une phase révolutionnaire consécutive à une crise générale et catastrophique aux alentours de 1975. Cette prévision a joué un rôle déterminant dans le devenir du petit groupe de la gauche communiste (Partito Comunista Internazionalista, tendance AMADEO BORDIGA). Bien qu’à l’origine elle visait à calmer les ardeurs des activistes, elle fut paradoxalement la justification implicite du développement de l’activisme et d’une dégénérescence de type léniniste de cette organisation à partir des années 60. Comme la prévision ne se réalisait pas, les activistes cherchèrent à forcer le cours de l’histoire en redoublant d’activisme et en recourant à des artifices organisationnels de type léniniste et démocratique.
Les militants qui quittèrent cette organisation en 1966 en réaction à cette dégénérescence, se scindèrent en deux tendances, l’une publiant la revue « Le fil du temps » (Roger DANGEVILLE), l’autre la revue « Invariance » (Jacques CAMATTE). « Le fil du temps » continua à attendre la crise révolutionnaire jusque vers le début des années 80 avant de disparaître sans explications face à l’échec évident de la prévision ; « Invariance » émit l’hypothèse que la crise prévue pour le milieu des années 60 avait été surmontée et qu’elle se télescoperait avec la crise prévue aux alentours de 1975. Mais dès le début des années 1970, Invariance abandonna le marxisme et considéra que le capital s’était affranchi de la loi de la valeur. Le GCM (Groupe Communiste Mondial) qui revendiquait la continuité d’Invariance continua comme Le fil du temps à attendre la crise historique et finale avant de connaître des crises internes sur cette question, ayant finalement abouti à sa disparition. Nous reviendrons plus loin sur ces questions, et notamment sur l’idée erronée d’un possible effondrement du capitalisme qui infeste le milieu révolutionnaire « marxiste ». La théorie de l’effondrement est le pendant de celle de la décadence du mode de production capitaliste et du déclin des forces productives du capital.
Si nous rappelons cela, c’est pour bien souligner l’importance d’une vérification constante des prévisions quel que soit le niveau d’expression historique du parti prolétarien. Car le parti, nous l’avons rappelé à la suite d’Invariance (COMMUNISME OU CIVILISATION N°3), est essentiellement un organe de prévision.
Ce qui compte, nous l’avions également affirmé dans cette revue, c’est de reconnaître ses erreurs et de renforcer la théorie, de réajuster le tir.
BORDIGA lui-même dans le Dialogue avec les morts parlait alors de « Felix culpa » concernant les prévisions par trop optimistes des marxistes sur l’ouverture d’un cours révolutionnaire :
« Attendre une catastrophe économique et politique du monde capitaliste et ne pas la voir se produire est une felix culpa, une heureuse faute, pour les révolutionnaires.
Marx et Engels ont été déçus bien des fois dans leur attente des crises et de la catastrophe et bien d’autres fois par l’issue des guerres internationales qu’ils avaient pronostiquées. » (Dialogue avec les morts p.87)
Communisme ou Civilisation s’est également fourvoyé lorsqu’il pensait à la fin des années 1970 que la contre révolution était en voie d’achèvement, alors que celle-ci allait se renforcer dès le début des années 1980. Mais dans le même temps il était à peu près la seule expression du milieu révolutionnaire marxiste à remarquer que le nombre de jours de grève ne cessait de diminuer, et à s’opposer au délire organisationnel et activiste de ce même milieu. Ce qui lui permit d’interpréter les évènements de la fin de cette même décennie 80 en termes de renforcement de la contre-révolution.
Sa prévision d’une nouvelle crise pour 1987 se basait sur une durée du cycle de 6 ans. Or, seul un krach boursier eut lieu cette année-là. La crise vint plus tard, d’abord aux USA vers la fin de 1990, début 1991 puis deux ans plus tard, en 1993, en Europe puis dans le monde. Nous faisons ici abstraction de l’écroulement du bloc de l’Est et de l’implosion de l’URSS qui a entraîné une crise durable et un recul important de la production dans toute cette aire durant une grande partie de la décennie 1990.
Ces décalages entre zones du marché mondial, dans une époque de restructuration de celui-ci, dans la manifestation de la crise cyclique ont momentanément brouillé les marques de Communisme ou Civilisation. Surtout que la durée du cycle au niveau mondial tendait plutôt à s’établir entre 8 et 11 ans après 1982, comme les cycles évoqués par Engels pour le 19° siècle.
Entre 1982, ou le taux de croissance du PIB mondial a chuté tout en restant positif, et 1993 où ce taux passe au-dessous de zéro, c’est une durée de 11ans… Mais le cycle est marqué par un ralentissement en 1986 et un krach boursier en 1987, en 1990/91 l’économie américaine entre en récession.
En 2000/2001 la crise est une simple récession, des pays de jeune capitalisme comme les BRICS sont alors en plein développement et les USA ont déjà largement profité de leur avance technologique liée à la révolution numérique. La durée du cycle entre 1993 et 2000 est de 7 ans, mais pour les USA la durée du cycle était jusqu’en 1980, plutôt de 5 ans, et il s’allonge entre 1982 et 1990 à 8 ans, puis entre 1991 et 2000 à 9 ans, durée exceptionnelle liée non seulement à l’avance technologique évoquée mais encore au fait qu’après l’écroulement du bloc soviétique, les USA triomphent et renforcent leur hégémonie sur le marché mondial en conquérant de nouveaux débouchés et en s’assurant la fourniture au plus bas coût en matières premières. L’allongement de la durée du cycle de croissance aux USA, montre que ce pays, contrairement à l’idée d’un déclin sans cesse agitée, s’est plutôt renforcé à ce moment-là.
Mais ce cycle est marqué à l’échelle mondiale par plusieurs crises financières locales, au Mexique en 1994/1995, puis en Asie en 1997, en Russie en 1998 et en Argentine en 1999, avant l’éclatement de la bulle internet en 2000.
Ce qui est notable à partir de 2000, c’est que :
« Pour la première fois depuis le début des années 1980, les trois principaux pôles de l'économie mondiale abordent de façon synchronisée la phase descendante d'un cycle économique. » (Encyclopédie UNIVERSALIS)
De 2001 jusqu’à la crise en 2008/2009, le cycle est de 7 ans, mais entre 1991 et 2008, c’est-à-dire pendant 17 ans, la croissance américaine n’a quasiment jamais été négative en dehors de la légère récession de 2000/2001.
Entre 2009 et 2019 le cycle est de 10 ans. Mais l’Europe connait une crise entre 2011 et 2013, puis une partie de l’Amérique latine et d’autres zones entre 2014 et 2016. Là, encore le cycle est marqué par une série de crises monétaires et financières locales plus ou moins longues.
La mondialisation du capital, c’est-dire l’unification du marché mondial après la chute du mur de Berlin et l’extension des mécanismes de la domination réelle du capital, réduit les écarts de durée du cycle entre zones, notamment entre Europe et USA, pour déboucher sur des crises généralisées et quasi simultanées, qui gagnent de plus en plus l’ensemble des aires. En 2009 la quasi-totalité des économies entrent en crise à l’exception de la Chine et quelques autres pays émergents. En 2019/2020 le nombre de pays épargnés par la crise se réduit encore, mais la pandémie fait momentanément chuter leur croissance au-dessous de zéro comme en Chine ou en Inde. Les restructurations qui s’opèrent encore sur le marché mondial, au travers de conflits commerciaux et de tensions militaires de plus en plus violents peuvent encore perturber la durée du cycle sans toutefois éviter le retour inexorable de la crise mondiale de surproduction.
C’est alors sur une durée probable du cycle entre 8 et 10 ans que nous prévoyions après la crise de 2008/2009 une nouvelle crise de surproduction aux alentours de 2018. L’intégration croissante des différentes zones économiques dans un marché mondial unique et de plus en plus ouvert nous confortait dans l’idée d’une généralisation plus poussée de la crise ainsi que d’une intensité plus forte conformément à la tendance historique au développement toujours plus poussé des contradictions de l’économie capitaliste.
Nous nous devions donc de réexaminer, 10 ans après, les prévisions formulées en 2010.
Outre une ébauche de prévision du retour de la crise cyclique aux alentours de 2017, sur la base d’une durée moyenne de 8 à 10 ans nous envisagions le déroulement probable du cycle avec la sortie de crise et ses conséquences multiples. Mais nous ne n’étions pas capables de prévoir, à ce moment-là, la forme exacte que prendrait la reprise, et encore moins la lutte des classes dans telle ou telle aire avec les nécessaires interactions dialectiques de l’une à l’autre. En particulier les luttes qui allaient embraser l’aire arabe et diffuser sur d’autres aires.
En ce qui concerne la prévision de la crise on peut affirmer que celle-ci a éclaté avant la crise sanitaire et prend racine dès 2018, voire 2017, avant de se généraliser en 2019, à partir de certaines économies plus exposées que d’autres pour des raisons diverses et parfois structurelles : recours massif au crédit et exportation de matières premières et auxiliaires sensibles aux brusques variations de prix, comme le pétrole. Autrement dit celles qui constituent des maillons faibles. Le taux de croissance de leur PIB est devenu négatif et n’a cessé de dégringoler comme l’Argentine, la Turquie, le Venezuela, le Liban, l’Iran, l’Irak, l’Angola, le Soudan etc. La crise gagne ensuite en 2019 le Mexique, l’Arabie Saoudite, le Chili, la Russie, l’Afrique du Sud avant d’atteindre le Japon puis l’UE et la GB, et enfin les USA.
Mais l’ordre de succession varie d’une crise à l’autre, et la prochaine crise pourrait débuter par le centre du marché mondial, en l’occurrence les EU, comme c’était le cas au 19° siècle pour l’Angleterre qui ouvrait généralement le bal et comme ce fut le cas lors de la crise précédente. Dans le cas de la crise en cours, l’ordre de succession part des maillons faibles constitués par certaines économies émergentes et gagne l’Europe et le Japon avant d’atteindre les USA et, dans une moindre mesure la Chine et l’Inde. Nous reviendrons dans un prochain travail sur cet aspect des crises, sur la question du cycle économique capitaliste et de sa physionomie.
Puis on a eu en 2020 un télescopage entre crise sanitaire et crise économique, la seconde masquant la première tout en amplifiant et en accélérant les effets.
De surcroît, le caractère universel, surtout depuis 2007/2009, de la crise se manifeste à nouveau, même s’il demeure nécessairement des écarts entre les aires et les nations, qui sont obligatoirement touchées successivement avant de plonger ensemble. L’écart dans le temps s’étant nettement réduit, par exemple entre les EU et l’Europe, du fait de l’unification du marché mondial après la chute du mur de Berlin et surtout celle du marché monétaire. Mais l’interdépendance des économies s’est particulièrement révélée lors de la crise de 2007/2009 et s’est accentuée au cours du cycle.
2/Les taux de croissance et la crise
Brossons rapidement le tableau de ces économies qui sont entrées en crise entre 2017 et 2019 avant que la pandémie ne survienne.
Commençons par l’Amérique latine :
Brésil
9° PIB mondial et première puissance économique du Sud du continent, en crise de 2014 à 2016, certainement sous l’effet de la chute des cours mondiaux des matières premières et auxiliaires comme le Venezuela et l’Argentine, et d’autres pays d’Amérique latine ou ailleurs dans le monde : 0,5% en 2014, -3,5% en 2015, -3,3% en 2016. La croissance repart mollement en 2017 avec 1,4%, elle décélère avec 1,3% en 2018, soit 0,6% au 1°trimestre, - 0,2% au 2°, 0,8% au 3° et -0,4% au 4°. 1,1 en 2019, puis -2.5% au 1° trimestre 2020. Sachant que la pandémie n’avait pas encore affecté directement l’Amérique latine ce membre courtisé des BRICS non seulement n’affiche plus des taux de croissance mirobolant mais entre en crise.
Mexique
Avec 4 trimestres consécutifs négatifs en 2019 la 15° puissance économique mondiale et seconde de l’Amérique latine était bel et bien en crise avant la pandémie. Là encore il s’agit d’une économie émergente et d’un gros producteur de pétrole, de surcroît membre de l’ALENA. Alors que la production et l’exportation automobile et l’ensemble du secteur manufacturier sont devenus déterminants pour l’économie du Mexique, l’investissement a baissé de -5,2% et la production industrielle de -5,1% en 2019.
Argentine
Si la croissance du PIB en Argentine, 3° économie de l’Amérique latine, était déjà négative en 2014, puis de nouveau en 2016, elle replonge en 2018 avec -2,5%, et chute brutalement en 2019 avec -7,7%. L’Argentine connaît depuis lors une inflation galopante et est en rupture de paiement d’une dette colossale, même si récemment au cours de l’été 2020, il semble qu’elle ait trouvé un accord avec ses créanciers. Certainement au prix fort…avec les fonds vautours.
Chili
5° puissance économique d’Amérique latine, sa croissance chute à -4,1% au 4° trimestre 2019. En 2017, la croissance est nulle au cours du premier semestre. Si le taux de croissance s’est relevé au cours du 1° trimestre 2020, à 3%, dès le 2° trimestre il a rechuté à -13,2%...
Des émeutes contre l’augmentation du prix des transports urbains, y ont éclaté et pris une dimension politique pour un changement de constitution. Des grèves de soutien ont éclaté dans les mines de cuivre. Au Chili c’est le cours du cuivre qui est crucial ainsi que le transport maritime et les activités portuaires. Le Chili est le 1° exportateur mondial de cuivre.
Après une pause liée à la pandémie, les luttes ont repris cet automne 2020, faisant de nouvelles victimes. Depuis octobre 2019, le bilan de la répression dépasse les 30 morts, plus de 6000 blessés, notamment par blessure oculaire, et près de 30000 arrestations. D’autres mouvements similaires ont eu lieu en Amérique latine et ailleurs dans le monde avant la pandémie sur fond de crise économique et d’attaques des conditions de vie et de travail des classes sociales populaires, prolétariat et petite bourgeoisie, ayant de nombreux points communs avec celui des gilets jaunes en France.
Venezuela
Comme l’Argentine, le Venezuela connait des taux de croissance négatifs depuis 2014, -16% en 2016, -14% en 2017, -18% en 2018 puis carrément -35% en 2019 ! On voit que ces économies après des soubresauts plongent dès 2018 de manière continue et croissante. L’inflation au Venezuela aurait atteint plus d’1 million de %... S’il est évident que la situation politique intérieure et l’ingérence des EU n’ont fait qu’aggraver la crise dans ce pays, elles n’expliquent pas tout et relèvent plutôt des conséquences que des causes profondes de cette situation. Parmi ces causes les fluctuations des cours du pétrole. Rappelons que le Venezuela possède les réserves pétrolières mondiales les plus importantes avec l’Arabie Saoudite.
Continuons par l’Asie :
Japon
3° économie mondiale, 2° de l’Asie, naguère la terreur des économies de l’occident avant que la Chine ne lui ravisse ce rôle, plonge au 4° trimestre 2019 avec -1,8% de taux de croissance de son PIB après une stagnation au 3° trimestre. La croissance annuelle s’établissant au 4° trimestre à -0,1%. Autant dire que la crise avait déjà gagné le Japon avant le virus.
Proche et Moyen-Orient
Turquie
Après avoir affiché un taux de croissance à plus de 7% en 2017, la Turquie est entrée en crise dès 2018, 2,8% pour l’année, -1,6% au 3° trimestre et -3% au 4° trimestre, puis en 2019, une quasi-stagnation avec 0,9%.
Classée 1° puissance économique au Proche et Moyen-Orient et 13° au niveau mondial en 2017 la Turquie dégringole et connaît une chute de sa monnaie, une inflation galopante et une explosion du chômage, qui la précipite dans des aventures militaires tous azimuts (Syrie, Arménie, Lybie, tensions avec la France et la Grèce en Mer Méditerranée).
Liban
Sous les feux de l’actualité en Aout 2020 à la suite de la gigantesque explosion dans le port de Beyrouth, illustrant tragiquement la réalité catastrophique de l’économie capitaliste, le Liban plonge dans la crise depuis 2018, avec -1,9% de de croissance puis, en 2019, -0,1% au 1° semestre, puis -1,4% au second. Le Liban joue un rôle économique particulier comme plateforme financière au proche orient et politique du fait du système mis en place par les puissances impérialistes dans ce pays lors de l’effondrement de l’empire ottoman, de la collusion entre les clans concurrents au sein de l’Etat libanais et leurs bailleurs de fonds étrangers. De Carlos GHOSN à Ziad TAKIEDDINE et bien d’autres, de nombreux hommes d’affaires d’origine libanaise servent d’intermédiaires pour les gouvernements français auprès des Etats arabes, africains et musulmans, surtout pour la vente d’armes.
Arabie
Poids lourd des pays de l’OPEP et puissance régionale du moyen et proche orient, affiche un taux de croissance négatif en 2017, -1,7% en 2019 son PIB avait chuté lors du premier et du troisième trimestres -1,3% et -0,6% et avait quasiment stagné lors des deuxième et quatrième. Autant dire que le royaume saoudien était en crise.
