LE MARXISME ENCYCLOPEDIQUE (ce texte commencé en 2017 devrait être continué et servir d'introduction à un travail plus ample commencé lui depuis fort longtemps sur les rapports entre le marxisme et la philosophie)
1/ UN MODESTE PROJET
Dans le texte qui s’intitule « Le matérialisme historique et dialectique » (Controverses n°1) l’auteur, C.Mcl, se propose de commencer un travail extrêmement modeste, à savoir :
« faire œuvre de réappropriation théorique des véritables fondements du marxisme et (…) reprendre le cours de son approfondissement mis entre parenthèses depuis la contrerévolution stalinienne, et ce, dans tous les domaines de la connaissance. » (c’est nous qui soulignons) (p.30)
Il reprend en cela les objectifs indiqués dans l’éditorial qui cite en l’interprétant à sa guise un passage de Bilan. En effet la citation de Bilan rapportée en bas de page dit :
« Octobre 1917 a été possible parce qu’ en Russie existait un parti préparé de longue date, qui avait, au cours d’une série ininterrompue de luttes politiques examiné toutes les questions qui se posèrent au prolétariat russe et mondial après la défaite de 1905. C’est de cette défaite que surgirent les cadres capables de diriger les batailles de 1917. Ces cadres se sont formés au feu d’une critique intense qui visait à rétablir les notions du marxisme dans tous les domaines de la connaissance, de l’économie, de la tactique, de l’organisation: aucun dogme n’arrêta l’œuvre des bolcheviks et c’est justement pour cela qu’ils ont réussi dans leur mission. » (Controverses n°1 p.6)
Nous ne jugerons pas ici de la validité des affirmations de Bilan mais force est de constater que Controverses en modifie le sens. Alors que Bilan parle du Parti Bolchevik et de ses expériences révolutionnaires Controverses confond avec Bilan qui n’a malgré tout pas la même ambition que Controverses et qui montre le Parti Bolchevik et son œuvre de restauration du marxisme comme un exemple que seul un nouveau parti pourrait égaler et sans lequel aucune révolution prolétarienne ne peut triompher. Se comparer à la Fraction constitue déjà une preuve de modestie remarquable, mais aux Bolchéviks… En effet, Controverses dit ceci:
« C’est pour contribuer à déblayer la voie vers la clarification et le
regroupement sur des bases théoriques, politiques et organisationnelles saines que Controverses a vu le jour. En d’autres termes, tout en tenant compte du changement de période qui n’est plus au reflux mais à la reprise historique des combats de classes, notre objectif essentiel est de reprendre ce qui était le souci de Bilan mais qu’il n’a pu mener complètement à bien compte tenu des conditions d’alors : ‘’une critique intense qui visait à rétablir les notions du marxisme dans tous les domaines de la connaissance’’ » (Controverses n°1 p.6)
Ainsi de glissement en glissement on fait dire à Bilan de lui-même ce que Bilan dit des Bolchéviks… Et l’on prétend réaliser ce que Bilan n’a pu faire car les conditions auraient changé favorablement. Peut-on comparer la période historique qui va du début du 20° à la révolution russe de 1917 et à la vague révolutionnaire mondiale que celle-ci à inauguré à la période actuelle? Peut-on comparer sérieusement le milieu révolutionnaire actuel avec les organisations révolutionnaires comme les bolchéviks, les spartakistes et les abstentionnistes italiens? Peut-on comparer Controverses avec les Bolchéviks?! Certainement pas, exception faite de Controverses!
Toutefois, le doute nous saisit…
1° différence: les bolchéviks sont un parti, alors que Controverses ne représente même pas une organisation, puisqu’elle se définit en fonction du projet déjà cité comme « un lieu de débat, un Forum, au sens d’un espace ouvert à tous ceux qui s’inscrivent dans une telle perspective ». Autrement dit tout sauf un parti.
2°différence: les militants de ce parti possédaient une expérience déjà longue de lutte révolutionnaire dans des conditions particulièrement dures (la dictature tsariste). Est-ce le cas des militants de Controverses? Sérieusement, nous ne le pensons pas.
3°différence: les bolchéviks avaient déjà opéré une restauration du marxisme (nous ne prétendons pas étudier ici la question de savoir dans quelle mesure cette restauration fut achevée et complète, ou même véritablement conforme au marxisme authentique sur tous les points) contre les déformations de la social-démocratie, alors que Controverses en est au stade du projet avec le N°1 de sa revue.
4°différence: les bolchéviks ont traversé la révolution de 1905 et la contre-révolution qui s’en est suivie, ils ont enfin triomphé en Octobre 1917 et dirigé la première dictature du prolétariat depuis la commune de
Paris, et malheureusement pour nous la dernière. Ils ont impulsé la création de l’IC, etc. Et Controverses?
5° différence: les bolchéviks avaient une influence réelle sur une partie de la classe ouvrière, même si jusqu’en 1917 il ne s’agissait encore que d’une minorité. L’influence de Controverses semble beaucoup mieux convenir au milieu universitaire. A moins que ce ne soit Controverses qui soit influencé par lui.
Mais Controverses nous annonce sans avoir au préalable fourni quelque argument que ce soit, quelque exemple même, que la période n’est plus au repli mais à la reprise des combats de classe. Or nous pensons que depuis plusieurs décennies il s’agit du contraire. Nous avons souvent entendu cette chansonnette dans le milieu révolutionnaire qui prend souvent ses désirs pour des réalités. Eussent-ils raison, qu’il faudra encore vérifier si ces marxistes, avant de prétendre à « l’approfondissement du marxisme dans tous les domaine de la connaissance » , ont compris le B-A BA du marxisme. Et c’est ici notre seul objectif.
Si nous revenons sur la citation de la page 6 rapportée ci-dessus nous nous rendons également compte que la citation de Bilan est tronquée car elle est extraite d’une phrase de telle manière qu’elle prend un autre sens.
En effet la citation de Bilan dit:
« Ces cadres se sont formés au feu d’une critique intense qui visait à rétablir les notions du marxisme dans tous les domaines de la connaissance, de l’économie, de la tactique, de l’organisation (…) »
Il s’agit donc d’une énumération de différents domaines, dont celui de la connaissance; alors que sous la plume de nos « marxistes» universitaires cela devient, « tous les domaines de la connaissance » ! Ce qui n’est pas du tout la même chose, surtout si l’on se réfère à l’œuvre de Lénine qui traite de la théorie de la connaissance, un aspect déterminé de la philosophie, dont l’objet concernait la critique d’un courant au sein du parti bolchévik qui défendait une conception idéaliste de la connaissance, parfaitement en contradiction avec les présupposés du matérialisme historique. Controverses semble confondre marxisme et scientisme!
Pour Controverses:
« L’Œuvre d’approfondissement permanent du matérialisme historique tel qu’il existait dans le dernier tiers du XIX° siècle jusqu’en 1923 a brusquement pris fin. »
Pourquoi 1923? Nous n’en savons rien. Controverses considère que:
« De tels approfondissements fondamentaux des bases théoriques du marxisme dans toutes ses dimensions ont quasiment disparu du champ du marxisme révolutionnaire et en particulier , de la Gauche Communiste. En effet, les conditions de son époque (1923/1968) et ses faibles forces ne lui ont pas permis d’aller au-delà d’un bilan politique de l’échec de cette première vague révolutionnaire. C’était la priorité de l’heure. Durant près d’un demi siècle , ces groupes et minorités n’ont guère eu l’occasion de traiter et d’approfondir les fondements du marxisme et d’y intégrer les évolutions des sciences et de la société. Certes il existe bien quelques exceptions à ce tableau, mais elles se comptent sur les doigts d’une main d’un manchot. » (Controverses n°1 p.4)
Nous ne savons pas qui est le manchot dans cette histoire, mais quand à nous, les bras nous en tombent:
« approfondir les fondements du marxisme »!
Quel sournois sous-entendu d’une supposée faiblesse de ces mêmes fondements et qui, somme toute, ne diffère guère des prétentions à l’enrichissement, la mise à jour et autre calembredaines révisionnistes. Le révisionnisme Bernsteinien possédait au moins l’avantage de la franchise.
Nous apprenons ici de Controverses qu’il a existé un marxisme révolutionnaire en dehors de la gauche communiste entre 1923 et 1968, certainement celui de la IV° internationale trotskiste… ou bien du conseillisme à la Mattick. Mais encore que cette gauche communiste était si faible qu’elle ne pouvait aller au-delà d’un « bilan politique de l’échec ». Peut-être… mais Controverses n’est pas encore parvenue à établir ce bilan.
Nous apprenons en outre qu’elle n’avait pas « l’occasion de traiter et d’approfondir les fondements du marxisme et d’y intégrer l’évolution des sciences et de la société »! Peut-être… mais Controverses ne fait, comme nous le verrons, que réviser ces fondements et intégrer, non pas l’évolution des sciences dans ces fondements révisés, mais leur
décadence bourgeoise pitoyable. Quand à l’évolution de la société, Controverses n’en perçoit que les apparences les plus trompeuses.
Si nous lisons bien ce que dit ici Controverses, il s’agirait d’approfondir les bases du marxisme. Par conséquent il faut en conclure que ces bases ne sont pas assez solides, et qu’il s’agit de les consolider en les approfondissant. Les bases du marxisme ne sont donc pas assez solides pour Controverses qui a la noble tâche de les approfondir… en les révisant!
On apprend aussi au passage que la vague révolutionnaire qui déferle à partir de 1917 est « la première vague révolutionnaire », découverte certainement due à un résultat de l’évolution des sciences et de la société…
Toujours selon cette citation Controverses nous donne une étrange périodisation relative à une époque qui semble pour cette revue coïncider avec l’existence historique de la Gauche, et qui d’une manière fort aléatoire recouperait celle de la contre-révolution… Il semblerait donc que pour Controverses la contre-révolution non seulement débute en 1923 (?), mais surtout se termine en 1968!
Par conséquent, pour Controverses la gauche communiste n’a pas restauré le marxisme contre la social-démocratie et le stalinisme et n’a pas fourni de travaux d’approfondissement du marxisme ( et non pas de ses bases) durant près de 9 décennies. Le prolétariat attendait un héros pour cette tâche, et il l’a trouvé. Car nul avant Controverses ne pouvait y parvenir! Décidemment il est particulièrement difficile de se débarrasser des « Dühring » quelle que soit l’époque.