Iran
Autre poids lourd régional l’année 2018 assène un -5,4% à la croissance de l’économie iranienne. Même si l’embargo américain n’y est pas tout à fait étranger… En 2019 la croissance chuterait à -9,5%
Irak
Croissance négative en 2017, -2,5% et en 2018, - 0.6%. Pas de chiffres connus de la croissance pour 2019 et 2020…
Venons-en à l’Europe :
France
Après une baisse de -0,1% au 4° trimestre 2019 le PIB chute de – 6% au 1° trimestre 2020. Même en tenant compte du confinement à partir de la mi -mars, on serait encore à – 4% en suivant le calcul de la BDF qui estime la perte de PIB à 1,5% par quinzaine de confinement. Ce qui place bien la France dans le peloton des économies en récession, et même en récession sévère, c’est-dire carrément en crise indépendamment de la pandémie. Il suffit d’ailleurs de se souvenir du stock d’invendus de la production automobile pour toucher du doigt la réalité de la crise en France, sixième puissance économique mondiale, 3° de l’Europe, 2° de l’UE et de la zone Euro, dès les premiers mois de 2020.
Selon le Figaro du 8/4/2020 l’industrie en France tournait à 56% de ses capacités en Mars mais elle ne tournait déjà qu’à 78% en Février.
Italie
-0,3% au 4° trimestre 2019, -5.5% au 1° de 2020. Si l’on applique le même calcul que pour la France, bien qu’il s’agisse d’une situation différente dont il faudrait tenir compte pour affiner les chiffres on tombe à -4% au premier trimestre 2020 et si l’on double le chiffre venant en déduction du fait d’un confinement plus précoce, il reste un -2,5%. Donc également en crise avant la pandémie.
Allemagne
-0,5% au 2° trimestre et 0% au 4° trimestre 2019. Au 1° trimestre 2020, -2,2%. Sachant que l’Allemagne a peu confiné au premier trimestre 2020 ces chiffres indiquent un plongeon dans la crise de la 1° économie de l’Europe et de la zone Euro et la 4° économie mondiale avant la pandémie !
Angleterre
Malgré son retrait de l’UE, son avance dans la flexibilité du marché du travail et de nombreuses réformes qui visent à améliorer la valorisation du capital, ce vieux pays capitaliste stagne au 4° trimestre 2019 après un 2° trimestre négatif la même année. Au total la croissance du PIB britannique pour l’année ne dépasse pas 1,5%. Mais dès le 1° trimestre 2020 et sans confinement, la croissance plonge à -2,2% avant le coup de grâce du 2° trimestre 2020 : -20,4%
Autriche
En récession en 2019 avec -0,2% au 3° trimestre et -0,2% au 4°.
On trouve également tout un tas de petits pays atteints par la crise mondiale au cours de l’année 2019 avant d’être précipités dans le gouffre dès le premier trimestre 2020, puis être frappés par la pandémie. Toujours en Europe en 2019, la Grèce -0.9% au 4° trimestre ; l’Islande -1,1% au 1° puis -0,5 au 3° ; l’Estonie 0% au 4° ; la Finlande -0,3% au 4° trimestre.
Russie
Autre géant parmi les BRICS, la Russie aligne 3 trimestres négatifs sur 4 en 2019 ! -0,9% au 3° et -0,7% au 4°. La Russie avait également connu la crise entre 2014 et 2016, comme la plupart des pays exportateurs de matières premières et auxiliaires.
Afrique
Ce continent occupe actuellement une place particulière sur le marché mondial dont nous préciserons plus bas les contours, ce qui n’a toutefois pas épargné à certaines de ces économies les plus développées de subir la crise ou pour d’autre de connaître une importante décélération de la croissance couplée à un endettement croissant.
Afrique du Sud
L’Afrique du Sud constitue la 2° puissance économique du continent africain. Le taux de croissance de son PIB a chuté à partir du 3° trimestre 2019 avec -0,8% puis au 4° avec -1,4%.
Algérie
L’Algérie se situe à la 4° place du continent et possède d’importantes ressources que la France coloniale, néocoloniale et même postcoloniale n’a d’ailleurs jamais sous- estimé. La croissance de son PIB plafonne pourtant à +0,7% en 2019 mais en outre il décélère constamment depuis 2014, alors que le cours du pétrole dont dépend en grande partie l’économie algérienne s’était réorienté à la hausse entre 2016 et 2018. Nous verrons plus loin la courbe du prix des matières premières et auxiliaires au cours du cycle écoulé, sachant que ceux-ci ont une influence capitale pour la production industrielle dans le capitalisme.
Pour de nombreux pays d’Afrique nous ne possédons pas de chiffres récents, pour 2019 et 2020, mais le Nigéria, 1° économie du continent, également très dépendante des cours du pétrole, a connu une croissance négative en 2016, -1,6% et quasi nulle en 2017, 0,8%, avant de se redresser en 2018 et 2019, avec respectivement, 1,9% et 2,2%. Ce qui est faible comparativement au taux moyen de croissance du PIB du continent africain, 3,4% en 2019, et à la période antérieure à 2016 au Nigéria.
L’Angola, 2° producteur de pétrole du continent après le Nigéria, 4° producteur mondial de diamants, est en crise depuis 2015, avec 0,9% de croissance en 2015 après 4,8% en 2014, puis -2,6% en 2016, -0,2% en 2017 puis -1,2% en 2018. D’après le ministère des finances français la croissance devrait être négative en 2019.
Le Soudan, producteur d’or est en crise depuis 2018 avec -2,3%, et -2,2% en 2019. La perte du Sud pétrolier a certainement pesé sur l’économie du Soudan. Mais le Soudan du Sud est lui-même dans une situation catastrophique.
Dans l’ensemble l’économie du continent qui ne pèse toutefois que 3% du PIB mondial, reste à flot avant la pandémie, mais le ralentissement de la croissance est marqué pour les 5 premières et la seconde était déjà en crise en crise (Nigéria, Afrique du Sud, Maroc, Algérie, Egypte). Et la crise mondiale va nécessairement donner un coup d’arrêt aux importations de matières premières et auxiliaires, notamment du pétrole sur lequel repose essentiellement l’économie du Nigéria, de l’Algérie et de l’Angola. Sans oublier que sur l’ensemble du continent pèse le poids d’une dette croissante.
Finalement, si l’on fait abstraction de certaines économies de la zone Asie Pacifique (excepté le Japon), et de pays de peu de poids en Afrique et en Asie centrale, ce sont les deux géants en lutte du marché mondial, les USA et la Chine qui s’en sont le mieux tirés et qui ont résisté jusqu’à la Pandémie. Et sous réserve d’un développement ultérieur qui infirmerait les données et prévisions actuelles, la Chine s’est rapidement relancée, le FMI prévoyant une croissance de près de 2% pour 2020 alors que la zone Euro afficherait -8,3% et les EU -4,3% (Le Monde 20/10/2020). Ce qui augure de futures tensions impérialistes accrues entre la Chine et les puissances occidentales, même avec « l’endormi » comme président, beaucoup plus interventionniste que Trump au demeurant ! Malgré cette relative bonne résistance, la Chine a atteint un seuil.
Son PIB connaissait fréquemment avant la crise de 2009 des taux de croissance à deux chiffres ; au cours du cycle qui a suivi il n’était plus qu’à un chiffre dès 2011 et a connu une décélération jusqu’à 2019 à 6,1%. Pour un pays comme la Chine de plus d’un milliard trois cent mille habitants, connaissant encore l’exode rural, et qui a rejoint la deuxième place économique mondiale en termes de PIB, un tel résultat a de quoi inquiéter ses dirigeants et sa bourgeoisie. D’après l’article déjà cité, le pays serait confronté à une paupérisation croissante et soudaine, alors qu’au cours du cycle écoulé, malgré le freinage de la croissance, les salaires avaient augmenté face à la forte demande de force de travail et à un certain recentrage, après la crise mondiale, sur le marché intérieur.
Parmi les autres BRICS, l’Inde connait aussi un net ralentissement de ses taux de croissance avant la pandémie, avec un taux annuel au 4° trimestre 2019 de 4.1%, sans toutefois avoir plongé dans la crise avant l’arrivée de la pandémie. C’est donc la zone la plus dynamique de l’économie mondiale qui est malgré sa bonne résistance impactée par la crise et qui va l’impacter en retour. Et dans cette zone les économies dites émergentes qui constituaient pour les économies avancées d’importants débouchés. La crise de 2018/2020 ne fera que renforcer la guerre commerciale et multiplier les différents foyers de tensions militaires entre les puissances économiques, aussi bien celles dites « avancées » que celles dites « émergentes ».
Mais une autre série de chiffres sur l’évolution de l’économie mondiale montre bien que cette crise qui s’est développée à partir de 2018, avec une accélération généralisation en 2019, était bien une nouvelle crise mondiale de surproduction en voie d’affecter les géants aux pieds d’argile qui dominent le marché mondial, et dont la lutte pour l’hégémonie menace de déboucher tôt ou tard sur un 3° conflit planétaire, avant même que la crise sanitaire ne les frappe et se télescope avec la première.
On peut toujours arguer d’une perturbation sans précédent des échanges internationaux dès le mois de Février 2020, avec un net ralentissement du trafic aérien et le grippage de la production dus à la pandémie dans certaines régions. Mais les chiffres de 2018 et 2019 indiquent déjà un net ralentissement puis une chute, non seulement de la croissance de la production industrielle mais également du commerce mondial et des investissements :
-Le taux de croissance du commerce mondial diminue à partir du 2° trimestre 2018 et devient négatif à partir du 2° trimestre 2019 (la croissance du commerce mondial passe de 4,6% en 2017 où il atteint un pic, à 3% en 2018, elle passe de 3,9% au 1° semestre à 2,7% au second, avec un taux négatif à -0,3% au 4° trimestre). Donc contraction du commerce mondial à partir du 4° trimestre 2018 !
-Celui de la production industrielle diminue également à partir du 2° trimestre 2018 mais devient négatif fin 2018/début 2019. On a là un autre révélateur de la surproduction déjà avancée dès 2018 et de la crise en cours.
-Le taux de croissance des investissements des principales économies développées et émergentes diminue dès le 3° trimestre 2017 et devient négatif au 2° trimestre 2019 pour ce qui est des équipements et des machines.
3/Crédit et crise
L’endettement global a augmenté au cours du cycle et largement dépassé le niveau qu’il avait atteint en 2007, sauf dans le secteur financier lui-même, tout au moins jusqu’en 2016. Mais cela ne tient pas compte du secteur financier « fantôme » …
Ce colossal endettement ne cesse de gonfler depuis 2017 pour atteindre un pic fin 2019 avant même le déclanchement de la pandémie :
« En termes de ratio de la dette globale au PIB mondial le chiffre atteint au 3° trimestre 2019 est de 322%. Dans les économies développées, la dette totale – ménages, entreprises, Etats – représente 383%. Dans les économies émergentes le ratio de la dette au PIB est de 168%. »
En 1945 pour l’OCDE sur la base de 10 pays développés l’endettement aurait été de 116% et 200% pour le Royaume Uni. Même niveau atteint en 2014 après le renflouement des banques par les Etats et la crise des dettes souveraines de la zone euro.
Toutefois, contrairement à ce qu’affirme certaines composantes du milieu révolutionnaire « marxiste », le crédit n’est pas plus la cause de la crise que le moyen de la surmonter (par exemple par la production de capital fictif). Au contraire, il n’est qu’une conséquence nécessaire du système monétaire sur la base du développement historique de la production capitaliste et un moyen d’accélérer le procès de circulation au cours du cycle économique, mais se faisant il favorise la surproduction et la spéculation qui ne font qu’aggraver la crise. De moyen de surmonter certaines contradictions et de dépasser certaines limites, il se transforme en son contraire dès qu’éclate la crise de surproduction.
Même s’il est délicat de comparer différentes périodes, surtout du fait de taux d’intérêts historiquement bas et même négatifs pour certaines dettes souveraines, il n’en demeure pas moins que nous avons là un signe de sur-spéculation dès 2017 avec une remontée significative de l’endettement généralisé, en rapport avec la surproduction dont témoigne déjà la décélération du commerce mondial, de la production industrielle et des principaux investissements avant leur contraction en 2018.
Les bas taux d’intérêts découlent tout autant d’une surproduction de capital-argent que de la baisse du taux de profit. A quoi il faut ajouter l’interventionnisme des banques centrales sous la pression des Etats pour maintenir un taux d’intérêt artificiellement bas.
Les débouchés pour la spéculation sont légions et le marché monétaire est devenu réellement mondial, surtout depuis la réunification allemande, la dissolution de l’URSS et l’ouverture de la Chine. Parallèlement à la bourse des actions qui a pris une importance universelle et aux obligations d’Etat, des titres de toutes sortes, souvent dérivés et liés à la technique de la titrisation de dettes diverses inondent le marché monétaire et il se crée d’énormes bulles de capital fictif qui mêlent escroquerie pure, cavalerie, fuite en avant et tentative désespérée de continuer à faire de l’argent avec de l’argent, surtout celui d’autrui, malgré l’encombrement du marché et la baisse du taux de profit.
On voit bien là aussi que l’emballement opère avant la crise sanitaire même si cette dernière va affoler toutes les boussoles !
4/ Télescopage entre crise économique et crise sanitaire
Toutes ces données permettent de mieux cerner l’état de la crise économique mondiale avant même le développement de la pandémie ; cette dernière n’a fait que la précipiter. Mais ce faisant elle a masqué la véritable nature de la crise qui réside dans le capitalisme lui-même et ses insolubles contradictions.
Certaines catastrophes sanitaires ou « naturelles » se sont déjà produites et plus ou moins télescopées avec les crises économiques dans l’histoire du capitalisme. Par exemple la maladie de la pomme de terre en 1846 fit un million de mort en Irlande et des centaines de milliers en Angleterre et sur le continent, elle provoqua également un mouvement d’émigration de près de 2 millions d’Irlandais vers les Etats-Unis et de centaines de milliers vers l’Angleterre. Mais elle a précédé la crise économique qui éclata en 1847 et en fut nettement distincte ; même si, en définitive, ses conséquences furent indirectement le principal déclencheur de la crise économique, notamment en ayant rendu nécessaire l’importation en Angleterre de céréales à un moment où le système financier était en train de craquer.
En 1917/1919, la grippe dite espagnole (mais apparemment d’origine plus probablement américaine) fit également de nombreuses victimes, mais là, la crise sanitaire se révèle plutôt comme une conséquence de la guerre et de la malnutrition, donc comme une conséquence de la crise et non comme sa cause.
En 2020, cette crise sanitaire, tout en « masquant » la nature réelle de la crise, aura toutefois révélé ce que les luttes sociales dénoncent depuis des années, à savoir que la bourgeoisie et ses Etats ont sacrifié les services publics et tout particulièrement les systèmes de santé publique. Elle révèle surtout qu’un tel système ne peut pas se développer rationnellement dans le capitalisme étant donné la nature foncièrement concurrentielle de ce dernier tant au niveau national qu’international et sa recherche de la plus-value avant tout. La nécessité du communisme pour faire face aux crises sanitaires mondiales se fait particulièrement sentir avec la faillite des organismes internationaux comme l’OMS et l’incurie des Etats face aux dégâts sanitaires et à ses conséquences économiques et sociales.
En fait la Chine a tardé à réagir, l’OMS a minimisé le danger, et l’ensemble des Etats ont continué dans le déni jusqu’à ce que la catastrophe soit devenue inévitable. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail de toutes les turpitudes de la bourgeoisie internationale que tout le monde connaît plus ou moins, mais nous devons souligner le fait que sa gestion de la crise sanitaire, quel que soit le système politique en vigueur dans tel ou tel Etat, tout en étant parfaitement catastrophique ne détourne nullement ses dirigeants de leur ligne de réformes impopulaires (notamment dans le domaine de la santé) et anti-ouvrières (réforme des retraites et du chômage). Au contraire, ceux-ci profitent même cyniquement de la situation pour parer à toute contestation et accroître l’exploitation du prolétariat. Ils sacrifient d’ailleurs sans état d’âme une partie de la petite-bourgeoisie devenue obsolète au regard du développement général de la société, et des nouvelles technologies. La concurrence dans le domaine de la distribution par exemple imposant à la bourgeoisie de développer la vente en ligne dans tous les domaines au détriment de la plupart des détaillants traditionnels.
Le maintien en toute connaissance de cause des manifestations politiques du parti prévues à Wuhan alors que l’épidémie battait son plein, réunissant des milliers de personnes dans des banquets géants renvoie aux élections municipales en France au lendemain des premières mesures de confinement mi-mars !
Enfin la bourgeoisie profite de la situation sur tous les plans et de la confusion entre crise économique et sanitaire dont l’imbrication et les effets conjugués ne permettent plus de faire clairement la part des choses :
-les plans de restructuration.
- la concentration du capital commercial dans la distribution au détriment de la petite distribution et l’accélération du E-commerce.
- la généralisation du télétravail afin de mieux isoler les salariés et intensifier leur travail tout en réduisant les frais divers d’entreprise ; de la télémédecine et de l’éducation à distance en vue de continuer à réduire les dépenses dans les services public. Mais ces questions soulèvent des problèmes d’une autre portée, relatifs à la production même de la connaissance scientifique et à ses applications au service du capital de plus en plus totalitaire, et surtout aux futures applications de l’intelligence artificielle.
-le vote hâtif de lois répressives et la restriction des droits et libertés démocratiques déjà réduits à peu et à géométrie variable suivant l’appartenance de classe.
-la culpabilisation de toute opposition à la politique gouvernementale.
-la limitation de toute contestation sociale.