2/ LA REAPPROPRIATION OU L’ART DE TOUT EMBROUILLER
Revenons à C.Mcl et à son modeste travail.
L’ennemi principal est d’emblé identifié: le stalinisme. Ce dernier hante notre auteur et il en trouve trace partout. Harnaché comme Don Quichotte il est prêt à s’élancer farouchement contre ce moulin.
Nous nous limiterons quand à nous à essayer d’y voir clair dans la docte « présentation » que donne l’auteur des véritables « concepts
premiers » du marxisme pour les comparer avec les positions de Marx/Engels, et à quelques remarques incidentes dans les domaines de l’histoire, de la philosophie, et parfois de l’économie, car nous avouons ne pas être en mesure de le suivre dans tous les domaines de la connaissance.
Mais pour pouvoir comparer cette présentation avec les positions de Marx/Engels il faudra dans un premier temps l’extraire d’un milieu littéraire particulièrement visqueux.
Son texte s’intitule:
« LE MATERIALISME HISTORIQUE ET DIALECTIQUE »
Il s’agit là encore d’une chose bien étrange pour quelqu’un qui a pour objectif de « faire œuvre de réappropriation théorique des véritables fondements du marxisme » contre les falsifications staliniennes que la ressemblance de ce titre avec celui d’un ouvrage bien connu de … Staline! (« Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique »).
Rappelons au passage que la notion de matérialisme dialectique provient de Plékhanov et qu’elle fut reprise par Lénine, puis Staline avec, chez ce dernier, un tout autre sens que chez Plékhanov lui-même à son corps défendant.
Si déjà la notion de matérialisme dialectique prête à confusion car elle peut être appliquée à toutes sortes de « philosophies », en particulier de l’antiquité grecque ou latine, le fait de parler d’un matérialisme historique « et » dialectique en rajoute une couche… adialectique.
Au-delà du titre lui-même si peu dialectique que nous apprend, à nous, pauvres ignares qui rabâchons beaucoup et développons peu, le texte de C.Mcl?
La principale affirmation de C.Mcl est la suivante:
« l’homme est un animal social », « les hommes nouent entre eux des rapports sociaux », et pour lui ceci est déterminant.
Que l’homme soit un animal social ne fait aucun doute, mais qu’il existe une quantité considérable d’autres espèces animales également sociales, cela ne fait aucun doute non plus et n’importe quel individu de n’importe quel âge le sait sans avoir recours à la science, au marxisme ou
aux textes de C.Mcl. Mais que cela soit déterminant, il faut encore le démontrer!
« Pour Marx les sociétés humaines sont donc pétries de rapports sociaux, c’est-à-dire de rapports que les hommes nouent entre eux dans leur vie sociale (…) » (Controverses n°1 p.30)
Nous apprenons donc du docte C.Mcl que selon Marx les sociétés humaines sont constituées de rapports sociaux… Cela ne nous éclaire guère sur le matérialisme historique et il nous paraît douteux que Marx ait pu avancer de telles tautologies. Mais la suite de la phrase apporte des précisions tout à fait édifiantes sur l’entreprise de réappropriation théorique du marxisme par C.Mcl et Controverses. Ces rapports sociaux qui constituent les sociétés humaines sont des rapports que les hommes nouent entre eux dans leur vie sociale… Il semble évidemment difficile de nouer des rapports sociaux en dehors de la vie sociale.
« c’est la manière de voir ces rapports sociaux que Marx présentera au prolétariat comme l’apport fondamental de sa méthode » (idem p.30)
Par conséquent le propre du marxisme ne consiste pas à affirmer que la société humaine est faite de rapports sociaux, pure tautologie, mais réside dans la manière de voir ces mêmes rapports sociaux.
C’est justement cette manière de voir qu’il convient de définir. Pour comprendre l’histoire des société humaines il faut comprendre non seulement ce qui caractérise mais encore ce qui détermine les rapports sociaux humains.
C.Mcl cite la définition que donne Marx de la nature humaine dans la VI° thèses sur Feuerbach, à savoir qu’elle est l’ensemble des rapports sociaux. Mais là encore on n’est pas arrivé à l’exposition de ce qui caractérise la manière marxiste de voir ces rapports sociaux qui constitue
« l’apport fondamental » de la méthode de Marx. Il s’agit simplement de la critique marxiste du point de vue philosophique qui était celui de Feuerbach, point de vue par ailleurs philosophiquement matérialiste, mais c’est une autre histoire qui nous entraînerait trop loin dans un certain domaine de la connaissance que nous n’avons pas l’intention de vouloir développer ici.
« Dès lors que la nature humaine est un produit social, elle se construit et évolue avec l’histoire des sociétés, elle ne préexiste pas à l’homme, elle résulte de sa propre activité dans le cadre des rapports
sociaux que les hommes ont noué entre eux. C’est ce que Marx et Engels expliqueront dans l’Idéologie allemande » (Controverses n°1 p.30)
Dans ce passage nous apprenons que « la nature humaine ne préexiste pas à l’homme ». Autrement dit qu’elle n’existe pas avant l’homme, ou que l’humain n’existe pas avant l’homme, ou encore l’homme avant l’homme.
Ayant fait ce bond en avant dans la réappropriation du marxisme nous pouvons essayer d’y voir plus clair et de répondre à la question de la détermination des rapports sociaux.
C.Mcl nous dit que la nature humaine se construit avec l’histoire des sociétés, mais il ne nous dit pas ce qui détermine l’histoire des sociétés?
Il nous dit par contre que la nature humaine résulte de l’activité de l’homme « dans le cadre des rapports sociaux que les hommes nouent entre eux ».
Cette formule lui plaît bien décidemment, et nous pensons que son exposition est effectivement noueuse. Il faut par conséquent en dénouer les principales affirmations. Ensuite nous pourrons aller voir si c’est de cela qu’il s’agit, et nous nous permettons d’en douter, dans l’explication que donnent Marx et Engels dans l’Idéologie allemande.
Reprenons les fils noués de son raisonnement: la nature humaine est l’ensemble des rapports sociaux et la nature humaine résulte de l’activité humaine dans les rapports sociaux . Autrement dit la nature humaine est à la fois identique aux rapports sociaux et produit de l’activité humaine dans les rapports sociaux. Nous n’avons toujours pas progressé d’un fil dans la détermination des rapports sociaux, ni dans celle de l’histoire des sociétés humaines. Sinon qu’un nouvel élément s’est subrepticement glissé dans le raisonnement: l’activité humaine. Si la nature humaine est l’ensemble des rapports sociaux et qu’elle est le produit de l’activité humaine, alors on doit en conclure logiquement que les rapports sociaux sont les produits de l’activité humaine et non l’inverse. Or C.Mcl cherche justement à démontrer le contraire, comme nous le verrons plus loin, mais s’enfonce dans des contradictions insolubles au fur et à mesure que les nœuds de son raisonnement se resserrent et, comme nous le verrons également plus loin, en arrive à considérer qu’on ne peut échapper à la contradiction et effectivement il
n’y parvient pas. En cela il fait figure de bon disciple de Proudhon en ce qui concerne la compréhension de la dialectique1.
En quoi consiste essentiellement l’activité humaine c’est bien la question centrale à laquelle nous cherchons vainement la réponse dans le texte de C.Mcl.
Il part ensuite en guerre contre les conceptions idéalistes de l’histoire des sociétés humaines en citant abondamment Marx et Engels, tour à tour les manuscrits de 1844, les thèses sur Feuerbach, l’Idéologie allemande, etc. Et il nous gratifie de tirades d’une obscure clarté du genre de :
« En situant l’essence humaine dans l’ensemble des rapports sociaux que les hommes nouent entre eux dans leurs activités sociales de production de leur existence Marx et Engels sont aux antipodes des théories idéalistes » (Controverses n°1 p. 31)
Or la critique opérée par Marx dans les thèses où il expose cela s’adresse justement à Feuerbach, autrement dit au représentant par excellence du matérialisme philosophique en Allemagne de l’époque. Décidément C.Mcl aime à marcher sur la tête!
Et encore
« Cet énoncé central postulant que la conscience, les productions intellectuelles et l’intelligence rationnelle des hommes sont avant tout un produit de leurs activités dans le cadre des relations sociales qu’ils ont nouées entre eux à un stade donné de la société et de ses forces productives, c’est ce que Marx et Engels avaient déjà énergiquement démontré dans l’Idéologie allemande » ( Controverses n°1 p.31)
Maintenant dénouons et nous verrons par la suite si cela se trouve dans l’Idéologie allemande.
« la conscience, les productions intellectuelles et l’intelligence rationnelle des hommes »
C’est à la fois peu et beaucoup!
Intelligence rationnelle: on doit supposer qu’il existe une intelligence irrationnelle, c’est-à-dire qui ne procède pas d’un
1Voir « Misère de la philosophie » de Karl Marx, mais également la lettre de Marx à Annenkov
raisonnement… Et auquel cas si une telle intelligence existait ne serait- elle pas également un produit de l’activité humaine?
Mais ces productions intellectuelles que C.Mcl appelle justement productions, ne sont-elles pas également et nécessairement des produits de l’activité humaine? Mais alors qu’est-ce qui les distingue des autres productions et des autres produits de l’activité humaine?
Mais C.Mcl précise qu’il s’agit « avant tout » de produits de l’activité humaine. Les autres produits ne seraient-ils pas aussi, à commencer par les productions manuelles des produits « avant tout » de l’activité humaine ?
Il est vrai qu’il précise encore une fois que cette activité opère
« dans le cadre des relations sociales qu’ils ont nouées entre eux », c’est- dire pour faire moins noueux, dans le cadre de rapports sociaux déterminés. Ce qui, nous l’avons vu, ne nous renseigne en rien du tout sur la nature de ces rapports sociaux et encore moins sur celle des activités humaines, et constitue une énième redite parfaitement superfétatoire.
Toutefois on doit tenir compte du fait qu’une détermination nouvelle est venue enrichir la noueuse redondance sur les rapports sociaux. Ceux-ci se sont « noués » à « un stade donné de la société et de ses forces productives ».
Nous ne pouvons évidemment pas savoir ce qui est déterminant du stade donné de la société ou de ses forces productives, car C.Mcl use de préférence de la conjonction de coordination qui met dans la même position le stade donné de la société et le stade donné de ses forces productives. A moins qu’il n’y ait identité, que le stade donné de la société soit celui de ses forces productives. Auquel cas il aurait été préférable de parler tout simplement du stade donné de développement des forces productives de la société. Mais cela ne lui plaît pas et surtout il cherche constamment à prouver le contraire.