-l’appel à l’union sacrée comme en temps de guerre, et ce n’est pas sans considérations tactiques que Macron a martelé son « nous sommes en guerre ».
Cette utilisation de la crise sanitaire pour masquer la crise économique et accélérer les attaques du capital contre les travailleurs en vue de relancer l’économie et chercher à retrouver un certain taux de rentabilité du capital et de compétitivité sur le marché mondial, le même Macron l’exprime de manière à peine voilée dans son interview au JDD du 16/11/20 :
« Il n’y a pas de fatalité. Les crises peuvent être à la fin des accélérateurs de progrès. Nous devons être au rendez-vous de l’histoire. Et la France a tous les atouts pour l’être. »
En aggravant la crise économique, la crise sanitaire et sa gestion catastrophique préparent une reprise plus vigoureuse, sauf dans le cas où la bourgeoisie ne parviendrait pas à maîtriser la pandémie. Car plus la crise est violente et plus forte est la relance. La crise étant la résolution violente et momentanées des contradictions du capitalisme, qui se développent au cours du cycle économique et se reproduisent à une échelle supérieure lors du cycle suivant, préparant une nouvelle crise.
Mais, même si la reprise aura bien lieu, la tendance générale observée au cours du cycle écoulé devrait se confirmer et s’aggraver au cours du cycle à venir.
5/Le cycle écoulé et la baisse des taux de croissance
« La loi fondamentale du marxisme apparaît plus intangible que jamais. Plus les pays considérés sont différents, plus éloignées les époques historiques, et plus aussi la relation entre les causes et les effets apparaît précise et uniforme.
Lorsque l’industrie capitaliste apparaît, le rythme annuel d’accumulation est maximum ; ensuite il va en décroissant.
Le rythme n’étant pas uniforme mais progressant par bonds nombreux, il apparaît plus bas pour de longues périodes, s’accélérant à nouveau après les crises économiques, les guerres et surtout les défaites et les dévastations du pays considéré.
A égalité d’âge de la forme capitaliste, le rythme est le plus élevé pour les pays qui ont été industrialisés et mécanisés les derniers. Cela est dû au fait que la technique qui est immédiatement à leur disposition est plus évoluée et que par suite, la composition organique du capital est changée : plus de matières transformées pour un même emploi de main d’œuvre. »
« Dialogue avec les morts p122 »
Nous avions dit au sujet du cycle ouvert par la crise de 2007/2009, alors que s’amorçait une reprise :
« Avec la crise financière de 2007 on débouche beaucoup plus rapidement [que lors des crises financières précédentes de 1987 et 1997] sur la crise de surproduction. Il n’y a aucun répit après 2007/2008 et la crise, malgré les interventions massives et musclées des Etats et des institutions financières internationales, continue à faire des ravages. »
« Si l’on veut se risquer à quelques prévisions sur ce terrain, on peut dire que le remède utilisé par la bourgeoisie mondiale pour sortir de la crise sera pire que le mal et 2010 risques fort d’être une année de faillites en série de petits Etats et d’une fuite en avant du chef d’orchestre de cette classe parasitaire, les USA, dans un nouveau conflit dont l’Iran sera certainement le terrain. L’aggravation de la crise à chaque cycle a toujours poussé l’impérialisme dominant dans des tensions accrues et des conflits militaires qui lui ont permis de maintenir son hégémonie sur le marché mondial et de compenser une partie de ses pertes dues à la crise par des pillages des terrains conquis. Etant donné que la crise de surproduction a été masquée et aggravée par un développement sans précédent de la spéculation avant qu’elle n’éclate, les Etats ont dû racheter les créances pourries qui menaçaient le système financier international. A présent ce sont des Etats qui sont en faillite. Soit les Etats les plus solides viennent en aide aux plus faibles et ils s’affaibliront eux-mêmes en reprenant à leur compte leur dette, soit ils les laisseront sombrer et prennent alors le risque de voir resurgir des émeutes prolétariennes à leurs portes (Irlande, Grèce, Portugal voire Espagne) et risquer la contagion. Ils risquent aussi de les voir se lancer dans des aventures guerrières comme le fit l’Irak au Koweït. On peut imaginer un regain de tension entre la Grèce et la Turquie, un retour des conflits balkaniques, etc. »
(« Commentaires… » 18/05/2010)
Tout d’abord, concernant le cycle industriel lui-même, et ses différents moments on notera surtout la faible croissance générale par rapport au cycle précédent et en particulier dans les économies dites avancées.
D’une part, après la crise de 2009, la reprise fut vigoureuse mais de courte durée, plongeant dès 2012/13 la zone euro dans une récession, crise intermédiaire au cours du cycle ou rebond de la crise financière dont le passif n’avait pas été purgé au cours de la crise comme dans les pays anglosaxons ou ceux qui suivaient leur modèle (Espagne).
L’Europe s’est empêtrée dès 2010, comme nous l’avions prévu, dans la crise financière avec la question des dettes souveraines de la zone Euro et des créances pourries liées à la spéculation immobilière qui avait précédé la crise de surproduction proprement dite (Grèce, Espagne, Portugal, Irlande, Islande etc.). Toutefois les luttes de classes y sont restées limitées, bien que très violentes en Grèce et parfois en Espagne où ont eu lieu des manifestations monstres, et surtout dévoyées par les partis politiques de gauche et les syndicats ou par les nouvelles forces politiques petites bourgeoises, type Indignés et Occupy Wall Street, malgré les cures drastiques d’austérité imposées aux classes moyennes et au prolétariat. On notera au passage qu’à l’époque déjà l’UE s’était dotée d’un fond de 750 milliards d’euros… En Juillet/Aout 2011 éclatera le pire krach boursier depuis 1987, tout indices confondus. Prélude à la crise en 2012/2013. La crise en 2019/2020 n’a pas été précédée comme en 2009 d’une crise financière généralisée, malgré de retentissantes chutes boursières au cours de la crise elle-même. Ce qui signifie qu’une telle crise est encore possible et même probable dans les années qui viennent, entre 2021 et 2022, lorsque les faillites et les impayés se multiplierons.
Ensuite, certains pays, essentiellement producteurs de matières premières et auxiliaires, et notamment ceux dont l’économie est essentiellement centrée sur le pétrole et le gaz ont connu entre 2014 et 2016 une chute des prix mondiaux liée à plusieurs facteurs, dont le ralentissement général de la croissance mondiale, et entrent à leur tour en récession. Ce qui provoque de graves crises monétaires, puis commerciales et industrielles ou/et agricoles, qui se succèdent depuis 2013 :
Venezuela dès 2013 avec la chute de sa monnaie et l’hyperinflation, Brésil 2014/2015, Russie dévaluation du rouble 2014/2015, Argentine en 2013, crise de la lire en Turquie également en 2018.
Même la Chine connait en 2015 un krach boursier !
Comme nous l’avons vu, la crise économique frappe tour à tour et parfois simultanément, de nombreuses économies, non seulement depuis 2017 ou 2018, mais déjà en 2015 et 2016 après celle de la zone Euro en 2012 et 2013, et s’est quasiment généralisée au cours de l’année 2019 avant qu’elle n’atteigne les géants chinois et américains. Mais la croissance mondiale s’est malgré tout maintenue à 2,9%, alors qu’elle a chuté à -3,4% en 2020 !
Le commerce lui aussi a continué à croître, mais en 2019 son taux était de 1,1% soit trois fois moindre qu’en 2008. On notera que ce taux décroît sans cesse entre 2010 et 2020, excepté en 2013 et 2014, et en 2017. Signe d’un engorgement croissant du marché, surtout à partir de 2015. L’année 2017 précédent le développement de la crise aura constitué le début d’une sur-spéculation qui coïncide avec la remontée du cours des matières premières et du pétrole et le point le plus haut du taux de croissance du PIB mondial depuis 2011.
L’une comme l’autre a évolué de manière chaotique, avec des moyennes de plus en plus basses en dehors de 2010, et globalement plus basses que lors du cycle précédent.
Entre 2003 et 2008, le taux de croissance du PIB mondial gravite autour de 5%, en 2008 il est de 3%, en 2009 de -0,1%. Après 2009, et excepté pour l’année de reprise en 2010, ce taux tend à se stabiliser autour de 3 à 3,5% avant de redescendre au-dessous de 3% en 2019 et devenir négatif en 2020. Mais ce niveau de croissance est essentiellement porté par la Chine et l’Inde dont les taux vont également en décroissant.
Dans les économies avancées ce taux est respectivement de 3,1% en 2010, puis 1,7% en 2011, 1,2% en 2012, 1,4% en 2013, 2,1% en 2014, 2,3% en 2015, 1,7% en 2016 et 2,5% en 2017 avant de redescendre à 2,2% en 2018 et 1,7% en 2019. Soit une moyenne de 2% sur un cycle de 10 ans. Autrement dit les capitalismes anciens marquent le pas et ceci se vérifie d’un cycle à l’autre.
Si l’on regarde la zone Euro ou le Japon c’est encore pire. Pour la première la moyenne s’établit au cours du cycle écoulé autour de 1,4%. Au Japon elle tourne autour de 1,3%. En 2019, 0,7% pour le Japon et 0,6% pour l’Allemagne, 1,2% pour la zone Euro. Les chiffres trimestriels nous donnent, nous l’avons vu, leur indéniable entrée en crise avant même la Pandémie.
D’un cycle à l’autre ces moyennes diminuent et les crises se font à la fois plus profondes, plus générales et plus simultanées. Alors qu’après 1981, c’est l’inverse qui se produit jusqu’à la crise de 2009. Les effets du renforcement de la contre-révolution à partir du début des années 80, ceux de la révolution technologique, notamment dans les technologies de la communication et de l’information (TIC), et de la division internationale des procès de production (DIPP) qui l’ont accompagné s’estompent. La baisse tendancielle du taux de profit est de plus en plus difficile à contrecarrer.
Nous avons vu que la croissance mondiale aurait été atone sans le dynamisme des économies émergentes et en développement. Mais si l’on examine l’évolution des taux de croissance de ces économies on se rend compte tout d’abord qu’en dehors de la Chine et de l’Inde le tableau est plutôt sombre. Prenons le Brésil dont nous avons déjà évoqué le sort ci-dessus, ses taux de croissance tendent à rejoindre le bas niveau des économies avancées, avec toutefois tous les inconvénients de certaines économies en développement. Ce qui est probant avec les taux négatifs enregistrés en 2015 et 2016. Il en est de même de la Russie et dans une moindre mesure de l’Afrique du Sud.
L’Inde est passée de taux de croissance avant la crise de 2008/2009 autour de 9 à 10% à des taux moyens autour de 6%. Et la Chine autour de 7,5% alors que lors du cycle précédent elle affichait encore des taux à 2 chiffres.
Le vieillissement des économies émergentes commence à se faire sentir dans la baisse de leur taux de croissance. En outre, la contrepartie des taux de croissance du PIB de ces capitalismes encore relativement jeunes, c’est un PIB par habitant très faible. Alors que le PIB de la Chine talonne celui des USA, son PIB par habitant est en 2019 encore 4 fois moindre !
Pour résumer :
La crise de 2007/2009 a laissé des traces profondes comme jamais auparavant depuis 1945.
Malgré la reprise vigoureuse de 2010, due à la profondeur de la crise, une partie déterminante de l’économie mondiale celle de la zone Euro a connu une crise financière à retardement entre 2011 et 2013.
Puis après la reprise dans cette zone, ce fut au tour des économies en développement, excepté la Chine (qui a tout de même essuyé son premier krach boursier) et l’Inde dont la croissance à tout de même fortement ralenti, à rechuter dans la crise entre 2014 et 2016. Si l’économie mondiale n’est pas entrée alors en récession, de 2017 à 2019, une nouvelle crise mondiale cyclique de surproduction se développe et se généralise en se télescopant avec la crise sanitaire en 2020.
Globalement le cycle écoulé a démontré que les taux de croissance tendaient bien à diminuer d’un cycle à l’autre depuis le début des années 2000, confirmant la loi marxiste de l’accumulation. Les économies émergentes commencent également à marquer le pas sans toutefois parvenir à rattraper les économies avancées.
Enfin la baisse des taux de croissance du commerce mondial signale également la saturation grandissante des marchés qui se manifeste finalement dans la crise de surproduction et l’absence de nouveaux débouchés conséquents. Le continent africain devrait constituer le futur enjeu principal à cet égard comme à bien d’autres (forces de travail et matières premières notamment).
6/Cours des matières premières et auxiliaires au cours du cycle économique.
Le cours des matières premières a une importance cruciale dans la production capitaliste et son accumulation. Le poids de ces dernières dans la partie constante du capital est d’autant plus important que sont développées les forces productives et la productivité du travail. Or la part du capital constant croit relativement à celle du capital variable avec la croissance de la production capitaliste :
« Plus la production est développée et plus grande sera la fraction de plus-value qui est transformée en capital constant, comparée à la plus-value qui est transformée en capital variable. »
(K. MARX : Théories sur la plus-value tome 2 p.571 Ed. Sociales)
On comprend ainsi aisément le lien entre la croissance de la production capitaliste et les prix des matières premières et auxiliaires.
« Comme le taux de profit se détermine par le rapport entre la plus-value et la somme de capital avancé en salaires et en capital constant, soit pl/C ou pl/c + v, il saute aux yeux que tout ce qui provoque un changement de grandeur de c, et donc de C, entraînera aussi une modification du taux de profit, même si pl et v et leurs rapports réciproques restent inchangés.
Il se trouve que la matière première constitue un élément essentiel du capital constant. Même dans les branches d’industrie qui ne travaille pas directement la matière première, celle-ci entre comme matière auxiliaire ou comme partie constitutive des machines, etc., et ses variations de prix se répercutent proportionnellement sur le taux de profit. Si le prix de la matière diminue d’un montant égal à d, pl/C ou pl/c + v devient pl/C-d ou pl/c- (d +v), d’où hausse du taux de profit. Et vice-versa, si le prix de la matière première augmente. En conséquence, toutes autres conditions restant égales, le taux de profit varie en sens inverse du prix de la matière première. »
(K. MARX Le Capital livre III ch. VI p.124 Editions Sociales)
Il est donc évident que le capital a tout intérêt à faire baisser le prix des matières premières par tous les moyens possibles et cela d’autant plus que la production capitaliste est développée et que la baisse tendancielle du taux de profit se fait sentir :
« De là il résulte notamment l’importance particulière, pour des pays industriels, d’avoir des matières premières à bas prix, alors même que les fluctuations du prix de la matière première ne s’accompagneraient absolument pas de modifications dans la sphère de vente du produit, donc tout à fait indépendamment du rapport de la demande et de l’offre. Il en résulte en outre que le commerce extérieur influe sur le taux de profit, même en faisant abstraction de l’influence de celui-ci sur le salaire par diminution du prix des subsistances nécessaires. Il affecte en effet le prix des matières premières ou auxiliaires employées dans l’industrie ou l’agriculture. » (Idem p124 Editions Sociales)
Depuis le début des années 2000 les cours des matières premières hors énergie ne cessaient d’augmenter, hors crise de 2009, où ils ont chuté profondément. Puis, après un redressement en 2010 et 2011, la courbe s’inverse et les cours chutent d’année en année pour atteindre l’indice 100 en 2016 identique à celui pris pour base en 2006, avant de remonter jusqu’en 2019 à un niveau toutefois inférieur à celui de 2008, soit 108,7. On comprend que cette évolution, après une période faste, à fortement impacté les pays en développement exportateurs de matières premières. Alors que l’effet inverse a dû favoriser les économies avancées en réduisant leurs coûts de production, ce qui explique en grande partie la relance à partir de 2014, même de courte durée.
La récession dans la zone Euro entre 2012 et 2014, et le ralentissement de la croissance des économies émergentes, surtout de la Chine et de l’Inde tout au long du cycle, font partie des causes de ce retournement. Mais évidemment il en existe d’autres, comme l’augmentation de la productivité du travail et des techniques agricoles, ou encore la mise en exploitation de nouveaux gisements miniers ou pétroliers et par conséquent d’une augmentation de l’offre et de concurrence internationale.
Pour ce qui est de l’exploitation de nouvelles mines ou puits de pétrole, et nous développerons plus bas au sujet du pétrole, il faut tenir compte du niveau atteint par les cours lors de la longue période qui a précédé la chute, et qui rendent rentable de nouveaux investissements. Mais ces derniers sont souvent l’occasion du développement d’une spéculation à tout va et d’une croissance de capital fictif masquant une surproduction également croissante.
Dans tous les cas le débouché que ces économies représentaient pour la surproduction de capital des économies avancées se sont réduits brutalement, entraînant surendettement et inflation galopante chez les premières au travers de mécanismes financiers et monétaires divers dont le retrait de capitaux des économies avancées et surtout des USA et la dévaluation de leur monnaie.