La cerise sur le gâteau, particulièrement indigeste au demeurant, c’est de prétendre qu’un tel galimatias constitue un « énoncé central » du marxisme et que « c’est ce que Marx et Engels avaient déjà énergiquement démontré dans l’Idéologie allemande ».
Or la thèse centrale de notre savant auteur c’est que placer à la base du développement historique des sociétés humaines le développement des forces productives est une thèse propre aux travestissements staliniens du marxisme. Travestissements qui, de
surcroît, toujours selon lui, comme nous allons le voir plus loin « se retrouvent jusque dans les conceptions théoriques de certains groupes de la gauche communiste ». En l’occurrence, le CCI…
On comprend bien que C.Mcl puisse avoir des comptes à régler avec cette organisation, et que cela doit avoir un certain rapport avec certaines polémiques liées à certaines crises du CCI. Le problème étant que ni C.Mcl ni le CCI ne nous aident à la « réappropriation des véritables fondements du marxisme », et que, même si le CCI s’en est déjà grandement éloigné, C.Mcl s’en éloigne beaucoup plus encore. Mais jusqu’où ?
Continuons:
« Que l’intelligence de l’homme et de ses productions intelligentes découlent de ses activités, qu’elles évoluent et soient aussi transitoires que ces mêmes activités et les relations sociales dans lesquelles elles prennent place, c’est ce que notaient encore Marx et Engels dans l’Anti- Dühring » (Controverses n°1 p.31)
Nous ne savons pas ce qu’est « l’intelligence » « de ses productions intelligentes », mais nous apprenons qu’elle découle de ses activités. Mais que Marx et Engels l’auraient noté dans l’Anti-Dühring nous nous permettrons d’en douter.
C’est ainsi que C.Mcl, en accord avec l’éditorial de Controverses, a commencé à nous exposer sa « réappropriation » du marxisme. Il nous a présenté les « concepts premiers », « souvent méconnus », de la
« conception matérialiste de l’histoire » et nous devons avouer que nous ne les connaissions pas. Il y a d’ailleurs fort à parier que Marx et Engels ne les connaissaient pas non plus ! Et Marx se serait certainement à nouveau écrié à la lecture de ce broué que si c’était cela le marxisme, alors lui n’était pas marxiste…
3/ LE MATERIALISME DE C.Mcl OU L’ART DE LA VULGARISATION
Après cette exposition du rejet de l’idéalisme, C.Mcl aborde ce qu’il intitule:
« La rupture avec le matérialisme vulgaire »
On doit donc apriori supposer que Marx et Engels sont passés par le matérialisme vulgaire (contrairement à C.Mcl) sinon ils n’auraient pas pu rompre avec lui. Outre que ceci est parfaitement inexact, c’est parfaitement outrecuidant, et de la même veine de modestie, et d’ignorance cultivée dont fait preuve l’ensemble du texte de C.Mcl, et d’ailleurs la revue elle-même. Que cette affirmation grotesque et infâmante pour les fondateurs du matérialisme historique ne soit pas qu’une maladresse le passage suivant le confirme clairement:
« Rejeter l’idéalisme et situer le lieu du problème dans la production matérielle de la vie sociale ne suffit pas pour adopter le point de vue du matérialisme historique. Encore fallait-il aussi rompre avec toutes les variantes vulgaires et bourgeoises du matérialisme. Or le marxisme est très souvent présenté comme étant la détermination en dernière instance par les forces productives. Lorsque l’on sait que c’est justement avec cette vision là que Marx et Engels ont dû rompre pour élaborer leur conception du monde, l’on mesure toute l’ampleur et l’enjeu théorique de cette question. » (Controverses n°1 p.32)
Encore une fois C.Mcl avec sa conjonction de coordination met sur le même plan deux termes qui pourtant n’ont pas du tout la même signification et dont l’articulation n’a plus rien d’historique, ni de dialectique: « les variantes vulgaires et bourgeoises du matérialisme ».
Les variantes vulgaires seraient bourgeoises et les variantes bourgeoises seraient vulgaires? Les variantes bourgeoises du matérialisme sont aussi éloignées à l’origine des variantes vulgaires que la nature révolutionnaire de la bourgeoisie peut l’être de sa nature conservatrice et réactionnaire. Par exemple Vogt est aussi éloigné de D’Holbach que C.Mcl de Karl Marx…
Que le matérialisme vulgaire soit bourgeois c’est un fait avéré par Marx lui-même, mais que le matérialisme bourgeois du XVIII° siècle soit vulgaire, voilà qui est tout à fait erroné et parfaitement contraire non seulement à la réalité mais encore au jugement de Marx/Engels sur le sujet. Le marxisme n’est pas né en rupture avec le matérialisme vulgaire mais par un dépassement de la philosophie.2 Nous y reviendrons.
2Ce dépassement, s’il a du emprunter la forme philosophique fut celle d ’ une critique radicale de la philosophie, et autant une critique du matérialisme que de l’idéalisme. Par conséquent le matérialisme historique n’est plus un matérialisme philosophique, mais un matérialisme pratique et en tant que tel un matérialisme scientifique. A contrario, si le matérialisme vulgaire est un matérialisme de « savants » il n’en demeure pas moins un matérialisme philosophique et de la pire espèce, mécaniste, métaphysique et éclectique. Il suffit de lire un tant soit peu Marx et Engels pour connaitre leur jugement sur ce
Mais passons au meilleur:
« le marxisme est souvent présenté comme étant la détermination en dernière instance par les forces productives » (p. 32)
Si l’on passe sur la maladresse et l’imprécision totale de la formulation, on a bien le noyau de la théorie marxiste que C.Mcl assimile à sa déformation stalinienne et qu’il attribue également au CCI. Mais pour exposer la théorie marxiste il faudrait procéder à certains développements sur cette base a minima et rappeler que le développement des forces productives lui-même dépend selon ce même marxisme des conditions matérielles et naturelles dans lesquelles il a lieu et qui sont- elles-mêmes des produits d‘une histoire, fut-elle géologique. Or nous n’en avons pas ici l’intention, comme annoncé précédemment. D’autant que nous ne le formulerions pas ainsi et que la dialectique du développement des forces productives et des rapports de production n’est qu’une partie du matérialisme historique, celle qui découle d’une période historique de l’humanité dont le communisme constituera le dépassement. Et c’est justement avec ce fondement que selon C.Mcl :
« Marx et Engels ont dû rompre pour élaborer leur conception du monde » (p.32)
Il nous apprend donc que le matérialisme marxiste est une nouvelle conception du monde, mais n’est-ce pas Marx qui affirmait que les philosophes se contentaient de se représenter le monde alors qu’il s’agissait de le transformer?
Effectivement « on mesure toute l’ampleur et tout l’enjeu théorique de cette question »!
La détermination par les forces productives serait donc la variante
« vulgaire et bourgeoise » avec laquelle Marx et Engels ont dû rompre (la dialectique de C.Mcl roule sur cette dure antinomie existentielle, entre nouer et rompre) pour élaborer leur conception du monde, car:
« les forces productives ne sont rien sans l’action sociale des hommes »
(p.32)
dernier, dont les principales expressions littéraire sont d’ailleurs postérieures au matérialisme historique.
Finalement on peut se demander si C.Mcl est véritablement parvenu à « rompre » tant avec l’idéalisme qu’avec le matérialisme vulgaires. Il baigne plutôt dans une « soupe éclectique », par ailleurs tellement réchauffée qu’elle laisse apparaître le fond dans toute sa vacuité:
« le matérialisme chez Marx n’a rien à voir avec une détermination par les choses, par l’économie, par les forces productives, mais par des hommes aiguillonnés et conditionnés par leurs intérêts matériels. » ( idem p.32)
Peut-on se permettre d’essayer d’y voir clair dans un tel verbiage sans lasser notre lecteur ? Car C.Mcl embrouille tout. A présent il met sur le même plan, dans une énumération indifférenciée et toujours aussi confuse, des notions pourtant forts différentes comme les choses et les forces productives et l’économie.
Mais C.Mcl est en lutte contre le matérialisme vulgaire… et nous apprend que la base du matérialisme marxiste n’est pas constituée par les forces productives mais par les intérêts matériels des hommes. Autrement dit ce n’est pas la prise en compte des moyens de répondre à ces intérêts matériels mais ces intérêts eux-mêmes qui caractériseraient le matérialisme marxiste! Le matérialisme vulgaire consisterait à tenir compte des capacités productives de l’homme alors que le marxisme lui mettrait au premier plan les intérêts matériels… On comprend dès lors comment ce matérialisme « marxiste », contrairement au matérialisme vulgaire serait à même d’expliquer ce qui caractérise les rapports sociaux et ce qui détermine leur évolution historique. En partant des intérêts matériels des hommes on comprend tout.
Une question nous tarabuste toutefois: qu’est-ce qui caractérise les intérêts matériels des hommes? Est-ce manger boire et se reproduire? Auquel cas, qu’est-ce qui les distingue de ceux des autres espèces sociales? N’est-ce pas justement les moyens humains spécifiques mis en œuvre pour y répondre ? N’est-ce pas précisément les forces productives de l’humanité?
Une autre question nous vient à l’esprit: les intérêts matériels des hommes sont-ils déterminés apriori ? Et demeurent-ils identiques au cours de l’histoire des sociétés humaines ? Finalement peu importe que l’homme possède des outils de pierre ou des machines laser, ce qui compte ce sont les intérêts matériels des hommes… Que le travail humain
en tant que force productive par excellence soit plus ou moins productif ne compte pas pour le matérialisme marxiste de C.Mcl, ce qui compte se sont les intérêts matériels ni plus ni moins. Mais n’est-ce pas là du matérialisme archi vulgaire ?!
Décidemment C.Mcl n’aime pas les forces productives, au premier rang desquelles, pourtant, figurent les producteurs eux-mêmes! Mais on apprend surtout que l’économie, ramenée au rang de chose, tout comme les forces productives, et par conséquent les producteurs eux-mêmes, ne détermine pas l’histoire des hommes, car ce sont les hommes
« conditionnés par leurs intérêts matériels » qui la détermine… L’économie s’oppose ici aux intérêts matériels. Comprenne qui pourra. Car C.Mcl ne peut pas imaginer échapper aux contradictions, comme nous l’avons déjà signalé et le verrons précisément plus loin.