7/ Le cours du pétrole
« Le développement de la force productive du travail dans une branche de production, celle du fer, du charbon, des machines, du bâtiment, etc., par exemple, - qui pour une part, peut à son tour dépendre du progrès sur le plan de la production intellectuelle, en particulier sur le plan des sciences de la nature et de leurs applications, - apparaît comme la condition de la diminution de la valeur des moyens de production – et partant de leur prix dans d’autres branches d’industrie, - par exemple dans l’industrie textile ou l’agriculture. Cela va de soi puisque la marchandise qui sort d’une branche d’industrie en tant que produit entre dans une autre comme moyen de production. La réduction plus ou moins grande de son prix dépend de la productivité du travail dans la branche de production d’où elle est issue comme produit ; et en même temps elle est la condition non seulement de la fabrication à meilleur marché des marchandises dans la production desquelles elle entre sous forme de moyen de production, mais aussi de la valeur du capital constant, dont elle devient alors un élément : partant, elle est la condition d’une hausse du taux de profit. » (Idem p.100)
Le pétrole comme le gaz entrent à la fois dans le cadre des matières premières de certaines industries (matières plastiques, pneus etc.) mais également comme matière auxiliaire d’une quantité importante de branches d’industrie y compris l’agriculture et les services, que ce soit en tant que carburant pour des machines et des véhicules, des appareils de chauffage ou des centrales électriques. Il en découle que la baisse de son prix se répercute sur le capital constant des branches directement concernées mais encore de quasiment toutes les autres branches de l’économie capitaliste développée.
Il faut considérer à part les matières énergétiques fossiles, notamment les hydrocarbures comme le gaz et le pétrole, dont le marché a été révolutionné au cours du cycle écoulé. De ce fait les économies essentiellement axées sur la production de celles-ci, ou prépondérantes, ont connu des chocs qui ont précédé la crise mondiale, mais qui continuent à les pousser vers le bas. Entraînant également des conflits économiques et sociaux entre classes et même au sein des différentes fractions des classes dominantes de ces pays, comme au Venezuela, en Algérie, au Nigéria ou en Iran, etc.
Avant de préciser les causes principales d’une telle évolution sur ce marché, voyons rapidement les chiffres.
Depuis 2000 les cours n’avaient cessé de monter, comme l’ensemble des matières premières et auxiliaires. Aux alentours de 30$ le baril en 2000, et après une légère chute en 2001/2002 lors de la crise mondiale du fait de la baisse de la demande, il passe à 40$ en 2004 puis au-dessus de 50$ en 2005 puis au-dessus de 60 en 2006 et de 70 en 2007 pour finir en 2008 à 97$.
Au cours de la crise suivante les cours du pétrole ont chuté de nouveau, passant de 97$ le baril en 2008 à 61,8$ en 2009 ; mais ils remontent avec la reprise pour atteindre des sommets après 2010 : à plus de 100$ le baril en 2011, 2012 (105$) et 2013. Puis tout bascule : 96,2$ en 2014, 50,8$ en 2015, 42,8$ en 2016, avant de remonter légèrement en 2017 et 2018, à 52,8$ et 68,3$ pour retomber à 61,4$ en 2019.
Autrement dit au-dessous du cours de 2009. Si l’on fait la moyenne du cycle, c’est totalement catastrophique pour les économies basées essentiellement sur le pétrole, abstraction faite d’une compensation possible de la baisse de prix par l’augmentation de la masse produite et d’une éventuelle augmentation de la productivité du travail dans l’extraction, et sachant qu’il existe de grandes disparités entre les pays producteurs d’hydrocarbures en matière de productivité et de niveau technologique.
Mais entre Janvier et Avril 2020 le prix du baril de Brent (pétrole brut de la mer du nord) tombe à 16,1 € … C’est une chute historique ; sur 12 mois le prix du Brent a chuté de 58,7% en dollar et de 56,8% en euro et les autres produits pétroliers suivent la même tendance. On connaît l’épisode de panique qui a suivi, poussant certains spéculateurs à payer pour se débarrasser de réserves pétrolières dévalorisées !
Le point haut atteint par les cours du pétrole en 2011 au-dessus de 100$ le baril après une hausse quasi constante depuis 2000 et un pic à 150$ en 2008, a sonné l’alarme et rendu rentable la mise en exploitation de nouvelles sources d’hydrocarbures « non conventionnels » comme le gaz de schiste (dès 2007) et le pétrole de schiste aux USA et ailleurs dans le monde. De nouvelles prospections ont révélé des réserves de pétrole et de gaz insoupçonnées jusque-là, comme en Méditerranée orientale ou dans le golfe du Bengale et dans l’Arctique (avec la fonte accélérée de la banquise). Des projets faramineux se sont bâtis sur ces perspectives entraînant une spéculation délirante avec des projets autour de 50 milliards de dollars. D’où comme nous l’indiquons ci-dessus la possibilité d’une spéculation énorme, car de nombreux projets de ce type ne verrons jamais le jour ! D’autres projets colossaux, qui sont parfois déjà réalisé ou en cours de réalisation visent l’acheminement de cette production nouvelle et accrue vers les marchés du monde. Par voie maritime ou terrestre, de grands chantiers, allant de la construction de grands ports et de complexes gaziers et pétroliers à l’élargissement et à l’approfondissement de canaux comme celui de Panama par les USA, deviennent aussi des supports d’une spéculation des plus hasardeuses. Ils sont en grande partie à l’origine de conflits territoriaux et ethniques comme pour les ROHINGAS de Birmanie et au Bangladesh. Les tensions dans les Balkans entre la Grèce et la Turquie tourne en partie autour des enjeux pétroliers et gaziers en Méditerranée Orientale. L’exploitation de ces gisements offshore implique la plupart des pays de la méditerranée orientale rapprochant ainsi encore plus la flamme du baril de poudre et la menace d’explosion de l’UE.
Les réserves de gaz ont énormément augmenté aux USA qui deviennent les premiers producteurs mondiaux ; la concurrence avec le gaz russe autour des marchés européens est d’actualité depuis 2015. Dans le même temps les USA produisent également du pétrole de schiste. Dans l’ensemble les USA auront profité d’une baisse des coûts de production industriels liée à l’exploitation de ces nouvelles ressources énergétiques en hydrocarbure, ce qui explique en partie qu’ils aient mieux résisté que les économies européennes.
A côté de cette croissance de l’offre, le développement d’autres énergies comme le solaire et l’éolien ont également contribué au retournement des cours du pétrole, et après une première diminution de la demande, notamment européenne et japonaise qui a chuté de 10 à 20% entre 2010 et 2018 , la crise a enfoncé le clou. Un tel contexte relance une compétition et une concurrence acharnées entre les principaux producteurs mondiaux et débouche nécessairement sur des tensions diplomatiques et militaires, mais également sociales dans les pays dont les Etats vivent en grande partie de la rente pétrolière comme les pays du Golfe persique, l’Algérie, le Nigeria ou encore le Venezuela.
Il ne fait aucun doute que l’ensemble de ces données relatives au cours des hydrocarbures ont en grande partie déterminé certains aspects du cycle économique écoulé depuis la crise de 2007/2009 que nous avons évoqués.
En ce qui concerne l’hypothèse que nous avancions en 2010 au sujet d’une éventuelle agression militaire de l’Iran par les USA, elle ne s’est pas vérifiée.
La raison principale réside justement dans ce retournement de tendance qui rend la présence militaire américaine au Moyen-Orient beaucoup moins vitale pour ses approvisionnements en hydrocarbures (les tensions entre les USA et l’Arabie Saoudite relèvent aussi de cet aspect des choses). Mais ce n’est pas l’unique raison. En effet deux évènements majeurs, étroitement liés entre eux, sont venus renforcer ce changement de cap. Le premier fut la révolte dans l’aire arabe, le second la tournure prise par celle-ci en Syrie. Il faut aussi prendre en compte l’enlisement relatif des troupes américaines en Afghanistan et en Irak, ainsi que l’émergence dans ce dernier bourbier de l’Etat islamique et son expansion grâce à la situation en Syrie. On peut dire que l’armée américaine au Moyen-Orient a dû se redéployer vers le Levant, tout en se maintenant en Irak et en Afghanistan. D’une certaine manière, l’Iran a également profité de la situation, sans oublier son alliance de fait avec la Russie et la Syrie et son influence déterminante en Irak même à la barbe des yankees.
L’ensemble des impérialismes occidentaux a dû concéder les accords sur le nucléaire avec l’Iran, qui ont momentanément relâché la pression sur ce pays. Sa remise en cause sous la présidence de Trump a démontré qu’une fois la situation stabilisée en Syrie et en Irak, et dans une moindre mesure en Afghanistan, la politique des USA dans cette zone stratégique ne perd pas de vue l’Iran. En fait ce qui compte à présent pour les USA, c’est de bloquer dans la mesure du possible les régimes producteurs de pétrole et de gaz qui sont ou pourraient être alliés à la Chine, et qui de surcroît constituent des concurrents de taille dans ce secteur de l’économie. C’est le cas de l’Iran et du Venezuela, et dans une certaine mesure de la Russie que les USA veulent concurrencer sur le terrain européen dans le domaine des hydrocarbures et principalement du gaz.
8/ Crise et catastrophe
Il n’est pas dans notre intention de fournir ici une analyse de la crise proprement dite, encore moins un exposé de la théorie marxiste des crises. Nous tenons simplement à souligner la pertinence de cette théorie à la lumière des faits que constitue la crise en cours et dont nous avons exposé certains aspects, que ce soit le caractère cyclique de l’économie capitaliste et la périodicité de ses crises ou encore la nature catastrophique de la crise et du cours historique du capitalisme.
En ce qui concerne la crise en cours, il faudra attendre quelques temps, que toutes ses potentialités se développent, pour pouvoir l’étudier sérieusement et tirer des conclusions sur les effets probables de celle-ci sur la lutte des classes, les conflits impérialistes qui éclateront, et la tournure que prendra le nouveau cycle d’après crise. Nous nous limiterons donc volontairement à conclure sur quelques grandes lignes de probabilité.
Par ailleurs, en ce qui concerne la Pandémie personne ne sait vers quoi l’on tend, et celle-ci a mis entre parenthèses les luttes qui avaient commencé à se développer. En outre le risque est élevé de voir apparaître de nouveaux virus, pour lesquels la société se trouverait certainement aussi démunie que pour le COVID19.
Pour l’humanité, le cours du capitalisme est catastrophique et c’est au cours des crises que ce caractère est le plus frappant et que la mystification du capital peut être levée. Cela d’autant plus que la crise est généralisée et profonde. Mais le marxisme n’a jamais considéré pour autant que le capitalisme s’effondrerait de lui-même ! Au contraire, si le prolétariat, seule classe à même d’en finir avec le capitalisme, car seule classe exploitée dans ce mode de production, n’impose pas sa dictature révolutionnaire, le capitalisme reprend son cours catastrophique à une échelle supérieure. Suivant que les conditions historiques le permettent, il tend à dépasser momentanément ses propres contradictions, les englobent et les développent plus avant :
« En même temps que baisse le taux de profit, la masse des capitaux s’accroît. Parallèlement se produit une dépréciation du capital existant qui arrêtent cette baisse et imprime un mouvement plus rapide à l’accumulation de valeur-capital.
En même temps que se développe la force productive, s’élève la composition organique du capital : il y a diminution relative de la fraction variable par rapport à la fraction constante.
Ces diverses influences ont tendance à s’exercer tantôt simultanément dans l’espace, tantôt successivement dans le temps ; périodiquement, le conflit des facteurs antagoniques se fait jour dans des crises. Les crises ne sont jamais que des solutions violentes et momentanées des contradictions existantes, de violentes éruptions qui rétablissent pour un instant l’équilibre rompu. » (Livre III tome I du Capital p.262 éditions sociales)
Marx continue en précisant la nature de la principale contradiction du capital, ou si l’on veut le caractère général de ces contradictions qui éclatent dans la crise :
« Pour lui donner une expression tout à fait générale, voici en quoi consiste la contradiction : le système de production capitaliste implique une tendance à un développement absolu des forces productives, sans tenir compte de la valeur et de la plus-value que cette dernière recèle, ni non plus des rapports sociaux dans le cadre desquels à lieu la production capitaliste, tandis que, par ailleurs, le système a pour but la conservation de la valeur-capital existante et sa mise en valeur au degré maximum (c’est-à-dire un accroissement sans cesse accéléré de cette valeur). Son caractère spécifique est fondé sur la valeur-capital existante considérée comme moyen de mettre en valeur au maximum cette valeur. Les méthodes par lesquelles la production capitaliste atteint ce but impliquent : diminution du taux de profit, dépréciation du capital existant et développement des forces productives du travail aux dépens de celles qui ont déjà été produites.
La dépréciation périodique du capital existant, qui est un moyen immanent au mode de production capitaliste, d’arrêter la baisse du taux de profit et d’accélérer l’accumulation de valeur-capital par la formation de capital neuf, perturbe les conditions données, dans lesquelles s’accomplissent les procès de circulation et de reproduction du capital, et, par suite, s’accompagne de brusques interruptions et de crises du procès de production. » (Idem)
Le développement historique de la production capitaliste repose sur cette contradiction fondamentale entre valorisation et dévalorisation qui s’exprime au travers de la loi de la baisse tendancielle du taux de profit et aboutit aux crises périodiques.
Dans certaines conditions, et à un certain stade de son développement, il ne trouve d’issue que dans un conflit mondial, une guerre impérialiste dans laquelle s’affrontent les principaux concurrents au travers d’alliances de circonstance. Crise et guerre se télescopent et se combinent en une catastrophe telle qu’elle doit permettre aux vainqueurs de s’imposer sur le marché mondial et d’écouler leur surproduction de capital sur le marché des vaincus tout en leur imposant leurs règles. Ces derniers connaissent généralement une reprise à la hauteur des destructions qu’ils ont subi et des taux de croissance dignes d’un capitalisme naissant. C’est comme une cure de jouvence pour le capitalisme. Surtout qu’entraînant le prolétariat dans la guerre le capital en ressort renforcé. C’est ce qui s’est passé avec la deuxième guerre mondiale et a permis au capitalisme de surmonter les crises pendant trois décennies.
Mais cette issue n’est pour l’instant pas d’actualité, même si les tensions impérialistes s’aggravent, se multiplient, s’aggraveront encore, et que le danger d’un dérapage existe toujours (par exemple lorsque la bourgeoisie française poussait à l’intervention en Syrie, l’impérialisme occidental se serait trouvé directement face à l’impérialisme russe qui n’aurait eu d’autre alternative que le combat frontal et l’engrenage militaire international provoquant le système des alliances, d’où le repli des EU et de la GB qui ont laissé Hollande et Fabius jouer les matamores et se ridiculiser. Cette politique a fait le jeu des islamistes qui ont pu d’autant plus facilement recruter de la chair à canon dans les banlieues françaises).
Les crises s’aggravent également d’un cycle à l’autre, après avoir été partiellement amorties entre 1993 et 2008 pour les raisons déjà exposées, démontrant une fois de plus la validité du marxisme. En effet, le marxisme postule que les contradictions du capitalisme iront en se développant et les crises en s’aggravant. L’extension du mode de production capitaliste et le développement des forces productives entrent toujours plus en conflit avec l’étroitesse des rapports de production et cela à une échelle toujours plus étendue et à un niveau toujours plus élevé :
« Les moyens les plus favorables à la reproduction des richesses, exigent le développement universel de l’individu social. Or, l’auto-valorisation du capital abolit le capital au lieu de le produire, lorsque les forces productives, introduites par le capital au cours de son développement historique, ont atteint un certain niveau d’extension. Au-delà d’un certain point, le développement des forces productives devient un obstacle pour le capital, - et le rapport capitaliste lui-même devient une entrave au développement des forces productives du travail.
Arrivé à ce point, le capital - et donc le travail salarié – entre dans le même rapport vis-à-vis du développement de la richesse sociale et des forces productives que l’esclavage, les corporations et le servage vis-à-vis du développement historique de leur temps. Etant une entrave, le rapport capitaliste est nécessairement éliminé.
La dernière forme de servitude revêtue par l’activité humaine – le travail salarié d’un côté, et le capital de l’autre – tombe telle une écaille : c’est le résultat même du mode de production capitaliste. Les conditions matérielles et intellectuelles de la négation du salariat et du capital qui niaient eux-mêmes en leur temps les formes antérieures de la production sociale non libre sont à présent le résultat de la production capitaliste elle-même.
L’inadéquation croissante du développement productif de la société aux conditions de production actuelles se manifeste au travers de contradictions tranchantes, de crises et de convulsions. Les destructions violentes de capital dues non pas à des conditions extérieures, mais à celle de sa propre conservation, telle est la forme la plus frappante de l’avertissement qui lui est donné de céder la place à un mode de production supérieur, et de disparaître. » (K. MARX Grundrisse 4 p16/17 10/18)
Ce sont ces crises et ces catastrophes qui, pour le marxisme, finiront par pousser les masses prolétarisées, déjà forcées à la lutte quotidienne pour la survie et la vente de sa force de travail, à renverser le pouvoir de la bourgeoisie et à instaurer la dictature révolutionnaire :
« Comme la baisse du taux de profit correspond à une diminution du travail immédiat par rapport au travail objectivé qu’il reproduit et qu’il crée de nouveau, le capital mettra tout en œuvre pour contrarier la baisse du travail par rapport au quantum du capital en général ; autrement dit, de la plus-value exprimée comme profit par rapport au capital avancé.
Il tentera, en outre, de réduire la part attribuée au travail nécessaire, et d’augmenter encore davantage la quantité de surtravail par rapport à l’ensemble du capital employé. En conséquence le maximum de développement de la puissance productive ainsi que le maximum d’extension de la richesse existante coïncideront avec la dévalorisation du capital, la dégradation de l’ouvrier et un épuisement croissant de ses forces vitales.