« Ce que Marx et Engels entendaient (…) ce n’est pas que le matérialisme serait une détermination par les forces productives - cela c’est du matérialisme vulgaire - ; ce qu’ils entendaient par ‘production et reproduction de la vie réelle’, c’est un ensemble de rapports sociaux contradictoires que les hommes nouent entre eux dans la production de leur existence. C’est là que réside la détermination en dernière instance chez Marx et Engels : non pas dans son sens vulgaire d’hommes objets déterminés par la matière , mais des hommes sociaux mus par des intérêts matériels. » ( Controverses n°1 p.32)
Il est important de relever sous le flot incessant des répétitions des truismes ou des contre vérités sous la plume de notre auteur les nouveautés qui se glissent subrepticement dans le texte. Ici il nous dit que:
« c’est un ensemble de rapports sociaux contradictoires que les hommes nouent entre eux dans la production de leur existence. »
A l’en croire, ce n’est donc pas entre les forces productives à un certain moment de leur développement et les rapports de production qu’opère la contradiction, mais entre les rapports sociaux eux-mêmes. On ne comprend pas dès lors comment ces rapports peuvent correspondre aux intérêts matériels des hommes qui les nouent entre eux. On ne voit pas pourquoi les rapports sociaux que les hommes nouent entre eux dans
la production de leur existence ne correspondraient pas à leurs intérêts matériels. Quels intérêts matériels poussent donc les hommes à nouer des rapports sociaux contradictoires? Cela paraît parfaitement absurde, surtout eut égard à la nature foncièrement sociale de l’homme dont C.Mcl nous rebat les oreilles depuis le début. A moins de supposer que les contradictions sociales ont toujours existé et existerons toujours, qu’elles font partie de la nature humaine. Autrement dit, d’après sa propre définition de la nature humaine qu’il emprunte aux thèses sur Feuerbach, que la nature contradictoire des rapports sociaux humains en constitue une caractéristique inhérente, éternelle et indéterminée.
De là à supposer l’éternité des classes sociales il n’y a qu’un pas… Mais C.Mcl est persuadé, lui, d’avoir fait un pas supplémentaire
dans l’exposition des « concepts premiers » du matérialisme historique et dans la « réappropriation théorique des véritables fondements du marxisme », et par là-même dans la destruction glorieuse d’un premier moulin du stalinisme:
« Ce sont donc bien les contradictions sociales entre les hommes (« le régime de l’antagonisme de classes ») qui constituent le moteur de l’histoire, qui « développent les forces productives », et non pas les forces productives qui seraient à la base de l’évolution des sociétés comme le stalinisme l’a répandu. Conception qui est malheureusement reprise et véhiculée par certains au sein de la gauche communiste. » (Controverses n°1 p.32)
Outre que l’accusation de stalinisme est devenue une manie entre groupuscules du pitoyable milieu issu des crises successives du CCI on peut mesurer à quel point C.Mcl ne comprend pas de quoi il parle et méconnaît tant le B-A BA du marxisme que sa déformation stalinienne. Nous verrons plus loin en quoi elle consiste réellement, et comment, justement la critique de C.Mcl ne fait que s’éloigner encore plus du marxisme que le stalinisme lui-même, renouant avec les pires âneries des Proudhon et Dühring .
Alors que C.Mcl reproche aux staliniens et à leurs prétendus disciples dans la gauche de ramener le matérialisme marxiste aux choses et à l’économie, mais plus horrible encore les hommes à « des hommes objets déterminés par la matière », il leur oppose des « hommes sociaux mus par des intérêts matériels »…
Heureusement que C.Mcl a déjà démoli le moulin de l’idéalisme dans la première partie de son cours magistral! Car selon lui les hommes ne sont pas déterminés par la matière mais par des intérêts matériels. Or si l’homme n’est pas déterminé par la matière qui le compose cela signifie qu’il s’est affranchi de celle-ci, autrement dit de sa propre conformation matérielle et par conséquent de ses besoins matériels.
Mais il a aussi démoli un autre moulin, celui du matérialisme vulgaire: ce ne sont pas de vulgaires besoins matériels déterminés par une vulgaire nature matérielle qui déterminent les hommes. Ce sont des
« intérêts » matériels.
Appelant « Le Capital » à la rescousse, il pense enfoncer définitivement le clou de sa thèse, c’est-dire que le développement des forces productives ne détermine pas l’évolution historique des rapports sociaux, ce qui serait la thèse du stalinisme, mais qu’il s’agit en fait de l’inverse, et que c’est là la véritable thèse fondamentale du matérialisme historique.
« Quelle que soient les formes sociales de la production, les travailleurs et les moyens de production en restent toujours les facteurs. » (citation du Capital livre II tome I éditions sociales p.38)
Autrement dit les forces productives.
Le lecteur peut juger de la parfaite incohérence de C.Mcl et de sa propension à illustrer ses affirmations par des citations qui disent absolument le contraire.
Continuons la citation:
« Mais les uns et les autres ne le sont qu’à l’état virtuel tant qu’ils se trouvent séparés. Pour une production quelconque , il faut leur combinaison. C’est la manière spéciale d’opérer cette combinaison qui distingue les différentes époques économiques par lesquelles la structure sociale est passée. »
(Capital livre III tome I éditions sociales p38)
Il n’est pas question ici de la détermination historique mais de la
« distinction » entre formes historiques de la production. Ce qui est fort différent. En outre, comme Marx l’indique dans les Grundrisse (Formes précapitalistes), ce n’est pas l’unité entre ces facteurs, les producteurs et
leurs conditions ou moyens de production, mais leur séparation qui demande à être expliquée. Et l’on explique rien en invoquant de manière obsessionnelle les rapports sociaux et leurs contradictions.
Citons à notre tour Le Capital de Karl Marx :
« Dans tous les cas il y a une chose bien claire: la nature ne produit pas d’un côté des possesseurs d’argent ou de marchandises, et de l’autre des possesseurs de leurs propres forces de travail purement et simplement. Un tel rapport n’a aucun fondement naturel, et ce n’est pas non plus un rapport social commun à toutes les périodes de l’histoire. Il est évidemment le résultat d’un développement historique préliminaire, le produit d’un grand nombre de révolutions économiques, issues de la destruction de toute une série de vieilles formes de production sociale. »
(Le Capital Livre I Section II Chapitre 6: « Achat et vente de la force de travail». Editions Gallimard Economie I p.717/718)
Et notons au passage que les rapports sociaux capitalistes ne sont pour Marx que « le résultat du développement historique », « le produit d’un grand nombre de révolutions économiques », et rappelons nous ce que nous disait C.Mcl plus haut, à savoir que le marxisme n’a rien à voir avec une détermination historique par l’économie! Mais économie, forces productives, moyens de production, matière, choses, sont pour lui autant de vulgarités matérialistes et staliniennes.
Finalement on doit constater qu’après avoir réduit les forces productives aux moyens de production, les moyens de production aux instruments et les instruments aux choses il est parvenu à caricaturer à tel point son adversaire dont, par ailleurs, il ne comprend pas la véritable nature, qu’il ne peut lui-même qu’exprimer une caricature de marxisme.
Marx part du travail humain:
« L’usage ou l’emploi de la force de travail, c’est le travail. » (idem Section III Chapitre 7 « Production de valeurs d’usage et production de la plus-value » p.727)
Activité indispensable pour répondre aux besoins fondamentaux physiologiques de l’homme, il est un procès qui met en jeu divers éléments constitutifs que le marxisme désigne sous le terme générique de
« forces productives ». Ainsi la force de travail constitue la principale force productive, la force musculaire, nerveuse etc. que l’humain
travaillant dépense en vue d’obtenir la satisfaction de ses besoins. Mais cette force elle-même ne serait rien d’autre que la force animale, même sociale, si elle ne s’appuyait pas sur des productions qui améliorent et développent la force productive du travail humain, productions qui sont caractéristiques du travail humain:
« Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. » (idem p.727/728)
Voyons plus précisément ce qui caractérise ce travail «exclusivement » humain et comment se présente le procès de travail:
« Voici les éléments simples dans lesquels le procès de travail se décompose : I° activité personnelle de l’homme ou travail proprement dit ; 2° objet sur lequel le travail agit ; 3° le moyen par lequel le travail agit. »
(idem p.728)
Marx ayant déjà défini au préalable la force de travail il passe directement à la définition de l’objet:
« La terre (et sous ce terme, au point de vue économique, on comprend aussi l’eau), de même qu’elle fournit à l’homme, dès le début des vivres tout préparés, c’est aussi l’objet universel de travail qui se trouve là sans son fait. Toutes les choses que le travail ne fait que détacher de leur connexion immédiate avec la terre sont des objets de travail de par la grâce de la nature; Il en est ainsi du poisson que la pêche a arraché à son élément de vie, l’eau ; du bois abattu dans la forêt primitive; du minerais extrait de sa veine. L’objet déjà filtré par un travail antérieur, par exemple le minerai lavé, s’appelle matière première. Toute matière première est objet de travail, mais tout objet de travail n’est point matière première; il ne le devient qu’après avoir subi déjà une modification quelconque effectuée par le travail. » (idem p.728/729)
Ensuite il développe amplement sur les moyens:
« Le moyen de travail est une chose un ensemble de choses que l’homme interpose entre lui et l’objet de son travail comme conducteurs de son action. Il se sert des propriétés mécaniques, physiques, chimiques de certaines choses pour les faire agir comme forces sur d’autres choses, conformément à son but. Si nous laissons de côté la prise de possession de subsistances toutes trouvées - la cueillette des fruits par exemple, ou se sont les organes de l’homme qui lui servent d’instrument - nous voyons que le travailleur s’empare immédiatement, non pas de l’objet, mais du moyen de son travail. Il convertit ainsi des choses extérieures en organes de sa propre activité, organes qu’il ajoute aux siens de manière à allonger, en dépit de la Bible, sa stature naturelle. » (idem p729)
Arrêtons-nous un instant sur ce passage. Si Marx avait vécu au 21° siècle même l’exemple qu’il choisit comme exception à la règle qu’il expose n’en serait plus une puisque dans beaucoup de cas dans l’agriculture industrielle ce sont désormais des machines qui servent à opérer le travail de la cueillette. Mais surtout il convient de souligner que la conception de Marx est parfaitement cohérente dans le temps et que cette manière de concevoir les moyens du travail comme organes de l’activité de l’homme rejoint parfaitement ce qu’il avait exposé dans les manuscrits de 1844 comme dialectique entre l’homme et la nature. Et surtout qu’elle constitue le véritable fondement du matérialisme historique, englobant la dialectique du développement des forces productives et des rapports de production. La suite de ce passage est parfaitement clair en ce qui concerne la nature et l’importance déterminantes des moyens de travail pour l’homme et son histoire:
« Comme la terre est son magasin de vivres primitif , elle est aussi l’arsenal de ses moyens de travail. Elle lui fournit, par exemple, la pierre dont il se sert pour frotter, trancher, presser, lancer, etc. La terre elle- même devient moyen de travail, mais ne commence pas à fonctionner comme tel dans l’agriculture sans que toute une série d’autres moyens de travail soit préalablement donnée. Dès qu’il est tant soit peu développé, le travail ne saurait se passer de moyens déjà travaillés. Dans les plus anciennes cavernes on trouve des instruments et des armes de pierre. A côté des coquillages, des pierres, des bois et des os façonnés, on voit figurer au premier rang parmi les moyens de travail primitifs l’animal dompté et apprivoisé, c’est-à-dire déjà modifié par le travail. L’emploi et la création de moyens de travail, quoiqu’ils se trouvent en germe chez quelques espèces animales, caractérisent éminemment le travail humain.
Aussi Franklin donne-t-il cette définition de l’homme: l’homme est un animal fabricateur d’outils, a bookmaking animal. Les débris des anciens moyens de travail ont pour l’étude des formes économique des sociétés disparues la même importance que la structure des os fossiles pour la connaissance de l’organisation des races éteintes. Ce qui distingue une époque économique d’une autre, c’est moins ce que l’on fabrique que la manière de fabriquer, les moyens de travail par lesquels on fabrique. Les moyens de travail mesurent le degré de développement du travailleur, et indiquent les rapports sociaux dans lesquels il travaille. » (c’est nous qui soulignons!) (idem p.729 à 731)
Lorsque l’on définit ainsi les moyens de production on peut faire encore de nombreuses distinctions, mais c’est encore le développement des forces productives qui détermine l’importance de chacune d’elles:
« Cependant les moyens mécaniques, dont l’ensemble peut-être nommé le système osseux et musculaire de la production, offrent des caractères bien plus distinctifs d’une époque économique que les moyens qui ne servent qu’à recevoir et à conserver les objets ou produits du travail, et dont l’ensemble forme comme le système vasculaire de la production, tels que, par exemple, vases, corbeilles, pots et cruches, etc. Ce n’est que dans la fabrication chimique qu’ils commencent à jouer un rôle plus important. » (idem p.731)
En outre, notons qu’avec la fabrication chimique nous n’avons pas à faire à de simples « choses » mais à certaines de leurs propriétés. Ici entre en ligne de compte ce que le marxisme appelle le travail universel, dont les productions constituent à leur tour des forces productives, et des forces généralement immatérielles, comme les formules scientifiques, les théorèmes etc.! Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin, et poussons jusqu’à la fin de cette page 731, car dans les moyens de travail il ne faut pas oublier les infrastructures et en particulier les voies de transport et de communication qui permettent de « nouer » des relations sociales nouvelles, parmi lesquelles les échanges marchands :
« Outre les choses qui servent d’intermédiaires, de conducteur de l’action de l’homme sur son objet, les moyens de travail comprennent , dans un sens plus large, toutes les conditions matérielles qui, sans entrer directement dans ses opérations, sont cependant indispensables ou dont l’absence rendrait le procès défectueux. L’instrument général de ce genre est encore la terre,, car elle fournit au travailleur le locus standi, sa base fondamentale et à son activité le champs où elle peut se déployer, son field of employment. Des moyens de travail de cette catégorie, mais déjà
dus à un travail antérieur, sont les ateliers, les chantiers, les canaux, les routes etc. » (p.731)
Et:
« Si l’on considère l’ensemble de ce mouvement au point de vue de son résultat, du produit, alors tous les deux, moyen et objet de travail, se présentes comme moyens de production, et le travail lui-même comme travail productif. » (p.731)
Nous avons là l’ensemble de nos forces productives à l’exception des rapports sociaux de production, qui, dans la mesure où ils stimulent leur développement, constituent à leur tour une force productive, comme l’effet d’une cause peut devenir à son tour dans toute bonne dialectique lui-même cause d’un nouvel effet. Il faut concevoir les rapports sociaux de production comme la forme sous laquelle les forces productives se développent. Alors que C.Mcl inverse le phénomène et marche entièrement sur la tête. Les forces productives deviennent chez lui la forme que revêtent les rapports sociaux.
Pourtant il faut de l’entêtement idéaliste ou bien une particulière propension à lire de travers pour occulter ce que dit Marx dans la Préface à la Contribution :
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté. (c’est nous qui soulignons)»
Avant de poursuivre la citation arrêtons nous sur cette première phrase.
Les rapports noués entre eux par les hommes dans la production sociale de leur existence sont déterminés. Il faut donc se demander par quoi. Ils sont de surcroît nécessaires. Et nous devons répondre à la question pourquoi? Enfin ils indépendants de leur volonté. Là encore, pourquoi?
4/ LA DIALECTIQUE DE C.Mcl OU L’ART DE SE CONTREDIRE
« Au début étaient les rapports sociaux »
Si l’on cherche a comprendre ce que C.Mcl entend par forces productives les choses sont très claires, ce sont les moyens de production. Et les moyens de productions ce sont les instruments de production. Et les instruments de production se sont des choses matérielles, donc vulgaires comme la matière en général. C’est-à-dire qu’il définit justement les forces productives comme le stalinisme qu’il veut pourfendre. Soit qu’il prenne celui-ci pour argent comptant ou bien qu’il s’en fasse une idée fausse. A ce stade cela n’a aucune sorte d’importance. Ce qui importe à ses yeux c’est d’essayer de prouver que faire du développement des forces productives la détermination des différents rapports sociaux historiques, c’est du matérialisme vulgaire et c’est du stalinisme. Selon lui c’est exactement le contraire: les rapports sociaux déterminent les forces productives.
Le lecteur se dira que nous avons vu et revu cet aspect des choses, mais il n’a malheureusement pas encore tout vu. Nous avons vu surtout que C.Mcl donnait des définitions successives et variables, généralement tautologiques de ce qu’il entendait par rapports sociaux et que ces différentes définitions s’agrémentaient au fil de l’eau de notions nouvelles subrepticement introduites au point de contredire chaque définition précédente. En voici une autre mouture:
« Autrement dit, les machines, les forces productives, ne font rien par elles-mêmes, ce sont les hommes qui les actionnent dans le cadre de leurs rapports sociaux. Telle est la différence entre le matérialisme vulgaire (la détermination par les choses) et le matérialisme historique et dialectique qui est constitué par un ensemble de rapports sociaux noués par les hommes mus par leurs intérêts matériels. » (Controverses n°1 p.32)
C’est donc à présent le matérialisme historique lui-même qui est constitué de rapports sociaux! Mais surtout, en dernière instance ces rapports sont déterminés eux-mêmes par les intérêts matériels des hommes.
Partant de cette affirmation il pense avoir rétablit les justes fondements du matérialisme historique dont il nous donne quelques exemples d’application à l’histoire des sociétés humaines en s’appuyant sur les « analyses de Marx » ou tout au moins ce qu’il interprète comme telles.
Commençons par la société antique:
« C’est l’évolution de ce rapport social esclavagiste , c’est-à-dire de l’antagonisme de classe entre les maîtres et les esclaves autour de l’appropriation du surtravail de ces derniers, qui fit évoluer la société antique et ses forces productives. » (idem p.33)
Est-ce bien cela que l’on trouve dans « les analyses de Marx » ? Dans sa préface à la deuxième édition allemande du 18 Brumaire,
Marx fait une autre analyse:
« En fin de compte, j’espère que cet ouvrage contribuera à écarter le terme couramment employé aujourd’hui, particulièrement en Allemagne de césarisme. Dans cette analogie historique superficielle, on oublie le principal, à savoir que, dans l’ancienne Rome, la lutte des classes ne se déroulait qu’à l’intérieur d’une minorité privilégiée, entre les libres citoyens riches et les libres citoyens pauvre, tandis que la grande masse productive de la population, les esclaves ne servaient que de piédestal passif aux combattants. » (p. 11 éditions sociales)
Dans une note de bas de page, C.Mcl se contredit une fois de plus en rappelant que:
« dans le Capital, Marx rappelle que toute l’histoire romaine est celle de l’expropriation toujours plus large des petits producteurs agraires au profit de propriétaires fonciers de plus en plus puissants » (Controverses n°1 p33 note 131)
Puis citant ce même Capital:
« La moindre connaissance de l’histoire de la République romaine, par exemple fait voir que le secret de cette histoire , c’est l’histoire de la propriété foncière. » (idem)
Outre que ce passage concerne le République et non l’Empire, et encore moins « toute l’histoire romaine », Marx y met l’accent sur l’histoire de la propriété foncière et non sur les rapports entre maîtres et esclaves. Or on ne peut pas comprendre cette histoire sans se référer au développement des forces productives et aux conditions géo-historiques de leur développement.