Ces contradictions provoqueront des explosions, des cataclysmes et des crises au cours desquels les arrêts momentanés de travail et la destruction d’une grande partie des capitaux ramèneront, par la violence, le capital à un niveau d’où il pourra reprendre son cours. Ces contradictions créent des explosions, des crises, au cours desquelles tout travail s’arrête pour un temps, tandis qu’une partie importante du capital est détruite, ramenant le capital par la force au point où, sans se suicider, il est à même d’employer de nouveau pleinement sa capacité productive.
Cependant, ces catastrophes qui le régénèrent régulièrement se répètent à une échelle toujours plus grande et finiront par provoquer son renversement violent. » (Idem p17/18)
Avant d’en arriver là, le prolétariat à encore un long chemin à parcourir, car il doit retrouver la voie de son propre programme, de sa théorie, et des leçons de ses expériences passées qu’il a perdus au cours de près d’un siècle de défaites et de contre-révolution triomphante, de trahisons des partis et syndicats « ouvriers » passés dans le camp adverse, de déformations et de dissimulations de la vérité historique et de mystifications en tous genre sur la nature de la société par toutes les institutions savantes, leurs laquais universitaires et leurs médias. Sans cela il ne pourra pas se réorganiser en un parti formel pour l’action révolutionnaire, et la bourgeoisie parviendra à l’entraîner dans les pires aventures et à repousser ses propres limites pour un temps indéfini.
Mais il se pourrait aussi que ce chemin il le parcourt en un temps plus bref, si le futur cycle économique force la bourgeoisie à des attaques répétées et de plus en plus frontales avec celui-ci. Aujourd’hui, malgré le développement inégal selon les aires et les pays, le capitalisme est partout dominant et le prolétariat y constitue le fondement nécessaire de son développement. Les contradictions dans lesquelles se débat ce système ne peuvent que le conduire vers de telles attaques, et les luttes, qui avaient commencé à inquiéter la bourgeoisie internationale avant la pandémie pourraient bien reprendre et se hisser à un niveau supérieur. Tout au moins c’est ce que nous escomptons et qu’un travail de prévision strictement basé sur la théorie marxiste devrait nous permettre de préciser et de vérifier, avant qu’une nouvelle crise de surproduction ne viennent encore ébranler le monde à l’issue d’un nouveau cycle, qui s’annonce des plus problématiques pour la bourgeoisie internationale. Ce n’est pas pour rien que celle-ci profite un peu partout de la pandémie pour blinder ses Etats, en expérimentant les couvre feux, les confinements, en rodant la mobilisation policière sur tout son territoire et en refermant les frontières.
Elle se prépare également à mener une lutte acharnée sur le marché mondial où les principaux concurrents vont se battre pour gagner ou regagner des parts de marché. Alors que la Chine affiche fièrement sa victoire sur l’épidémie de Covid-19 et relance déjà sa croissance tout en développant plus avant ses nouvelles routes de la soie, le nouveau président des EU a annoncé la couleur : fini le repli, les EU doivent redevenir le gendarme du monde. Ses principaux objectifs: la Chine et la Russie.
La question des matières premières et auxiliaires, au premier rang desquelles les hydrocarbures, vont se retrouver au centre d’une nouvelle croisade américaine contre les « dictatures », ainsi que les voies commerciales qui mènent des lieux de production vers les principaux marchés. Les EU vont chercher à concurrencer la Russie en Europe même avec leur gaz et leur pétrole, et à limiter les prétentions russes sur l’Arctique. Ils vont également chercher à bloquer les tentatives chinoises d’extension des nouvelles routes de la soie. Enfin ils ne perdront pas de vue l’objectif de faire chuter les régimes iranien et vénézuélien par tous les moyens appropriés y compris l’intervention militaire directe. Autrement dit la nouvelle présidence accueillie avec joie par les chancelleries européennes risque fort de relancer la machine de guerre américaine sur tous les terrains, y compris l’Europe même dont l’union bat de l’aile. Ainsi les EU peuvent chercher à instrumentaliser Erdogan pour entraver les projets de forage de la Grèce en Méditerranée Orientale ou les ambitions de la France en Lybie, etc.
Nous conclurons temporairement en rappelant qu’une crise financière reste encore probablement à venir et que les taux de croissance de la Chine et autres BRICS iront nécessairement en décroissant au cours du cycle à venir.
En outre le capital ne pourra échapper à une crise d’une plus grande ampleur aux alentours de 2028 (le cycle actuel variant de 7 à 10 ans : 1982/1990-1993 - 1993/2000-2001 - 2001/2008-2009 – 2009/2019-2020), à moins de parvenir à briser entre-temps toute résistance des classes laborieuses, à commencer par la classe ouvrière, et d’amorcer une nouvelle révolution technologique telle qu’elle soit à même de compenser sa dévalorisation croissante par une augmentation de la productivité du travail à son profit. Par exemple au travers du développement tous azimuts de l’intelligence artificielle et de ses applications dans la production comme dans la circulation. Alors la perspective révolutionnaire pourrait une fois de plus s’éloigner pour plusieurs décennies. Et le cours à l’affrontement entre Chine et USA se préciser toujours plus dangereusement.
Pour conclure temporairement sur les perspectives que pourraient ouvrir cette crise et le cycle à venir pour la lutte des classes nous citerons les « Thèses de Rome » du Parti communiste d’Italie dirigé par Amadeo Bordiga, en 1922 (déjà citées dans le n°17 de « Communisme ou Civilisation » en 1985) :
« Qu’il s’agisse d’une période de prospérité croissante ou au contraire de difficultés et de crise, l’influence que la situation économique exerce sur la combativité de classe du prolétariat est très complexe. Elle ne peut être déduite d’un simple examen de cette situation à un moment donné, car il faut tenir compte de tout le déroulement antérieur, de toutes les oscillations et variations des situations qui ont précédé.
Par exemple, une période de prospérité peut donner vie à un puissant mouvement syndical qui, si celle-ci est suivie d’une période de crise et d’appauvrissement, peut se porter rapidement sur des positions révolutionnaires, faisant jouer en faveur de la victoire le large encadrement des masses qu’il aura conservé. Par contre, une période d’appauvrissement progressif peut désagréger le mouvement syndical au point que, dans une période ultérieure de prospérité, il n’offre plus matière suffisante à un encadrement révolutionnaire.
Ces exemples (qui pourraient d’ailleurs être inversés) prouvent que les courbes de la situation économique et de la combativité de classe sont déterminées par des lois complexes, la seconde dépendant de la première mais ne lui ressemblant pas dans la forme. A la montée de la première peut correspondre indifféremment, dans des cas donnés, la montée ou la descente de la seconde ou inversement.
Les éléments intégrants de cette recherche sont très variés. Il faudra examiner non seulement la tendance effective du prolétariat à constituer et développer des organisations de classe, mais toutes les réactions, psychologiques y compris, déterminées en son sein, d’une part par la situation économique, d’autre part par les initiatives sociales et politiques de la classe dominante et ses partis. »
THEORIE MARXISTE DES CRISES
ECHANGES AU SUJET DE LA CRISE ET DE LA THEORIE MARXISTE DES CRISES
13/01/2019
LETTRE A X
Au sujet de la crise :
La question de la crise et de la théorie marxiste des crises était au cœur des préoccupations de CouC. Dès le N°1 de la revue cette question se pose en rappelant la prévision erronée de la Gauche et le fait que le PCI, ayant dégénéré dans l'activisme et une variante léniniste, occulte la question. Pour ce qui est d'Invariance sa position est différente car avant sa dégénérescence cette revue considère que la crise prévue par la gauche pour 1965/67 a simplement été englobée et se télescopera avec celle du cycle suivant, prévue entre 1975 et 1977. Mais je tiens à faire remarquer que certains arguments de l'abandon de la théorie marxiste par Invariance sont déjà présents dans un texte comme « Le 6° chap inédit et l'oeuvre économique de karl Marx », notamment l'idée de l'autonomisation du capital. Je reviendrais là dessus dans un prochain courrier au sujet des 2 phases.
Cette question n'est pas académique. Elle constitue tout d'abord le fondement matériel comme le rappelait Rosa Luxembourg contre Bernstein du programme communiste (sans crises le MPC devient éternel et l'objectif du mouvement ouvrier se réduirait au réformisme ou à une utopie... ). Ensuite en tant qu'expression brutale des contradictions du MPC, la crise constitue une impulsion pour la lutte des classes, elle provoque crises politiques et sociales et affaiblit le pouvoir de la bourgeoisie. Enfin elle est un moment de démystification important du caractère totalitaire du capital car elle pousse celui-ci à se dévoiler pour relancer son accumulation et renforcer son pouvoir et à accentuer l'exploitation des prolétaires. Le moment de la crise est finalement révélateur du fait que le capital n'est plus apte à diriger les forces productives qu'il a lui-même suscitées et qu'il constitue une entrave à leur libre développement.
Pour toutes ces raisons la question de la crise et de sa prévision est étroitement liée à celle du parti et de la révolution. En effet le parti ne peut se reconstituer en tant que parti formel que si la classe tend à se reconstituer elle-même en parti ( Camatte :« Origine et fonction de la forme parti »). Or ce n'est possible qu'à la suite d'une crise ou une série de crises d'une ampleur suffisante pour enclencher le mouvement, de même qu'une révolution n'est possible qu'à la suite d'une crise (Marx/Engels : Revue de la NGR). Evidemment de nombreux facteurs et conditions historiques peuvent retarder, enrayer, dévoyer ou écraser une telle tendance, comme le déclenchement d'une guerre, la corruption de couches privilégiées du prolétariat au travers du colonialisme et de miettes des surprofits impérialistes mais plus largement par l'augmentation du salaire réel et du pouvoir d'achat grâce aux mécanismes de la domination réelle en échange de la paix sociale ou encore le développement de classes improductives au service du capital qui freine le mouvement de suraccumulation par sa consommation improductive de la plus value et joue un rôle tampon entre le travail et le capital, etc. Mais le retour des crises et leur aggravation ramènent tôt ou tard le mouvement social sur le terrain de la lutte des classes où le prolétariat doit prendre l'initiative en se constituant en parti agissant. Toute l'oeuvre de Marx/Engels nous rappelle ces points cruciaux de la théorie révolutionnaire.
Le lien étroit entre la question du parti et celle de la crise est au centre de l'échec et de la dégénérescence de la gauche. Non seulement l'activisme de la gauche a pris appui sur une conception erronée de la permanence du parti formel mais elle fut justifiée par la prévision de la crise qui devait ramener le prolétariat sur des bases de classe dés 1965/67. Que celle-ci ne se soit pas produite et que celle de 1975 n'ait en rien coïncidé avec la prévision sinon la date, n'a pas dérangé le PCI totalement empêtré dans son activité de « parti » et ses schémas léninistes en concurrence avec le milieu gauchiste. D'autres regroupements ont attendu cette crise et ont fini par se dissoudre tant la réalité s'était écartée des prévisions théoriques. Ce fut le cas pour « Le fil du temps », mais apparemment aussi pour le GCM. Or la question de la prévision est centrale pour le parti que ce soit dans sa dimension historique ou formelle. CouC rappelait à la suite d'Invariance que le parti est un organe de prévision et que s'il n'est pas cela il se déconsidère. D'où la reprise de la question au travers d'une série de n°s de la revue intitulés « La théorie de la crise catastrophique du MPC base vitale de la prévision révolutionnaire du communisme » (n°s 8, 12, 14, 17, 22, de CouC puis 1, 4, 7, 10, et 14 de la RIMC). Ces travaux ont été repris sous la forme d'un livre par Robin Goodfellow qui continue de son côté. Parallèlement à cette série sur la crise, la question fut également traitée sur la base des deux phases. Enfin l'étude sur la question agraire permettait d'écarter les théorisations de type capitalisme monopoliste et autres prétendues nouveautés qui auraient rendu caduques les positions classiques de notre parti sur les crises voire rendu impossibles celles-ci. Cette étude était en parfaite continuité avec celle déjà effectuée par la Gauche et Bordiga.
Afin de comprendre comment le capital est parvenu à réduire les crises à de simples récessions et à se renforcer au lieu de décliner après 1945, il était impératif de reprendre cette question par un retour à Marx puisque la gauche avait échoué et qu'Invariance ne se démarquait pas véritablement de la gauche sur cette question. A cette fin CouC avait établi un plan de travail sur la crise. Toutefois la question du caractère catastrophique de la crise attendue fut discutée dans le sens où toute crise pour Marx est catastrophique. La question qui se posait alors était de savoir quand et comment une crise catastrophique du capital pourrait ébranler à nouveau le système au point de ramener le prolétariat sur des bases de classe et ouvrir un nouveau cycle de la lutte des classes opérant le renversement de la praxis, c'est-dire la reconstitution du parti de classe. Du point de vue de la théorie il fallait restaurer celle-ci en tenant compte du développement colossal et de l'extension internationale du capital depuis l'époque de Marx tout en combattant les déformations apportées à cette théorie par les courants léninistes et luxembourgistes que l'on retrouve dans l'ensemble du millieu révolutionnaire. Si la théorie est valable, dans son invariance, elle doit permettre de comprendre et d'expliquer les crises telles que le capital est parvenu à les contenir et en limiter les effets et d'anticiper ses manifestations futures et le retours de crises historiques. Le recours à des théorisations étrangères au marxisme et qui empruntent à l'économie politique bourgeoise ou petite bourgeoise doivent être combattues sans exceptions.
Un autre aspect de la question des crises et de leurs conséquences réside dans le fait qu'on ne peut les séparer de la lutte des classes, tout comme l'économique détermine le politique qui à son tour la conditionne, les crises déterminent la lutte des classes mais sont conditionnées par elles. Il ne faut jamais séparer métaphysiquement l'économique du politique en bonne dialectique matérialiste. En outre cette dialectique opère au niveau mondial et non pas simplement à l'échelon régional ou national. Ce qui suppose également d'analyser les rapports de force non seulement entre classes à cette échelle, mais encore entre Etats. La crise est crise du marché mondial et pousse les différents capitaux nationaux à exploiter toujours plus le prolétariat mais aussi à s'affronter entr'eux pour la domination de ce même marché mondial et y occuper une place privilégiée sinon hégémonique dans la division internationale du travail. C'est là aussi la question de l'impérialisme qui doit être reliée au passage à la domination réelle du capital et à la loi de la baisse tendancielle du taux de profit.
Une conclusion à laquelle tendait CouC dans sa réappropriation du marxisme c'était que si la crise devait tôt ou tard déboucher sur une recomposition de la classe et sa réorganisation en parti le capital ne s'effondrera jamais de lui-même et peut même relancer un cycle d'accumulation pour des décénnies si la révolution est écrasée ou si le prolétariat ne parvient pas à retrouver le niveau atteint lors de la dernière vague révolutionnaire, ne tire pas les enseignements de sa propre histoire et se laisse entraîner comme en 1914 derrière les intérêts de sa bourgeoisie : d'où notre approfondissement du « Bref historique » (CouC n°s 16, 18, 20, 23, et RIMC 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 11, 12/13, 14).
Nous avons analysé le fait que le capital n'était pas parvenu à relancer de manière durable entre 14 et 45 son accumulation et partant le développement des forces productives, laissant l'impression d'un déclin de celles-ci, surtout compte tenu des énormes destructions liées aux deux guerres mondiales et à la crise de 1929, en partie à la résistance du prolétariat sur le plan économique bien que battu sur le plan politique. Ce n'est qu'après un écrasement total du prolétariat que le capital se fortifiera et gagnera en expansion, surmontant les crises réduites à de simples récession jusqu'en 1975. Mais ce n'est évidemment pas l'unique cause de son rajeunissement et de son renforcement.
Maintenant quand à être à même d'expliquer les causes des crises et les mécanismes précis qui les font éclater sur la base des lois du MPC exposées par Marx dans son œuvre économique ainsi que les formes concrètes de leurs futures manifestations cela suppose un travail qui n'a qu'à peine été abordé et cela quasi exclusivement par CouC depuis les travaux d'Invariance dans les n°s 2 et 6 (ultérieurement Camatte avec Darlet ont considéré que le capital s'était autonomisé et affranchi de la loi de la valeur, grâce au capital fictif... Il est intéressant de lire leurs textes dans les série 2 et 3 d'Invariance, justement pour éviter de tomber dans ce délire !).
Concernant la question monétaire il est évident que la capital ne peut la résoudre, mais je ne pense pas qu'il y ait chez Marx une quelconque lacune. Invariance posait le problème pour le capital non pour la théorie , ce sont les économistes qui ne la comprenne pas, car il ne comprenne pas la loi de la valeur ou seulement sous sa forme ricardienne, c'est-à-dire erronée. Ce qui ne signifie pas que nous n'ayons pas besoin d'approfondir cette question mais que nous devions le faire sans avoir recours à des expédients ou des explications en contradiction avec la théorie marxiste. Invariance rappelait d'ailleurs que le capital se constitue en totalité au travers du marché monétaire. Ce qui explique que les crises mondiales sont précédées de crises financières et monétaires, car il s'agit de crises du capital en tant que totalité quels que soient les différences de manifestations et de conséquences dans telle ou telle aire ou pays. La « mondialisation » qui a précédé et suivi la chute du mur de Berlin a grandement participé à l'homogénéisation des crises à l'échelle mondiale en levant les barrières aux marchés de capitaux. La surproduction peut ainsi se généraliser.