Si l’on veut pouvoir donner une explication au développement de l’esclavage tout comme d’ailleurs à son dépérissement, on ne peut que se tourner vers le développement des forces productives. Non seulement ce développement entraîne de nouvelles divisions du travail mais encore un nouveau rapport à la nature, et par conséquent, de nouveaux rapports sociaux de production. Voici ce qu’en dit le « général » Engels:
« Un pas encore et nous voici au stade supérieur de la barbarie, période durant laquelle tous les peuples civilisés passent par leurs temps héroïques: l’âge de l’épée de fer, mais aussi de la charrue et de la hache de fer. Le fer était entré au service de l’homme, la dernière et la plus importante des matières premières qui jouèrent dans l’histoire un rôle révolutionnaire, la dernière jusqu’à… la pomme de terre. [voyez à quel point Engels fait preuve de matérialisme vulgaire!] Le fer permit la culture des champs sur de plus vastes surfaces, le défrichement de plus grandes étendues forestières; il donna à l’artisan un outil d’une dureté et d’un tranchant auquel ne résistait aucune pierre, ni aucun autre métal connu. »
(« L’origine de la famille » éditions sociales p.170)
La suite de la citation montre en outre que le développement des forces productives constitue un progrès et que celui-ci, même s’il ne s’impose que lentement et connaît des interruptions s’affermit et finit par s’accélérer:
« Tout cela petit à petit: souvent encore, le premier fer était moins dur que le bronze. Aussi l’arme de silex ne disparut-elle que lentement ; ce n’est pas seulement dans la Chanson de Hildebrand, mais aussi à Hasting en l’an 1066, que des haches de pierre livrèrent encore bataille. Mais le progrès, moins souvent interrompu et plus rapide chemina dès lors irrésistiblement. » (idem p.170/171)
La seule chose qui peut entraver ce progrès irrésistible, c’est la pesanteur des vieux rapports sociaux dépassés et toute la vieille idéologie qui les reflète. A quel point le développement des forces productives entraîne un bouleversement dans l’ensemble de la société et détermine le passage d’une forme sociale à une autre, Engels nous l’expose avec une parfaite évidence, dans le passage à ce qu’il nomme, à la suite de Morgan, le stade supérieur de la barbarie sous l’impulsion de l’utilisation du fer :
« La ville enfermant dans des murailles, dans des tours et des
créneaux de pierre ou de brique, devint le siège central de la tribu ou de la confédération de tribus; progrès capital en architecture, mais signe aussi du danger accru et du besoin accru de protection. La richesse augmenta rapidement, mais en tant que richesse individuelle; le tissage, le travail des métaux et les autres métiers qui se différenciaient de plus en plus donnaient à la production une variété et un perfectionnement croissant; désormais, à côté des céréales, des légumineuses et des fruits, l’agriculture fournissait aussi l’huile et le vin qu’on avait appris à préparer. Une activité si diverse ne pouvait plus être pratiquée par un seul et même individu: la deuxième grande division du travail s’effectua: l’artisanat se sépara de l’agriculture. » ( idem p.171)
Sur un telle base matérielle on peut comprendre le surgissement des rapports sociaux esclavagistes proprement dit et surtout la genèse d’un mode de production esclavagiste dans l’antiquité:
« l’accroissement constant de la production et, avec elle de la productivité du travail accrut la valeur de la force de travail humaine; l’esclavage qui, au stade antérieur , était encore à l’origine et restait sporadique, devient maintenant un composant essentiel du système social; les esclaves cessent d’être de simples auxiliaires; c’est par douzaines qu’on les pousse au travail dans les champs et à l’atelier. » (idem p.171)
Nous devons continuer à suivre C.Mcl dans sa dialectique historique et aborder le féodalisme:
« C’est l’évolution de ce rapport social servile, c’est-à-dire l’antagonisme de classe entre les serfs et les seigneurs autour de l’appropriation de la rente agricole qui fait évoluer la société féodale et ses forces productives. » (Controverses n°1 p.33)
Supposons que cette affirmation soit exacte, nous verrons ultérieurement ce qu’il en est, il n’en reste pas moins que tout dépend de la forme sous laquelle cette rente se manifeste et de la manière dont elle est consommée. Or c’est encore le développement des forces productives qui peut déterminer la forme naturelle ou argent de la rente et son mode de consommation, productif ou improductif, etc.
Avant de développer ce point, demandons-nous, ce que C.Mcl ne fait évidemment jamais, qu’est-ce qui a pu déterminer l’apparition dans l’histoire de nouveau rapports sociaux, en l’occurrence, à la place des rapports esclavagistes, ceux du servage féodal?
Nous interrogerons encore une fois Engels à ce sujet. Et c’est dans l’évolution des forces productives à la fin du monde antique esclavagiste que nous trouverons l’origine du servage:
« L’agriculture, branche de production essentielle dans tout le monde antique, l’était redevenu plus que jamais. En Italie, les immenses domaines (latifundia) qui, depuis la fin de la République, couvraient presque tout le territoire, avaient été exploités de deux façons: soit en pâturages, où la population était remplacée par des moutons ou des bœufs, dont la garde n’exigeait que peu d’esclaves; soit en villas, où une foule d’esclaves faisaient de l’horticulture en grand, tant pour le luxe du propriétaire que pour la vente sur les marchés urbains. Les grands pâturages s’étaient maintenus et sans doute même agrandis,; les domaines des villas et leur horticulture avaient dépéri du fait de l’appauvrissement de leurs propriétaires et du déclin des villes. L’exploitation des latifundia basée sur le travail des esclaves, n’était plus rentable (c’est nous qui soulignons), mais, à cette époque c’était l’unique forme possible d’agriculture en grand. »
( L’origine de la famille p.157)
Si l’introduction de l’esclavage comme mode de production fut rendu possible par un certain développement des forces productives et déterminé par lui dans certaines conditions géo-historiques, comme nous l’avons vu auparavant, ce mode fut à son tour un facteur de ce développement. Son abandon répond aux même déterminisme historique, n’étant plus rentable, il fut abandonné au profit d’un autre mode d’exploitation agricole qui permit ultérieurement, lorsqu’il fut débarrassé des vieux oripeaux de l’antiquité déclinante un nouveau développement des forces productives.
« La petite agriculture était redevenue la seule forme rémunératrice. L’une après l’autre les villas furent morcelées en petites parcelles et remises à des fermiers héréditaires qui payaient une certaine somme , ou à des partiarii , gérants plutôt que fermiers, qui recevaient pour leur travail un sixième ou même seulement un neuvième du produit annuel. Mais, dans la plupart des cas , ces petites parcelles de terre furent confiées à des colons qui , en échange, payaient chaque année une somme fixe, étaient attachés à la glèbe et pouvaient être vendus avec leur parcelle
; ils n’étaient pas à vrai dire, des esclaves, mais ils n’étaient pas libre non plus, ne pouvaient pas se marier avec des femmes de condition libre, et leurs unions entre eux n’était pas considérée comme des mariages pleinement valables , mais ainsi que celles des esclaves, comme un
simple concubinage (contubernium). Ils furent les précurseurs des serfs du moyen-âge. » (idem. P.157)
Et si l’on veut comprendre la disparition du servage, disparition qui opéra au sein même de la société féodale bien avant que ne s’imposent les rapports sociaux capitalistes et la nouvelle société bourgeoise, on doit encore faire appel aux forces productives et à l’économie. Dès le XIII° siècle en Allemagne, la nécessité de mettre en culture de nouvelles terres impulsa une transformation du servage en simple corvée:
« Le servage du début du moyen-âge qui se rapprochait par maints traits de l’esclavage antique accordait au seigneur des droits qui perdirent constamment de leur valeur. Il disparut graduellement , la condition de serf rejoignit celle de simple corvéable. Etant donné que l’exploitation agricole conservait tout à fait son aspect archaïque, les seigneurs terriens ne pouvaient obtenir l’augmentation de leurs revenus que par le défrichement de terres nouvelles, par l’installation de nouveaux villages. Mais pour atteindre ces buts il fallait nécessairement un arrangement à l’amiable avec les colons, qu’ils soient corvéables, appartenant au domaine , ou étrangers. » (idem La Marche p.318) 3
Certain d’avoir démontré la validité de sa thèse C.Mcl s’exclame:
« Les rapports sociaux constituent donc bien les briques les plus élémentaires du matérialisme historique, les matériaux de base de l’analyse marxiste. C‘est pourquoi Marx - suivi par tous les grands marxistes à sa suite - affirmera que « ce sont les hommes qui font leur propre histoire ». (p.34)
On comprendra aisément que C.Mcl se situe lui-même dans la lignée des grands marxistes, mais la citation dit exactement le contraire de ce que C.Mcl veut lui faire dire, car justement Marx précise que:
« Les hommes font leur propre histoire, mais il ne la font pas de plein gré, dans des circonstances librement choisies; celles-ci , ils les trouvent au contraire toutes faites, données, héritage du passé » (cité par C.Mcl p.34)
Cela signifie qu’ils font leur propre histoire déterminés par des conditions matérielles dont ils héritent.
3Nous convions le lecteur à relire le texte « Dialectique des forces productives et des rapports de production dans la théorie marxiste » RIMC n°11 .
C.Mcl cite alors aussitôt la 3° thèse sur Feuerbach. Mais celle-ci n’avait pour objet que de démontrer la contradiction dans laquelle la philosophie matérialiste bourgeoise des lumières dont Feuerbach s’inspirait tombait lorsqu’ils affirmaient que les hommes étaient des produits des circonstances et de l’éducation. Ce que Marx développe dans le 18 Brumaire, c’est justement cette dialectique marxiste entre le développement des forces productives et les rapports de production qui horrifie notre auteur.
Citons au sujet du 18 Brumaire un des ces grands marxistes dont parle C.Mcl:
« Ce fut précisément Marx qui découvrit le premier la loi d’après laquelle toutes les luttes historiques, qu’elles soient menées sur le terrain politique, religieux, philosophique ou dans tout autre domaine idéologique, ne sont en fait que l’expression plus ou moins nette des luttes des classes sociales, loi en vertu de laquelle l’existence de ces classes et par conséquent aussi leur collisions sont à leur tour , conditionnées par le degré de développement de leur situation économique, par leur mode de production et leur mode d’échange qui dérive du précédent. Cette loi, qui a pour l’histoire la même importance que la loi de la transformation de l’énergie pour les sciences naturelles lui fournit ici également la clef pour la compréhension de l’histoire de la II° République française. »
(F.ENGELS préface à la 3° édition allemande de 1885 à « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte » de K.MARX p14 éditions sociales 1969)
Il tente alors de se raccrocher à une nouvelle phrase coupée de son contexte et mille fois ressassée par tous les « grands marxistes » de son espèce:
« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes »
Outre que Marx et Engels amèneront plus tard des précisions qui relativise cette affirmation (voir la note d’Engels dans l’édition allemande de 1888 p.30 éditions sociales 1976) , affirmation qu’il faut replacer dans le contexte d’un manifeste de combat et d’un outil de propagande et d’agitation, la suite du texte montre comment la société de classe évolue à partir du développement des forces productives. Donnons-en un tout petit aperçu:
« Nous avons vu que les moyens de production et d’échange sur la base desquels s’est édifiée la bourgeoisie ont été créés dans le cadre de la société féodale. A un certain stade d’évolution de ces moyens de production et d’échange , les rapports dans le cadre desquels la société féodale produisait et échangeait, l’organisation sociale de l’agriculture et de la manufacture, en un mot les rapports féodaux de propriété, cessèrent de correspondre aux degré de développement déjà atteint par les forces productives. Ils entravaient la production au lieu de la stimuler. Ils se transformèrent en autant de chaînes . Il fallait briser ces chaînes. On les brisa. »
(Le manifeste du parti communiste éditions sociales 1976 p.37/38)
Evidemment ce sont les hommes eux-mêmes qui ont brisé ces chaînes, certains hommes contre d’autres hommes, et non pas des extra-terrestres. Tout comme se sont les hommes qui développent les forces productives. Mais C.Mcl veut surtout se débarrasser du déterminisme économique qui choque sa conscience de petit bourgeois.
Encore une fois C.Mcl mélange tout et sa dialectique ne casse pas des briques… contrairement au scénario d’un vieux film situationniste.
C.Mcl se lance alors dans une démonstration formidable où il éternise les contradictions sociales en faisant tour à tour appel à l’éthologie, à l’anthropologie, la philosophie etc.
Voyons l’argument éthologique:
« Les prémisses de ces contradictions existent déjà chez nos cousins, les singes supérieurs » (p.34)
Ce qui suppose que C.Mcl a résolu le difficile problème phylétique des rapports entre hominidés et grands singes ( ou si l’on préfère entre homininés et grands singes), ayant tranché pour l’antériorité historique des seconds sur les premiers. Nous ne nous y aviserons pas.
En recourant à la philosophie il cherche à se justifier en opposant contradictions et antagonismes, mais souvenons-nous de ce passage que nous avons déjà cité de la p.32 de Controverses n°1:
« Ce sont donc bien les contradictions sociales entre les hommes (« le régime de l’antagonisme de classes ») qui constituent le moteur de
l’histoire, qui « développent les forces productives », et non pas les forces productives qui seraient à la base de l’évolution des sociétés comme le stalinisme l’a répandu. Conception qui est malheureusement reprise et véhiculée par certains au sein de la gauche communiste. » (Controverses n°1 p.32
Dans ce passage antagonismes de classes et contradictions sociales y sont synonymes! Alors où se situe la contradiction!! Quelle rigueur et quelles prouesses intellectuelles…
Quelle idée de génie que cette contradiction indépassable dans l’horizon historique de la société humaine et surtout quelle fidélité au matérialisme historique! On semble revenu au matérialisme bourgeois anglais du XVII° siècles et à Hobbes, mais évidemment en beaucoup plus vulgaire: l’homme est un loup pour l’homme, qui constitue la quintessence même de la science politique, sociale et économique bourgeoise.
Ce qu’à contrario nous dit la science marxiste c’est ceci:
« Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme contradictoire du processus de production sociale, contradictoire non pas dans le sens d’une contradiction individuelle, mais d’une contradiction qui naît des conditions d’existence sociale des individus; cependant les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour résoudre cette contradiction. Avec cette formation sociale s’achève donc la préhistoire de la société humaine. » (Préface à la « Contribution »)
Si nous pouvons nous permettre de donner un conseil à tous les C.Mcl, c’est celui de revenir au B-A BA et de ruminer autant qu’il faudra.
La nature de cette contradiction repose selon C.Mcl sur l’opposition entre social et privé. Ainsi, dans les exemples qu’il va nous donner cette contradiction qui existera de toute éternité remonte aux origines les plus lointaines de l’humanité.
Le premier exemple est fort simple:
Evidemment, emporté par sa prose, C.Mcl s’enfonce dans des contradictions « individuelles » de plus en plus absurdes. Apôtre des rapports sociaux opposés métaphysiquement aux forces productives, il aboutit à nous donner des exemples qui relèvent de la robinsonnade:
« Notre second exemple illustrant le type et la nature des contradictions dynamiques pouvant émerger au sein des rapports sociaux que les hommes nouent entre eux dans la production de leur existence aura trait à la production économique, c’est-dire la quête quotidienne de nourriture. Pour satisfaire sa faim , pour rencontrer son intérêt individuel de manger, un chasseur cueilleur part à la recherche d‘un gibier.» (Controverses n°1 P.35)
Arrêtons nous un instant sur ce brillant exemple. C’est l’exemple même de conception que le marxisme pourfend dès l’origine dans l’économie politique: la robinsonnade ! Notons au passage que pour C.Mcl la production économique, et il faut en déduire que toute production n’est pas économique, se réduit à « la quête quotidienne de nourriture ». Cette robinsonnade prend chez C.Mcl une tournure fort originale à la limite du spiritisme. Il nous dit par exemple qu’ « un chasseur cueilleur part à la recherche de gibier » « pour rencontrer son intérêt individuel de manger » ! Outre que jusqu’à présent manger était un besoin et non un intérêt, il faut une dose de folie délirante bien supérieure à celle qui animait Don Quichotte partant à l’attaque des moulins pour penser qu’ « un chasseur cueilleur part à la recherche de gibier » « pour rencontrer son intérêt individuel de manger»…
Afin d’étayer son délire, C.Mcl nous gratifie d’une mise au point en préhistoire sur le ton supérieur de l’instituteur face à ces élèves:
« Contrairement à l’image d’Epinal de la horde collective chassant le mammouth, l’immense majorité des activités de chasse concerne de petites prises et sont effectuées individuellement. » (p.35 note 139)
Il est vrai que comme le rappelait Marx dans l’Idéologie allemande, les idéalistes se réfugient de préférence dans la préhistoire, domaine qui se prête à de nombreuses interprétations et fantaisies. Toutefois il est aussi vrai que depuis 1846 les données scientifiques relatives à la préhistoire se sont considérablement étoffées. Aussi on aurait pu espérer que C.Mcl s’appuie sur celles-ci pour affirmer que l’ « immense majorité des activités de chasse concerne de petites prises ». On aurait pu aussi escompter qu’il aurait relativisé ses affirmations péremptoires selon l’époque historique et les aires géographiques en
fonction de données géo-climatiques forts diverses et variables. Quand aux facteurs techniques nous avons vu que pour C.Mcl ils étaient parfaitement secondaires, que la technique lithique soit primitive ou évoluée ne semble pas avoir de conséquence pour lui sur les stratégies de subsistance. Qu’importe, les activités de chasse « sont effectuées individuellement ». Finalement on peut se demander pourquoi il nous rabâche que les hommes nouent des rapports sociaux dans leur activité puisque la principale de ces activités se fait individuellement… La raison est pourtant évidente! Si C.Mcl se contredit sans cesse c’est parce que c’est la contradiction qui fait l’histoire: CQFD!
C.Mcl pense alors alors avoir trouvé la preuve irréfutable que Marx n'a jamais défendu la thèse de la détermination économique des rapports sociaux par le développement des forces productives. Et de citer un passage des Grundrisse (chapitre de l'Argent):
“...”
Dans ce passage des Grundrisse Marx ne cherche nullement à répudier la conception matérialiste historique qu'il a toujours défendue depuis 1844 mais en développe un aspect particulier qui ne s'oppose nullement à la conception générale et au déterminisme économique, au contraire il illustre parfaitement la validité de cette conception. Ce faisant C.Mcl oppose, comme tout bon antimarxiste, Marx à lui-même; sinon, qu'il ne le fait pas consciemment. Il fait, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, de l'antimarxisme sans le savoir.
Pour éclairer le lecteur sur l'indécrottable pratique de C.Mcl qui consiste à tronquer des citations après les avoir extraites de leur contexte et à les interpréter à l'opposé de leur signification originale, nous devons citer d'autres passages du même sous chapitre et les commenter:
“ Dans la valeur d'échange, les relations sociales des personnes sont changées en rapport social des objets ; la richesse personnelle est changée en richesse matérielle. Tant que la valeur d'échange n'a guère de force sociale et qu'elle est liée à la substance du produit direct du travail ainsi qu'aux besoins immédiats des échangistes, la communauté qui relie entre eux les individus reste forte: rapport patriarcal, commune antique, féodalisme, corporations et jurandes (…). Mais à présent chaque individu détient la puissance sociale sous forme d'objet. Il dérobe à la chose cette puissance sociale car il vous faut l'exercer avec des personnes sur des personnes.
Les rapports de dépendance personnelle (d'abord tout à fait naturels) sont les premières formes sociales dans lesquelles la productivité humaine se développe lentement et d'abord en des points isolés. L'indépendance personnelle fondée sur la dépendance à l'égard des choses est la deuxième grande étape: il s'y constitue pour la première fois un système général de métabolisme social, de rapports universels, de besoins diversifiés et de capacités universelles. La troisième étape, c'est la libre individualité fondée sur le développement universel des hommes et la maîtrise de leur productivité sociale et collective ainsi que de leurs capacités sociales. La seconde crée les conditions de la troisième. Les structures patriarcales et antiques (ainsi que féodales) tombent en décadence, lorsque se développent le commerce, le luxe, l'argent et la valeur d'échange, auxquels la société moderne à emprunté son rythme pour progresser.”
(p156/157 ed anthropos 1968 coll 10/18)
Marx expose donc trois étapes qui ne se substituent pas plus qu'elles ne s'y opposent aux formations économiques progressives de la société exposées dans la préface à la contribution. En outre on y retrouve bien l'idée maîtresse d'un développement de la productivité du travail humain, de la productivité sociale des hommes. Mais pour qui est un tant soit peu familiarisé avec la dialectique il sera évident qu'il s'agit d'une exposition dialectique au travers d'une triade et de la négation de la négation. L'individualité humaine ne peut pas s'épanouir sur la base naturelle du développement des forces productives que constituent les formes de dépendances personnelles. Mais celles-ci sont dissoutes et remplacées par la réification des rapports sociaux.
Voyons maintenant ce que Marx et Engels disent réellement dans l’Idéologie allemande à propos du matérialisme historique, puisque C.Mcl n’a cessé d’invoquer ce texte comme témoin de sa pénible plaidoirie :
« Les présuppositions dont nous partons ne sont pas arbitraires; ce ne sont pas des dogmes; il s’agit de présuppositions réelles dont on ne peut s’abstraire qu’en imagination. Il y va d’individus réels, de leur action et de leurs conditions d’existence matérielles, soit qu’ils les aient trouvées toutes prêtes soit qu’ils les aient créées par leur propre activité. Ces présuppositions sont donc susceptibles d’être vérifiées de manière purement empirique.