Un dernier point concernant le capital fictif. Il faudrait s'entendre sur sa définition. Dans le livre 3 tome 2 Marx le définit essentiellement comme une forme de capital issu du crédit commercial à une époque où les infos sur le marché mondial étaient tributaires de moyens de transport et de communication encore très lents. Ce qui donnait lieu à des spéculation sur les marchés lointains et des affaires foireuses gagées sur des ventes hypothétiques. Il peut évidemment y avoir d'autres sources et d'autres causes de création de capital fictif et elles reposent toutes en dernière instance sur le système capitaliste de crédit. Mais le crédit ne permet pas de surmonter les crises, et plutôt que de les atténuer il favorise la spéculation qui les aggrave.
Il y a donc 3 points qu'il faudrait au préalable discuter avant de se donner un plan de travail sur cette question :
1/ la question de la crise catastrophique et celle d'une crise historique qui ouvririt la voie au procès révolutionnaire.
2/La question monétaire
3/Le capital fictif
J'attends avec intérêt vos remarques et commentaires
13/01/2019
LETTRE A X
Au sujet de la crise :
La question de la crise et de la théorie marxiste des crises était au cœur des préoccupations de CouC. Dès le N°1 de la revue cette question se pose en rappelant la prévision erronée de la Gauche et le fait que le PCI, ayant dégénéré dans l'activisme et une variante léniniste, occulte la question. Pour ce qui est d'Invariance sa position est différente car avant sa dégénérescence cette revue considère que la crise prévue par la gauche pour 1965/67 a simplement été englobée et se télescopera avec celle du cycle suivant, prévue entre 1975 et 1977. Mais je tiens à faire remarquer que certains arguments de l'abandon de la théorie marxiste par Invariance sont déjà présents dans un texte comme « Le 6° chap inédit et l'oeuvre économique de karl Marx », notamment l'idée de l'autonomisation du capital. Je reviendrais là dessus dans un prochain courrier au sujet des 2 phases.
Cette question n'est pas académique. Elle constitue tout d'abord le fondement matériel comme le rappelait Rosa Luxembourg contre Bernstein du programme communiste (sans crises le MPC devient éternel et l'objectif du mouvement ouvrier se réduirait au réformisme ou à une utopie... ). Ensuite en tant qu'expression brutale des contradictions du MPC, la crise constitue une impulsion pour la lutte des classes, elle provoque crises politiques et sociales et affaiblit le pouvoir de la bourgeoisie. Enfin elle est un moment de démystification important du caractère totalitaire du capital car elle pousse celui-ci à se dévoiler pour relancer son accumulation et renforcer son pouvoir et à accentuer l'exploitation des prolétaires. Le moment de la crise est finalement révélateur du fait que le capital n'est plus apte à diriger les forces productives qu'il a lui-même suscitées et qu'il constitue une entrave à leur libre développement.
Pour toutes ces raisons la question de la crise et de sa prévision est étroitement liée à celle du parti et de la révolution. En effet le parti ne peut se reconstituer en tant que parti formel que si la classe tend à se reconstituer elle-même en parti ( Camatte :« Origine et fonction de la forme parti »). Or ce n'est possible qu'à la suite d'une crise ou une série de crises d'une ampleur suffisante pour enclencher le mouvement, de même qu'une révolution n'est possible qu'à la suite d'une crise (Marx/Engels : Revue de la NGR). Evidemment de nombreux facteurs et conditions historiques peuvent retarder, enrayer, dévoyer ou écraser une telle tendance, comme le déclenchement d'une guerre, la corruption de couches privilégiées du prolétariat au travers du colonialisme et de miettes des surprofits impérialistes mais plus largement par l'augmentation du salaire réel et du pouvoir d'achat grâce aux mécanismes de la domination réelle en échange de la paix sociale ou encore le développement de classes improductives au service du capital qui freine le mouvement de suraccumulation par sa consommation improductive de la plus value et joue un rôle tampon entre le travail et le capital, etc. Mais le retour des crises et leur aggravation ramènent tôt ou tard le mouvement social sur le terrain de la lutte des classes où le prolétariat doit prendre l'initiative en se constituant en parti agissant. Toute l'oeuvre de Marx/Engels nous rappelle ces points cruciaux de la théorie révolutionnaire.
Le lien étroit entre la question du parti et celle de la crise est au centre de l'échec et de la dégénérescence de la gauche. Non seulement l'activisme de la gauche a pris appui sur une conception erronée de la permanence du parti formel mais elle fut justifiée par la prévision de la crise qui devait ramener le prolétariat sur des bases de classe dés 1965/67. Que celle-ci ne se soit pas produite et que celle de 1975 n'ait en rien coïncidé avec la prévision sinon la date, n'a pas dérangé le PCI totalement empêtré dans son activité de « parti » et ses schémas léninistes en concurrence avec le milieu gauchiste. D'autres regroupements ont attendu cette crise et ont fini par se dissoudre tant la réalité s'était écartée des prévisions théoriques. Ce fut le cas pour « Le fil du temps », mais apparemment aussi pour le GCM. Or la question de la prévision est centrale pour le parti que ce soit dans sa dimension historique ou formelle. CouC rappelait à la suite d'Invariance que le parti est un organe de prévision et que s'il n'est pas cela il se déconsidère. D'où la reprise de la question au travers d'une série de n°s de la revue intitulés « La théorie de la crise catastrophique du MPC base vitale de la prévision révolutionnaire du communisme » (n°s 8, 12, 14, 17, 22, de CouC puis 1, 4, 7, 10, et 14 de la RIMC). Ces travaux ont été repris sous la forme d'un livre par Robin Goodfellow qui continue de son côté. Parallèlement à cette série sur la crise, la question fut également traitée sur la base des deux phases. Enfin l'étude sur la question agraire permettait d'écarter les théorisations de type capitalisme monopoliste et autres prétendues nouveautés qui auraient rendu caduques les positions classiques de notre parti sur les crises voire rendu impossibles celles-ci. Cette étude était en parfaite continuité avec celle déjà effectuée par la Gauche et Bordiga.
Afin de comprendre comment le capital est parvenu à réduire les crises à de simples récessions et à se renforcer au lieu de décliner après 1945, il était impératif de reprendre cette question par un retour à Marx puisque la gauche avait échoué et qu'Invariance ne se démarquait pas véritablement de la gauche sur cette question. A cette fin CouC avait établi un plan de travail sur la crise. Toutefois la question du caractère catastrophique de la crise attendue fut discutée dans le sens où toute crise pour Marx est catastrophique. La question qui se posait alors était de savoir quand et comment une crise catastrophique du capital pourrait ébranler à nouveau le système au point de ramener le prolétariat sur des bases de classe et ouvrir un nouveau cycle de la lutte des classes opérant le renversement de la praxis, c'est-dire la reconstitution du parti de classe. Du point de vue de la théorie il fallait restaurer celle-ci en tenant compte du développement colossal et de l'extension internationale du capital depuis l'époque de Marx tout en combattant les déformations apportées à cette théorie par les courants léninistes et luxembourgistes que l'on retrouve dans l'ensemble du millieu révolutionnaire. Si la théorie est valable, dans son invariance, elle doit permettre de comprendre et d'expliquer les crises telles que le capital est parvenu à les contenir et en limiter les effets et d'anticiper ses manifestations futures et le retours de crises historiques. Le recours à des théorisations étrangères au marxisme et qui empruntent à l'économie politique bourgeoise ou petite bourgeoise doivent être combattues sans exceptions.
Un autre aspect de la question des crises et de leurs conséquences réside dans le fait qu'on ne peut les séparer de la lutte des classes, tout comme l'économique détermine le politique qui à son tour la conditionne, les crises déterminent la lutte des classes mais sont conditionnées par elles. Il ne faut jamais séparer métaphysiquement l'économique du politique en bonne dialectique matérialiste. En outre cette dialectique opère au niveau mondial et non pas simplement à l'échelon régional ou national. Ce qui suppose également d'analyser les rapports de force non seulement entre classes à cette échelle, mais encore entre Etats. La crise est crise du marché mondial et pousse les différents capitaux nationaux à exploiter toujours plus le prolétariat mais aussi à s'affronter entr'eux pour la domination de ce même marché mondial et y occuper une place privilégiée sinon hégémonique dans la division internationale du travail. C'est là aussi la question de l'impérialisme qui doit être reliée au passage à la domination réelle du capital et à la loi de la baisse tendancielle du taux de profit.
Une conclusion à laquelle tendait CouC dans sa réappropriation du marxisme c'était que si la crise devait tôt ou tard déboucher sur une recomposition de la classe et sa réorganisation en parti le capital ne s'effondrera jamais de lui-même et peut même relancer un cycle d'accumulation pour des décénnies si la révolution est écrasée ou si le prolétariat ne parvient pas à retrouver le niveau atteint lors de la dernière vague révolutionnaire, ne tire pas les enseignements de sa propre histoire et se laisse entraîner comme en 1914 derrière les intérêts de sa bourgeoisie : d'où notre approfondissement du « Bref historique » (CouC n°s 16, 18, 20, 23, et RIMC 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 11, 12/13, 14).
Nous avons analysé le fait que le capital n'était pas parvenu à relancer de manière durable entre 14 et 45 son accumulation et partant le développement des forces productives, laissant l'impression d'un déclin de celles-ci, surtout compte tenu des énormes destructions liées aux deux guerres mondiales et à la crise de 1929, en partie à la résistance du prolétariat sur le plan économique bien que battu sur le plan politique. Ce n'est qu'après un écrasement total du prolétariat que le capital se fortifiera et gagnera en expansion, surmontant les crises réduites à de simples récession jusqu'en 1975. Mais ce n'est évidemment pas l'unique cause de son rajeunissement et de son renforcement.
Maintenant quand à être à même d'expliquer les causes des crises et les mécanismes précis qui les font éclater sur la base des lois du MPC exposées par Marx dans son œuvre économique ainsi que les formes concrètes de leurs futures manifestations cela suppose un travail qui n'a qu'à peine été abordé et cela quasi exclusivement par CouC depuis les travaux d'Invariance dans les n°s 2 et 6 (ultérieurement Camatte avec Darlet ont considéré que le capital s'était autonomisé et affranchi de la loi de la valeur, grâce au capital fictif... Il est intéressant de lire leurs textes dans les série 2 et 3 d'Invariance, justement pour éviter de tomber dans ce délire !).
Concernant la question monétaire il est évident que la capital ne peut la résoudre, mais je ne pense pas qu'il y ait chez Marx une quelconque lacune. Invariance posait le problème pour le capital non pour la théorie , ce sont les économistes qui ne la comprenne pas, car il ne comprenne pas la loi de la valeur ou seulement sous sa forme ricardienne, c'est-à-dire erronée. Ce qui ne signifie pas que nous n'ayons pas besoin d'approfondir cette question mais que nous devions le faire sans avoir recours à des expédients ou des explications en contradiction avec la théorie marxiste. Invariance rappelait d'ailleurs que le capital se constitue en totalité au travers du marché monétaire. Ce qui explique que les crises mondiales sont précédées de crises financières et monétaires, car il s'agit de crises du capital en tant que totalité quels que soient les différences de manifestations et de conséquences dans telle ou telle aire ou pays. La « mondialisation » qui a précédé et suivi la chute du mur de Berlin a grandement participé à l'homogénéisation des crises à l'échelle mondiale en levant les barrières aux marchés de capitaux. La surproduction peut ainsi se généraliser.
Un dernier point concernant le capital fictif. Il faudrait s'entendre sur sa définition. Dans le livre 3 tome 2 Marx le définit essentiellement comme une forme de capital issu du crédit commercial à une époque où les infos sur le marché mondial étaient tributaires de moyens de transport et de communication encore très lents. Ce qui donnait lieu à des spéculation sur les marchés lointains et des affaires foireuses gagées sur des ventes hypothétiques. Il peut évidemment y avoir d'autres sources et d'autres causes de création de capital fictif et elles reposent toutes en dernière instance sur le système capitaliste de crédit. Mais le crédit ne permet pas de surmonter les crises, et plutôt que de les atténuer il favorise la spéculation qui les aggrave.
Il y a donc 3 points qu'il faudrait au préalable discuter avant de se donner un plan de travail sur cette question :
1/ la question de la crise catastrophique et celle d'une crise historique qui ouvririt la voie au procès révolutionnaire.
2/La question monétaire
3/Le capital fictif
J'attends avec intérêt vos remarques et commentaires
EXPLORATEURS EN LENDEMAINS (18/05/2010)COMMENTAIRES SUR LA REUNION ORGANISEE PAR TUMULTO (JANVIER 2010)
1/ "Crise de l'humanité".
Toute crise, même partielle, est évidemment une crise qui touche l'humanité. Ce qui constituerait une dangereuse déviation pour la lutte révolutionnaire du prolétariat serait de se placer du point de vue d'une "humanité" abstraite et non plus d'un point de vue de classe. Les maux que l'humanité subit dans le capitalisme découlent avant tout du rapport d'exploitation que seul subit le prolétariat. Par contre les contradictions du capitalisme atteignent aussi les autres classes y compris la bourgeoisie qui incarne ce mode social de production . C'est le cas de l'aliénation marchande, de la pollution de la nature, des guerres impérialistes, de la falsification alimentaire, des aberrations de toutes sortes engendrées par ce système et son développement catastrophique. Mais de par leur situation dans ce même système et du fait qu'elles ne subissent pas directement l'exploitation mais au contraire en vivent, aucune autre classe que le prolétariat n'est en mesure de s'attaquer à la racine du problème. Au contraire elles participent activement à empêcher par tous les moyens le prolétariat de le faire. Les solutions qu'elles proposent visent désespérément à supprimer les conséquences inévitables du développement capitaliste mais pas le capitalisme lui-même. La bourgeoisie en fait surtout de nouveaux moyens et de nouvelles sphères pour la valorisation du capital, comme c'est le cas en ce qui concerne tout le secteur de la dépollution et les sphères en rapport avec l'écologie. Et surtout, en tant que classe dominante, elle met en ouvre tous les moyens en sa possession pour s'en prémunir autant que faire se peut, alors que le prolétariat endure le pire et connait des conditions d'exploitation toujours plus dures.
Il est essentiel de rappeler que Marx dans le Capital était arrivé à cette conclusion que le capital épuise les deux sources de la richesse: la terre et le travailleur. Lorsque la bourgeoisie qui incarne le capital réagit aux conséquences catastrophiques de son développement, au travers de son Etat ou d'associations philanthropiques, c'est toujours pour éviter de disparaître avec le travailleur et la nature. Et elle y trouve aussi toujours l'occasion de transformer cette intervention en un moyen nouveau d'extorquer un peu plus de plus-value au prolétariat (par exemple en limitant la durée du travail mais en augmentant sa productivité et son intensité).En prenant des mesures pour le climat (voir les scandales style climategate, etc.) elle surdéveloppe le nucléaire (dont les déchets et les fuites radioactifs sont de moins en moins recyclables!), remplace les cultures alimentaires par des biocarburants (aggravant les famines et la crise alimentaire ,favorisant la spéculation sur la faim), elle fait pression à la baisse sur le prix du pétrole et fait remonter son taux de profit etc. Ce faisant elle se renforce et poussée par ses intérêts de classe reproduit inexorablement à une échelle supérieure la même tendance catastrophique. C'est aussi le sens véritable de la notion à la mode de développement durable: du capitalisme! Car la bourgeoisie cherche ainsi à pérenniser sa domination de classe. L'écologie, comme le féminisme, devient de surcroit un excellent moyen pour enrayer toute autonomisation et unification de classe en entraînant des catégories de prolétaires dans de vaines luttes interclassistes.
Dans l'action du capital sur la nature il ne faut pas oublier non plus l'existence de la propriété foncière qu'il n'a pas dépassée mais en quelque sorte intégré à son mode de production, propriété qui permet à une classe de s'approprier une partie de la plus-value sous la forme de la rente foncière, et participe à affamer plus d'un sixième de l'humanité tout en spéculant sur la construction.
L'impérialisme capitaliste s'appuie aussi sur la protection de l'environnement pour chercher à bloquer l'émergence de puissances nouvelles (Brésil, Chine etc.).
Toutefois, chaque progrès dans le développement des forces productives par le capital génère de nouvelles nuisances et ainsi de suite. Et les lois du MPC l'empêchent forcément d'avoir une approche scientifique qui réponde à des besoins humains.
Seule l'abolition du rapport social capitaliste par les producteurs associés dans une communauté humaine sans argent et sans valeur d'échange pourra permettre à l'humanité de sortir de ce cauchemar et de régénérer la nature (par conséquent de se régénérer elle-même). Ce qui ne signifie pas que les obstacles posés à cette régénération par des siècles de capitalisme et de sociétés de classe (il existait aussi une pollution au moyen-âge en occident) seront faciles et rapides à surmonter. Mais le prolétariat ne doit pas tomber dans le piège d'un front commun avec les forces bourgeoises et petites-bourgeoises avec leurs discours idéologiques sur la crise environnementale et le développement durable. Il s'agit là d'un des multiples pièges tendus aux prolétaires. Cette manière de poser les problèmes et de prétendre les résoudre est typique des nouvelles classes moyennes salariées qui infestent la société bourgeoise et tend à dévoyer la lutte du prolétariat.
S'il fallait parler de crise de l'humanité, celle-ci remonterait pour nous à 1848: car le communisme est devenu une réalité objective et depuis lors les entraves à son épanouissement par les rapports de production capitalistes précipitent l'humanité dans une catastrophe rythmée par les phases de contraction et d'expansion du MPC. Mais une crise n'est que l'extériorisation d'une contradiction, et celle-ci n'est pas un fait permanent, elle éclate sporadiquement et soit la contradiction est résolue (ici la dictature du prolétariat et le communisme) soit elle est seulement englobée et momentanément surmontée, comme dans les phases de reprise de l'expansion et de la croissance économique du capitalisme. En outre chaque cycle pousse au développement de la contradiction sur une nouvelle base et à un niveau plus élevé. De ce fait chaque crise éclate pour les mêmes raisons fondamentales, mais dans un contexte différent, en grande partie déterminé par les cycles de lutte entre les classes et leur issue.
2/ "Crise du capitalisme"
Le fait de parler de crise du capitalisme induit un certain nombre d'idées totalement erronées.
Si on peut parler de crise économique, crise financière, crise de surproduction etc. il n'est pas du tout évident que la crise actuelle soit une crise du capitalisme au sens où il s'agirait d'un phénomène irréversible et insurmontable, comme la décadence du capitalisme, sa décomposition, son effondrement et l'on ne sait quoi d'autre encore. Il est vrai que la plupart des courants du milieu révolutionnaire abondent dans ce sens et que leurs analyses, même quand il s'agit de scissions des groupes historiques qui ont forgé cette vision, perpétuent l'idée que la crise est permanente.
Une telle conception et les analyses qui en découlent sont en parfaite contradiction avec les faits et l'évolution historique réelle.
La crise est le produit des contradictions du capitalisme et celles-ci ne s'extériorisent que périodiquement. Leur extériorisation est en même temps leur résolution momentanée. Mais tant que les forces productives n'ont pas fait voler en éclat les rapports capitalistes de production, c'est-à-dire tant que le prolétariat et les moyens qu'il met en oeuvre ne se réorganisent pas en dehors de ces rapports qui s'avèrent dans les crises mêmes trop étroits pour leur développement, alors le capitalisme se reproduit à un niveau supérieur après avoir détruit une masse encombrante de ces mêmes forces. Et ceci se produit régulièrement depuis 1825!
On ne peut ici développer plus en avant la conception marxiste des crises. Il suffira de rappeler que dans cette conception la contradiction principale est la contradiction entre la valorisation et la dévalorisation du capital et que celle-ci n'est que l'expression économique dans les conditions de production capitalistes de la contradiction sociale qui oppose le prolétariat et la bourgeoisie.
Néanmoins la crise économique cyclique qui secoue la planète depuis Juillet 2007 apparait à la lumière de la théorie marxiste des crises comme une crise classique de surproduction.
Marx relevait le fait que la plupart des crises de surproduction débutaient par une crise financière avant de gagner la production. Ensuite se révèlent les faillites d'entreprise, le chômage massif et la paupérisation accrue de masses toujours plus larges de la population prolétarisée.
Le caractère cyclique de la crise se confirme et avec lui sa durée approximative de 8 à 11 ans ( les récessions qui interviennent chaque 5 à 6 ans ne sont que des crises intermédiaires de plus ou moins grande ampleur, plutôt moins que plus d'ailleurs, tant que les crises pouvaient être sinon évitées tout au moins minimisées pendant les Trente glorieuses).
L'existence des blocs, et les oppositions au sein même des deux blocs issus de la 2ème guerre mondiale, avaient scindé le marché mondial en zones plus ou moins étanches, ce qui donnait aussi des décalages dans le temps et dans l'espace lors de l'éclatement des crises. Mais l'expansion inhérente au capitalisme a fini par faire voler en éclat ces barrières, à commencer par le mur de Berlin, comme l'avait prévu Bordiga. Et les crises commencent à être véritablement simultanées à l'échelle mondiale, comme l'est la crise actuelle.
Il est donc parfaitement vain et néfaste de vouloir recourir à un bricolage théorique alors que la théorie marxiste permet de comprendre et même de prévoir le retour des crises.
La crise avons-nous dit est généralement précédée d'une crise financière. C'est sous la forme argent que le capital en tant que valeur d'échange autonomisée peut se conserver ou s'investir. C'est sous cette forme qu'il apparaît comme point de départ de son procès de valorisation. Et c'est aussi en premier lieu sous cette forme que se manifeste la dévalorisation du capital, avant d'atteindre directement le coeur du capitalisme, la production. Et c'est encore à partir de cette forme que le crédit et la spéculation peuvent s'épanouir et préparer de nouvelles crises de surproductions. Mais c'est dans le procès de production que se crée la valeur et surtout la survaleur qui caractérise le capital et son procès. C'est en tant que valeur qui se valorise que la valeur peut se transformer en capital. La valorisation du capital dans son procès de production se heurte à des limites que le capital ne peut dépasser sans dévaloriser en même tant tout le capital accumulé, sans se dévaloriser, y compris sous sa forme monétaire et de capital fictif. Il n'y a pas d'un côté une économie fictive et de l'autre une économie réelle (comme le répètent comme des perroquets la plupart des journalistes) mais une seule et même économie capitaliste qui produit et reproduit du capital sous toutes ses formes, y compris celle du capital fictif comme élément inhérent à sa propre nature de valeur d'échange autonomisée. Le crédit et la spéculation sont inséparables du capital.
En outre Marx disait que le capital se constitue véritablement en une totalité avec le marché monétaire (où se négocient tous les titres et toutes les valeurs en dehors des marchandises proprement dites). La crise financière qui a frappé le marché monétaire est par conséquent une véritable crise de la totalité du capital. La crise de 1990 fut précédée du krach boursier de 1987. Suivi d'une reprise et d'une croissance de la production . Mais elle avait été précédée elle-même d'une récession de faible ampleur, en 1986. On retrouve encore ce phénomène sur le cycle suivant, avec le krach boursier en Asie en 1997/98. Avec la crise financière de 2007 on débouche beaucoup plus rapidement sur la crise de surproduction. Il n'y a aucun répit après 2007/2008 et la crise, malgré les interventions massives et musclées des Etats et des institutions financières internationales, continue à faire des ravages.
Si l'on veut se risquer à quelque prévision sur ce terrain, on peut dire que le remède utilisé par la bourgeoisie mondiale pour sortir de la crise sera pire que le mal et 2010 risque fort d'être une année de faillites en série de petits Etats, et d'une fuite en avant du chef d'orchestre de cette classe parasitaire, les USA dans un nouveau conflit, dont l'Iran sera certainement le terrain. L'aggravation de la crise à chaque cycle a toujours poussé l'impérialisme dominant dans des tensions accrues et des conflits militaires qui lui ont permis de maintenir son hégémonie sur le marché mondial et de compenser une partie de ses pertes dues à la crise par des pillages des richesses des terrains conquis. Etant donné que la crise de surproduction a été masquée et aggravée par un développement sans précédent de la spéculation avant qu'elle n'éclate, les Etats ont du racheter les créances pourries qui menaçaient leur système financier international. A présent ce sont des Etats qui sont en faillite. Soit les Etats les plus solides viennent en aide aux plus faibles et ils s'affaibliront eux-mêmes en reprenant à leur compte leur dette, soit ils les laissent sombrer et prennent alors le risque de voir resurgir des émeutes prolétariennes à leur porte (Irlande, Grèce, Portugal, voire Espagne) et risquer une contagion. Ils risquent aussi de les voir se lancer dans des aventures guerrières comme le fit l'Irak au Koweit. On peut imaginer un regain de tension entre la Grèce et la Turquie, un retour des conflits balkaniques etc.
Enfin, et c'est un point d'une extrême importance, la pression va s'accroître sur le prolétariat auquel la bourgeoisie de tous les pays va chercher à extorquer une survaleur accrue, et dans l'aire occidentale en s'attaquant aux dispositifs fondamentaux qui lui ont assuré depuis la fin de la deuxième guerre mondiale une relative paix sociale et un renforcement colossal de sa puissance. Même les nouvelles classes moyennes salariées ne pourront être épargnées.
Quoiqu'il en soit du déroulement à venir de la crise en cours, celle-ci s'est avérée véritablement catastrophique de tous les points de vue. Et les problèmes monétaires devraient perdurer et aggraver l'ensemble des tensions internationales et exacerber la lutte des classes, même dans le cadre de la reprise d'un cycle d'expansion.
La prochaine crise cyclique de surproduction devrait alors éclater aux alentours de 2016/18 mais dans des conditions où des géants comme la Chine et l'Inde ne seront peut-être plus épargnés, tout comme le bloc de l'Est fut finalement atteint lors de la crise de 1980/82, puis de manière fatale en 1989. Les conséquences d'une telle crise seraient sans précédent historique et constitueraient certainement un tournant dans la lutte des classes et la lutte entre puissances impérialistes (notamment entre les USA et la Chine axe principal d'un possible conflit mondial).
3/"Crise du mouvement ouvrier".
Là aussi la formule ne nous paraît pas correcte. Nous rejoignons les intervenants (M.O et Controverses) qui ont fait remarquer que le prolétariat avait été battu et qu'il devait tout reprendre à 0 en quelque sorte. Qu'il avait perdu ses traditions, oubliés ses expériences et les leçons de ces expériences. Nous ne pouvons pas dans ce cadre analyser les causes de l'échec du prolétariat dans les années 20. Mais il faut avoir en tête qu'à deux reprises en l'espace d'une dizaine d'années il s'est fait arracher son organisation politique internationale qui est doublement devenue une arme redoutable aux mains de la bourgeoisie. Il en a été de même avec ses organisations de lutte économique, les syndicats,les bourses du travail et autres coopératives ou caisses de solidarité. La contre-révolution a parachevé une tendance en intégrant les syndicats et les partis
ouvriers réformistes dans la communauté du capital sur la base de constitutions démocratique (fascisme et stalinisme détruisant physiquement les organes résistant à cette tendance). On ne peut donc plus parler à cet égard de mouvement ouvrier.
Ainsi le capitalisme s'est énormément renforcé, et après les destructions de la deuxième guerre mondiale et l'intégration du prolétariat dans la communauté matérielle du capital il s'est même rajeuni.
Un autre aspect qui a été relevé (Controverses) c'est le fait que la lutte de classe est aussi la lutte de la bourgeoisie contre le prolétariat, une lutte à la fois constante et calculée comme la lutte idéologique et la répression (la justice de classe par exemple que dénonçait un jeune représentant de la CNT), mais encore l'évolution même de la structure économique et sociale avec les progrès de l'aliénation et de la réification et le perfectionnement des mécanismes d'exploitation propres à la domination réelle du capital sur le travail, ce qui suppose aussi la transformation d'une grande partie des classes petite-bourgeoises traditionnelles et de la paysannerie en nouvelles classes moyennes salariées chargées de compléter le dispositif d'encadrement de la classe ouvrière par les syndicats et les partis de gauche.
C'est ce qui a permis après la reconstruction qui s'achève aux alentours de 1955, avec son expansion planétaire au travers de la décolonisation au capitalisme de surmonter ses contradictions et d'éviter pendant une vingtaine d'année le retour des crises cycliques. Mais avec cette expansion c'est aussi le prolétariat qui a été produit, inégalement et à des niveau différents, dans toutes les aires de la planète.
Enfin la nouvelle sainte-alliance Russo-américaine est venue compléter le dispositif de blindage des Etats et sceller le tombeau du communisme.
En fait, avec le retour et l'approfondissement des crises de surproduction depuis 1975, la bourgeoisie de l'aire occidentale est forcée de remettre en cause ce qu'elle avait accordé moyennant l'intégration "définitive" du prolétariat dans la communauté nationale du capital. Dans les cycles précédents de la lutte des classes, entre les années 60 et 80 soit la crise n'était pas significative comme en 68, soit elle poussait la bourgeoisie à des restructurations sectorielles et à des attaques limitées comme après 1975. Après 1982 les attaques furent plus massives et plus organisées. Les prolétaires ont subi à partir de 1981 défaites sur défaites et le nombre de jour de grèves n'a cesser de diminuer jusque vers le milieu des années 90. Après 1991, la bourgeoisie a commencé à s'attaquer à l'ensemble des amortisseurs sociaux qu'elle avait mis en place après 1945: sécurité sociale, retraites, droit du travail, tout en généralisant la flexibilité et la précarisation du travail. C'est là selon nous, avec la généralisation planétaire et la simultanéité de la crise actuelle, que se situe la possibilité que le prolétariat se remette à lutter pour ses propres objectifs et que des groupes de prolétaires tendent à retrouver instinctivement le programme de la révolution communiste.
Concernant les tâches actuelles des révolutionnaires nous sommes évidemment en totale extériorité avec ceux qui rejettent ou veulent moderniser le marxisme (même sur un simple plan sémantique). L'activité principale demeure essentiellement théorique, mais si les révolutionnaires veulent se préparer à une telle éventualité et jouer leur rôle véritable dans la préparation à la reconstitution du parti de classe, ils doivent travailler à dépasser leurs divisions et à retrouver une théorie et un programme unitaires. Les efforts à venir des révolutionnaires devraient aller dans ce sens et non pas dans la création artificielle de partis sans la classe.
Il est aussi évident que le milieu révolutionnaire lui-même a pris un retard considérable dans tous les domaines, à commencer par la théorie. Mais comme l'a fait remarquer un autre intervenant, la théorie révolutionnaire ne peut pas véritablement progresser en dehors des domaines qui lui sont indispensables (nous conseillons à ce sujet la lecture ou relecture du texte de Rosa "Arrêts et progrès du marxisme") sans la constitution de la classe en parti, et celle-ci ne peut pas se produire sans que les prolétaires se mettent en lutte pour leurs propres intérêts de classe contre toutes les institutions visant à conserver le système, à commencer par les syndicats (comme l'a rappelé le représentants du CCI). C'est la raison pour laquelle Bordiga considérait les travaux théoriques du petit groupe de travail qui s'intitulait bien malheureusement Parti, comme des travaux seulement semi-élaborés, permettant aux militants d'aller de l'avant.
Défendre les fondements de la théorie marxiste et la développer dans tous les domaines indispensables à la lutte révolutionnaire du prolétariat tout en élaborant les nécessaires prévisions du cours de la lutte des classes, de la stratégie et de la tactique du prolétariat, ce sont les véritables tâches de l'heure en dehors de tout immédiatisme et de tout activisme sans principes.
Le plus grand danger à l'heure actuelle, réside dans les tendances qui existent dans le milieu révolutionnaire à vouloir créer une nouvelle internationale d'une manière tout à fait prématurée et artificielle renouvelant ainsi les erreurs de la social-démocratie, renforçant la division sectaire du milieu révolutionnaire et dressant de nouveaux obstacles à la véritable unité de classe.
La forme organisationnelle la plus adaptée à la défense du programme communiste (véritable contenu du parti historique) en l'absence d'un mouvement de constitution de la classe en parti formel et de persistance de la contre-révolution demeure le réseau ( à l'exemple du Parti Marx entre 1852 et 1863, ou encore entre 1875 et 1889).
1/ "Crise de l'humanité".
Toute crise, même partielle, est évidemment une crise qui touche l'humanité. Ce qui constituerait une dangereuse déviation pour la lutte révolutionnaire du prolétariat serait de se placer du point de vue d'une "humanité" abstraite et non plus d'un point de vue de classe. Les maux que l'humanité subit dans le capitalisme découlent avant tout du rapport d'exploitation que seul subit le prolétariat. Par contre les contradictions du capitalisme atteignent aussi les autres classes y compris la bourgeoisie qui incarne ce mode social de production . C'est le cas de l'aliénation marchande, de la pollution de la nature, des guerres impérialistes, de la falsification alimentaire, des aberrations de toutes sortes engendrées par ce système et son développement catastrophique. Mais de par leur situation dans ce même système et du fait qu'elles ne subissent pas directement l'exploitation mais au contraire en vivent, aucune autre classe que le prolétariat n'est en mesure de s'attaquer à la racine du problème. Au contraire elles participent activement à empêcher par tous les moyens le prolétariat de le faire. Les solutions qu'elles proposent visent désespérément à supprimer les conséquences inévitables du développement capitaliste mais pas le capitalisme lui-même. La bourgeoisie en fait surtout de nouveaux moyens et de nouvelles sphères pour la valorisation du capital, comme c'est le cas en ce qui concerne tout le secteur de la dépollution et les sphères en rapport avec l'écologie. Et surtout, en tant que classe dominante, elle met en ouvre tous les moyens en sa possession pour s'en prémunir autant que faire se peut, alors que le prolétariat endure le pire et connait des conditions d'exploitation toujours plus dures.
Il est essentiel de rappeler que Marx dans le Capital était arrivé à cette conclusion que le capital épuise les deux sources de la richesse: la terre et le travailleur. Lorsque la bourgeoisie qui incarne le capital réagit aux conséquences catastrophiques de son développement, au travers de son Etat ou d'associations philanthropiques, c'est toujours pour éviter de disparaître avec le travailleur et la nature. Et elle y trouve aussi toujours l'occasion de transformer cette intervention en un moyen nouveau d'extorquer un peu plus de plus-value au prolétariat (par exemple en limitant la durée du travail mais en augmentant sa productivité et son intensité).En prenant des mesures pour le climat (voir les scandales style climategate, etc.) elle surdéveloppe le nucléaire (dont les déchets et les fuites radioactifs sont de moins en moins recyclables!), remplace les cultures alimentaires par des biocarburants (aggravant les famines et la crise alimentaire ,favorisant la spéculation sur la faim), elle fait pression à la baisse sur le prix du pétrole et fait remonter son taux de profit etc. Ce faisant elle se renforce et poussée par ses intérêts de classe reproduit inexorablement à une échelle supérieure la même tendance catastrophique. C'est aussi le sens véritable de la notion à la mode de développement durable: du capitalisme! Car la bourgeoisie cherche ainsi à pérenniser sa domination de classe. L'écologie, comme le féminisme, devient de surcroit un excellent moyen pour enrayer toute autonomisation et unification de classe en entraînant des catégories de prolétaires dans de vaines luttes interclassistes.
Dans l'action du capital sur la nature il ne faut pas oublier non plus l'existence de la propriété foncière qu'il n'a pas dépassée mais en quelque sorte intégré à son mode de production, propriété qui permet à une classe de s'approprier une partie de la plus-value sous la forme de la rente foncière, et participe à affamer plus d'un sixième de l'humanité tout en spéculant sur la construction.
L'impérialisme capitaliste s'appuie aussi sur la protection de l'environnement pour chercher à bloquer l'émergence de puissances nouvelles (Brésil, Chine etc.).
Toutefois, chaque progrès dans le développement des forces productives par le capital génère de nouvelles nuisances et ainsi de suite. Et les lois du MPC l'empêchent forcément d'avoir une approche scientifique qui réponde à des besoins humains.
Seule l'abolition du rapport social capitaliste par les producteurs associés dans une communauté humaine sans argent et sans valeur d'échange pourra permettre à l'humanité de sortir de ce cauchemar et de régénérer la nature (par conséquent de se régénérer elle-même). Ce qui ne signifie pas que les obstacles posés à cette régénération par des siècles de capitalisme et de sociétés de classe (il existait aussi une pollution au moyen-âge en occident) seront faciles et rapides à surmonter. Mais le prolétariat ne doit pas tomber dans le piège d'un front commun avec les forces bourgeoises et petites-bourgeoises avec leurs discours idéologiques sur la crise environnementale et le développement durable. Il s'agit là d'un des multiples pièges tendus aux prolétaires. Cette manière de poser les problèmes et de prétendre les résoudre est typique des nouvelles classes moyennes salariées qui infestent la société bourgeoise et tend à dévoyer la lutte du prolétariat.
S'il fallait parler de crise de l'humanité, celle-ci remonterait pour nous à 1848: car le communisme est devenu une réalité objective et depuis lors les entraves à son épanouissement par les rapports de production capitalistes précipitent l'humanité dans une catastrophe rythmée par les phases de contraction et d'expansion du MPC. Mais une crise n'est que l'extériorisation d'une contradiction, et celle-ci n'est pas un fait permanent, elle éclate sporadiquement et soit la contradiction est résolue (ici la dictature du prolétariat et le communisme) soit elle est seulement englobée et momentanément surmontée, comme dans les phases de reprise de l'expansion et de la croissance économique du capitalisme. En outre chaque cycle pousse au développement de la contradiction sur une nouvelle base et à un niveau plus élevé. De ce fait chaque crise éclate pour les mêmes raisons fondamentales, mais dans un contexte différent, en grande partie déterminé par les cycles de lutte entre les classes et leur issue.
2/ "Crise du capitalisme"
Le fait de parler de crise du capitalisme induit un certain nombre d'idées totalement erronées.
Si on peut parler de crise économique, crise financière, crise de surproduction etc. il n'est pas du tout évident que la crise actuelle soit une crise du capitalisme au sens où il s'agirait d'un phénomène irréversible et insurmontable, comme la décadence du capitalisme, sa décomposition, son effondrement et l'on ne sait quoi d'autre encore. Il est vrai que la plupart des courants du milieu révolutionnaire abondent dans ce sens et que leurs analyses, même quand il s'agit de scissions des groupes historiques qui ont forgé cette vision, perpétuent l'idée que la crise est permanente.
Une telle conception et les analyses qui en découlent sont en parfaite contradiction avec les faits et l'évolution historique réelle.
La crise est le produit des contradictions du capitalisme et celles-ci ne s'extériorisent que périodiquement. Leur extériorisation est en même temps leur résolution momentanée. Mais tant que les forces productives n'ont pas fait voler en éclat les rapports capitalistes de production, c'est-à-dire tant que le prolétariat et les moyens qu'il met en oeuvre ne se réorganisent pas en dehors de ces rapports qui s'avèrent dans les crises mêmes trop étroits pour leur développement, alors le capitalisme se reproduit à un niveau supérieur après avoir détruit une masse encombrante de ces mêmes forces. Et ceci se produit régulièrement depuis 1825!
On ne peut ici développer plus en avant la conception marxiste des crises. Il suffira de rappeler que dans cette conception la contradiction principale est la contradiction entre la valorisation et la dévalorisation du capital et que celle-ci n'est que l'expression économique dans les conditions de production capitalistes de la contradiction sociale qui oppose le prolétariat et la bourgeoisie.
Néanmoins la crise économique cyclique qui secoue la planète depuis Juillet 2007 apparait à la lumière de la théorie marxiste des crises comme une crise classique de surproduction.
Marx relevait le fait que la plupart des crises de surproduction débutaient par une crise financière avant de gagner la production. Ensuite se révèlent les faillites d'entreprise, le chômage massif et la paupérisation accrue de masses toujours plus larges de la population prolétarisée.
Le caractère cyclique de la crise se confirme et avec lui sa durée approximative de 8 à 11 ans ( les récessions qui interviennent chaque 5 à 6 ans ne sont que des crises intermédiaires de plus ou moins grande ampleur, plutôt moins que plus d'ailleurs, tant que les crises pouvaient être sinon évitées tout au moins minimisées pendant les Trente glorieuses).
L'existence des blocs, et les oppositions au sein même des deux blocs issus de la 2ème guerre mondiale, avaient scindé le marché mondial en zones plus ou moins étanches, ce qui donnait aussi des décalages dans le temps et dans l'espace lors de l'éclatement des crises. Mais l'expansion inhérente au capitalisme a fini par faire voler en éclat ces barrières, à commencer par le mur de Berlin, comme l'avait prévu Bordiga. Et les crises commencent à être véritablement simultanées à l'échelle mondiale, comme l'est la crise actuelle.
Il est donc parfaitement vain et néfaste de vouloir recourir à un bricolage théorique alors que la théorie marxiste permet de comprendre et même de prévoir le retour des crises.
La crise avons-nous dit est généralement précédée d'une crise financière. C'est sous la forme argent que le capital en tant que valeur d'échange autonomisée peut se conserver ou s'investir. C'est sous cette forme qu'il apparaît comme point de départ de son procès de valorisation. Et c'est aussi en premier lieu sous cette forme que se manifeste la dévalorisation du capital, avant d'atteindre directement le coeur du capitalisme, la production. Et c'est encore à partir de cette forme que le crédit et la spéculation peuvent s'épanouir et préparer de nouvelles crises de surproductions. Mais c'est dans le procès de production que se crée la valeur et surtout la survaleur qui caractérise le capital et son procès. C'est en tant que valeur qui se valorise que la valeur peut se transformer en capital. La valorisation du capital dans son procès de production se heurte à des limites que le capital ne peut dépasser sans dévaloriser en même tant tout le capital accumulé, sans se dévaloriser, y compris sous sa forme monétaire et de capital fictif. Il n'y a pas d'un côté une économie fictive et de l'autre une économie réelle (comme le répètent comme des perroquets la plupart des journalistes) mais une seule et même économie capitaliste qui produit et reproduit du capital sous toutes ses formes, y compris celle du capital fictif comme élément inhérent à sa propre nature de valeur d'échange autonomisée. Le crédit et la spéculation sont inséparables du capital.
En outre Marx disait que le capital se constitue véritablement en une totalité avec le marché monétaire (où se négocient tous les titres et toutes les valeurs en dehors des marchandises proprement dites). La crise financière qui a frappé le marché monétaire est par conséquent une véritable crise de la totalité du capital. La crise de 1990 fut précédée du krach boursier de 1987. Suivi d'une reprise et d'une croissance de la production . Mais elle avait été précédée elle-même d'une récession de faible ampleur, en 1986. On retrouve encore ce phénomène sur le cycle suivant, avec le krach boursier en Asie en 1997/98. Avec la crise financière de 2007 on débouche beaucoup plus rapidement sur la crise de surproduction. Il n'y a aucun répit après 2007/2008 et la crise, malgré les interventions massives et musclées des Etats et des institutions financières internationales, continue à faire des ravages.
Si l'on veut se risquer à quelque prévision sur ce terrain, on peut dire que le remède utilisé par la bourgeoisie mondiale pour sortir de la crise sera pire que le mal et 2010 risque fort d'être une année de faillites en série de petits Etats, et d'une fuite en avant du chef d'orchestre de cette classe parasitaire, les USA dans un nouveau conflit, dont l'Iran sera certainement le terrain. L'aggravation de la crise à chaque cycle a toujours poussé l'impérialisme dominant dans des tensions accrues et des conflits militaires qui lui ont permis de maintenir son hégémonie sur le marché mondial et de compenser une partie de ses pertes dues à la crise par des pillages des richesses des terrains conquis. Etant donné que la crise de surproduction a été masquée et aggravée par un développement sans précédent de la spéculation avant qu'elle n'éclate, les Etats ont du racheter les créances pourries qui menaçaient leur système financier international. A présent ce sont des Etats qui sont en faillite. Soit les Etats les plus solides viennent en aide aux plus faibles et ils s'affaibliront eux-mêmes en reprenant à leur compte leur dette, soit ils les laissent sombrer et prennent alors le risque de voir resurgir des émeutes prolétariennes à leur porte (Irlande, Grèce, Portugal, voire Espagne) et risquer une contagion. Ils risquent aussi de les voir se lancer dans des aventures guerrières comme le fit l'Irak au Koweit. On peut imaginer un regain de tension entre la Grèce et la Turquie, un retour des conflits balkaniques etc.
Enfin, et c'est un point d'une extrême importance, la pression va s'accroître sur le prolétariat auquel la bourgeoisie de tous les pays va chercher à extorquer une survaleur accrue, et dans l'aire occidentale en s'attaquant aux dispositifs fondamentaux qui lui ont assuré depuis la fin de la deuxième guerre mondiale une relative paix sociale et un renforcement colossal de sa puissance. Même les nouvelles classes moyennes salariées ne pourront être épargnées.
Quoiqu'il en soit du déroulement à venir de la crise en cours, celle-ci s'est avérée véritablement catastrophique de tous les points de vue. Et les problèmes monétaires devraient perdurer et aggraver l'ensemble des tensions internationales et exacerber la lutte des classes, même dans le cadre de la reprise d'un cycle d'expansion.
La prochaine crise cyclique de surproduction devrait alors éclater aux alentours de 2016/18 mais dans des conditions où des géants comme la Chine et l'Inde ne seront peut-être plus épargnés, tout comme le bloc de l'Est fut finalement atteint lors de la crise de 1980/82, puis de manière fatale en 1989. Les conséquences d'une telle crise seraient sans précédent historique et constitueraient certainement un tournant dans la lutte des classes et la lutte entre puissances impérialistes (notamment entre les USA et la Chine axe principal d'un possible conflit mondial).
3/"Crise du mouvement ouvrier".
Là aussi la formule ne nous paraît pas correcte. Nous rejoignons les intervenants (M.O et Controverses) qui ont fait remarquer que le prolétariat avait été battu et qu'il devait tout reprendre à 0 en quelque sorte. Qu'il avait perdu ses traditions, oubliés ses expériences et les leçons de ces expériences. Nous ne pouvons pas dans ce cadre analyser les causes de l'échec du prolétariat dans les années 20. Mais il faut avoir en tête qu'à deux reprises en l'espace d'une dizaine d'années il s'est fait arracher son organisation politique internationale qui est doublement devenue une arme redoutable aux mains de la bourgeoisie. Il en a été de même avec ses organisations de lutte économique, les syndicats,les bourses du travail et autres coopératives ou caisses de solidarité. La contre-révolution a parachevé une tendance en intégrant les syndicats et les partis
ouvriers réformistes dans la communauté du capital sur la base de constitutions démocratique (fascisme et stalinisme détruisant physiquement les organes résistant à cette tendance). On ne peut donc plus parler à cet égard de mouvement ouvrier.
Ainsi le capitalisme s'est énormément renforcé, et après les destructions de la deuxième guerre mondiale et l'intégration du prolétariat dans la communauté matérielle du capital il s'est même rajeuni.
Un autre aspect qui a été relevé (Controverses) c'est le fait que la lutte de classe est aussi la lutte de la bourgeoisie contre le prolétariat, une lutte à la fois constante et calculée comme la lutte idéologique et la répression (la justice de classe par exemple que dénonçait un jeune représentant de la CNT), mais encore l'évolution même de la structure économique et sociale avec les progrès de l'aliénation et de la réification et le perfectionnement des mécanismes d'exploitation propres à la domination réelle du capital sur le travail, ce qui suppose aussi la transformation d'une grande partie des classes petite-bourgeoises traditionnelles et de la paysannerie en nouvelles classes moyennes salariées chargées de compléter le dispositif d'encadrement de la classe ouvrière par les syndicats et les partis de gauche.
C'est ce qui a permis après la reconstruction qui s'achève aux alentours de 1955, avec son expansion planétaire au travers de la décolonisation au capitalisme de surmonter ses contradictions et d'éviter pendant une vingtaine d'année le retour des crises cycliques. Mais avec cette expansion c'est aussi le prolétariat qui a été produit, inégalement et à des niveau différents, dans toutes les aires de la planète.
Enfin la nouvelle sainte-alliance Russo-américaine est venue compléter le dispositif de blindage des Etats et sceller le tombeau du communisme.
En fait, avec le retour et l'approfondissement des crises de surproduction depuis 1975, la bourgeoisie de l'aire occidentale est forcée de remettre en cause ce qu'elle avait accordé moyennant l'intégration "définitive" du prolétariat dans la communauté nationale du capital. Dans les cycles précédents de la lutte des classes, entre les années 60 et 80 soit la crise n'était pas significative comme en 68, soit elle poussait la bourgeoisie à des restructurations sectorielles et à des attaques limitées comme après 1975. Après 1982 les attaques furent plus massives et plus organisées. Les prolétaires ont subi à partir de 1981 défaites sur défaites et le nombre de jour de grèves n'a cesser de diminuer jusque vers le milieu des années 90. Après 1991, la bourgeoisie a commencé à s'attaquer à l'ensemble des amortisseurs sociaux qu'elle avait mis en place après 1945: sécurité sociale, retraites, droit du travail, tout en généralisant la flexibilité et la précarisation du travail. C'est là selon nous, avec la généralisation planétaire et la simultanéité de la crise actuelle, que se situe la possibilité que le prolétariat se remette à lutter pour ses propres objectifs et que des groupes de prolétaires tendent à retrouver instinctivement le programme de la révolution communiste.
Concernant les tâches actuelles des révolutionnaires nous sommes évidemment en totale extériorité avec ceux qui rejettent ou veulent moderniser le marxisme (même sur un simple plan sémantique). L'activité principale demeure essentiellement théorique, mais si les révolutionnaires veulent se préparer à une telle éventualité et jouer leur rôle véritable dans la préparation à la reconstitution du parti de classe, ils doivent travailler à dépasser leurs divisions et à retrouver une théorie et un programme unitaires. Les efforts à venir des révolutionnaires devraient aller dans ce sens et non pas dans la création artificielle de partis sans la classe.
Il est aussi évident que le milieu révolutionnaire lui-même a pris un retard considérable dans tous les domaines, à commencer par la théorie. Mais comme l'a fait remarquer un autre intervenant, la théorie révolutionnaire ne peut pas véritablement progresser en dehors des domaines qui lui sont indispensables (nous conseillons à ce sujet la lecture ou relecture du texte de Rosa "Arrêts et progrès du marxisme") sans la constitution de la classe en parti, et celle-ci ne peut pas se produire sans que les prolétaires se mettent en lutte pour leurs propres intérêts de classe contre toutes les institutions visant à conserver le système, à commencer par les syndicats (comme l'a rappelé le représentants du CCI). C'est la raison pour laquelle Bordiga considérait les travaux théoriques du petit groupe de travail qui s'intitulait bien malheureusement Parti, comme des travaux seulement semi-élaborés, permettant aux militants d'aller de l'avant.
Défendre les fondements de la théorie marxiste et la développer dans tous les domaines indispensables à la lutte révolutionnaire du prolétariat tout en élaborant les nécessaires prévisions du cours de la lutte des classes, de la stratégie et de la tactique du prolétariat, ce sont les véritables tâches de l'heure en dehors de tout immédiatisme et de tout activisme sans principes.
Le plus grand danger à l'heure actuelle, réside dans les tendances qui existent dans le milieu révolutionnaire à vouloir créer une nouvelle internationale d'une manière tout à fait prématurée et artificielle renouvelant ainsi les erreurs de la social-démocratie, renforçant la division sectaire du milieu révolutionnaire et dressant de nouveaux obstacles à la véritable unité de classe.
La forme organisationnelle la plus adaptée à la défense du programme communiste (véritable contenu du parti historique) en l'absence d'un mouvement de constitution de la classe en parti formel et de persistance de la contre-révolution demeure le réseau ( à l'exemple du Parti Marx entre 1852 et 1863, ou encore entre 1875 et 1889).
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