La première présupposition de toute histoire humaine c’est, naturellement, l’existence d’individus humains vivants. Le premier état de fait à constater, c’est donc l’organisation corporelle de ces individus et la relation qui en résulte pour eux avec le reste de la nature. Nous ne pouvons naturellement nous appesantir ici ni sur la constitution physique des hommes eux-mêmes, ni sur les conditions naturelles que les hommes trouvent devant eux - circonstances géologiques, oro-hydrographiques, climatiques et autres. Toute historiographie doit partir de ces bases naturelles et de leur modification par l’action des hommes au cours de l’histoire.
On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion, ou par tout ce que l’on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu’ils se mettent à produire leurs moyens
d’existence: ils font là un pas qui leur est dicté par leur organisation physique. En produisant leurs moyens d’existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même. »
(L’idéologie allemande Pléiade Philosophie p.1054/1055)
Evidemment, le fait qu’en « produisant leurs moyens d’existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même » c’est du matérialisme vulgaire. Et le fait que Marx dise la même chose dans Le Capital, c’est certainement du matérialisme vulgaire de la maturité! Quand au rejet (p.31 et suivantes Controverses n°1) instinctif plutôt que réfléchi du naturalisme marxiste tel qu’il est précisé dans ce passage comme base de toute historiographie, et dans celui du Capital (p.729) cité plus haut c’est véritablement de l’idéalisme grossier.
Mais continuons et lisons avec attention:
« La façon dont les hommes produisent leurs moyens d’existence dépend en premier lieu, de la nature des moyens d’existence tous trouvés et à reproduire. Ce mode de production n’est pas à envisager sous le seul aspect de la reproduction de l’existence physique des individus. Disons plutôt qu’il s’agit déjà, chez ces individus, d’un genre d’activité déterminé, d’une manière déterminée de manifester leur vie, d’un certain mode de vie de ces mêmes individus. Ainsi les individus manifestent-ils leur vie , ainsi sont-ils.
1/ UN MODESTE PROJET
Dans le texte qui s’intitule « Le matérialisme historique et dialectique » (Controverses n°1) l’auteur, C.Mcl, se propose de commencer un travail extrêmement modeste, à savoir :
« faire œuvre de réappropriation théorique des véritables fondements du marxisme et (…) reprendre le cours de son approfondissement mis entre parenthèses depuis la contrerévolution stalinienne, et ce, dans tous les domaines de la connaissance. » (c’est nous qui soulignons) (p.30)
Il reprend en cela les objectifs indiqués dans l’éditorial qui cite en l’interprétant à sa guise un passage de Bilan. En effet la citation de Bilan rapportée en bas de page dit :
« Octobre 1917 a été possible parce qu’ en Russie existait un parti préparé de longue date, qui avait, au cours d’une série ininterrompue de luttes politiques examiné toutes les questions qui se posèrent au prolétariat russe et mondial après la défaite de 1905. C’est de cette défaite que surgirent les cadres capables de diriger les batailles de 1917. Ces cadres se sont formés au feu d’une critique intense qui visait à rétablir les notions du marxisme dans tous les domaines de la connaissance, de l’économie, de la tactique, de l’organisation: aucun dogme n’arrêta l’œuvre des bolcheviks et c’est justement pour cela qu’ils ont réussi dans leur mission. » (Controverses n°1 p.6)
Nous ne jugerons pas ici de la validité des affirmations de Bilan mais force est de constater que Controverses en modifie le sens. Alors que Bilan parle du Parti Bolchevik et de ses expériences révolutionnaires Controverses confond avec Bilan qui n’a malgré tout pas la même ambition que Controverses et qui montre le Parti Bolchevik et son œuvre de restauration du marxisme comme un exemple que seul un nouveau parti pourrait égaler et sans lequel aucune révolution prolétarienne ne peut triompher. Se comparer à la Fraction constitue déjà une preuve de modestie remarquable, mais aux Bolchéviks… En effet, Controverses dit ceci:
« C’est pour contribuer à déblayer la voie vers la clarification et le
regroupement sur des bases théoriques, politiques et organisationnelles saines que Controverses a vu le jour. En d’autres termes, tout en tenant compte du changement de période qui n’est plus au reflux mais à la reprise historique des combats de classes, notre objectif essentiel est de reprendre ce qui était le souci de Bilan mais qu’il n’a pu mener complètement à bien compte tenu des conditions d’alors : ‘’une critique intense qui visait à rétablir les notions du marxisme dans tous les domaines de la connaissance’’ » (Controverses n°1 p.6)
Ainsi de glissement en glissement on fait dire à Bilan de lui-même ce que Bilan dit des Bolchéviks… Et l’on prétend réaliser ce que Bilan n’a pu faire car les conditions auraient changé favorablement. Peut-on comparer la période historique qui va du début du 20° à la révolution russe de 1917 et à la vague révolutionnaire mondiale que celle-ci à inauguré à la période actuelle? Peut-on comparer sérieusement le milieu révolutionnaire actuel avec les organisations révolutionnaires comme les bolchéviks, les spartakistes et les abstentionnistes italiens? Peut-on comparer Controverses avec les Bolchéviks?! Certainement pas, exception faite de Controverses!
Toutefois, le doute nous saisit…
1° différence: les bolchéviks sont un parti, alors que Controverses ne représente même pas une organisation, puisqu’elle se définit en fonction du projet déjà cité comme « un lieu de débat, un Forum, au sens d’un espace ouvert à tous ceux qui s’inscrivent dans une telle perspective ». Autrement dit tout sauf un parti.
2°différence: les militants de ce parti possédaient une expérience déjà longue de lutte révolutionnaire dans des conditions particulièrement dures (la dictature tsariste). Est-ce le cas des militants de Controverses? Sérieusement, nous ne le pensons pas.
3°différence: les bolchéviks avaient déjà opéré une restauration du marxisme (nous ne prétendons pas étudier ici la question de savoir dans quelle mesure cette restauration fut achevée et complète, ou même véritablement conforme au marxisme authentique sur tous les points) contre les déformations de la social-démocratie, alors que Controverses en est au stade du projet avec le N°1 de sa revue.
4°différence: les bolchéviks ont traversé la révolution de 1905 et la contre-révolution qui s’en est suivie, ils ont enfin triomphé en Octobre 1917 et dirigé la première dictature du prolétariat depuis la commune de
Paris, et malheureusement pour nous la dernière. Ils ont impulsé la création de l’IC, etc. Et Controverses?
5° différence: les bolchéviks avaient une influence réelle sur une partie de la classe ouvrière, même si jusqu’en 1917 il ne s’agissait encore que d’une minorité. L’influence de Controverses semble beaucoup mieux convenir au milieu universitaire. A moins que ce ne soit Controverses qui soit influencé par lui.
Mais Controverses nous annonce sans avoir au préalable fourni quelque argument que ce soit, quelque exemple même, que la période n’est plus au repli mais à la reprise des combats de classe. Or nous pensons que depuis plusieurs décennies il s’agit du contraire. Nous avons souvent entendu cette chansonnette dans le milieu révolutionnaire qui prend souvent ses désirs pour des réalités. Eussent-ils raison, qu’il faudra encore vérifier si ces marxistes, avant de prétendre à « l’approfondissement du marxisme dans tous les domaine de la connaissance » , ont compris le B-A BA du marxisme. Et c’est ici notre seul objectif.
Si nous revenons sur la citation de la page 6 rapportée ci-dessus nous nous rendons également compte que la citation de Bilan est tronquée car elle est extraite d’une phrase de telle manière qu’elle prend un autre sens.
En effet la citation de Bilan dit:
« Ces cadres se sont formés au feu d’une critique intense qui visait à rétablir les notions du marxisme dans tous les domaines de la connaissance, de l’économie, de la tactique, de l’organisation (…) »
Il s’agit donc d’une énumération de différents domaines, dont celui de la connaissance; alors que sous la plume de nos « marxistes» universitaires cela devient, « tous les domaines de la connaissance » ! Ce qui n’est pas du tout la même chose, surtout si l’on se réfère à l’œuvre de Lénine qui traite de la théorie de la connaissance, un aspect déterminé de la philosophie, dont l’objet concernait la critique d’un courant au sein du parti bolchévik qui défendait une conception idéaliste de la connaissance, parfaitement en contradiction avec les présupposés du matérialisme historique. Controverses semble confondre marxisme et scientisme!
Pour Controverses:
« L’Œuvre d’approfondissement permanent du matérialisme historique tel qu’il existait dans le dernier tiers du XIX° siècle jusqu’en 1923 a brusquement pris fin. »
Pourquoi 1923? Nous n’en savons rien. Controverses considère que:
« De tels approfondissements fondamentaux des bases théoriques du marxisme dans toutes ses dimensions ont quasiment disparu du champ du marxisme révolutionnaire et en particulier , de la Gauche Communiste. En effet, les conditions de son époque (1923/1968) et ses faibles forces ne lui ont pas permis d’aller au-delà d’un bilan politique de l’échec de cette première vague révolutionnaire. C’était la priorité de l’heure. Durant près d’un demi siècle , ces groupes et minorités n’ont guère eu l’occasion de traiter et d’approfondir les fondements du marxisme et d’y intégrer les évolutions des sciences et de la société. Certes il existe bien quelques exceptions à ce tableau, mais elles se comptent sur les doigts d’une main d’un manchot. » (Controverses n°1 p.4)
Nous ne savons pas qui est le manchot dans cette histoire, mais quand à nous, les bras nous en tombent:
« approfondir les fondements du marxisme »!
Quel sournois sous-entendu d’une supposée faiblesse de ces mêmes fondements et qui, somme toute, ne diffère guère des prétentions à l’enrichissement, la mise à jour et autre calembredaines révisionnistes. Le révisionnisme Bernsteinien possédait au moins l’avantage de la franchise.
Nous apprenons ici de Controverses qu’il a existé un marxisme révolutionnaire en dehors de la gauche communiste entre 1923 et 1968, certainement celui de la IV° internationale trotskiste… ou bien du conseillisme à la Mattick. Mais encore que cette gauche communiste était si faible qu’elle ne pouvait aller au-delà d’un « bilan politique de l’échec ». Peut-être… mais Controverses n’est pas encore parvenue à établir ce bilan.
Nous apprenons en outre qu’elle n’avait pas « l’occasion de traiter et d’approfondir les fondements du marxisme et d’y intégrer l’évolution des sciences et de la société »! Peut-être… mais Controverses ne fait, comme nous le verrons, que réviser ces fondements et intégrer, non pas l’évolution des sciences dans ces fondements révisés, mais leur
décadence bourgeoise pitoyable. Quand à l’évolution de la société, Controverses n’en perçoit que les apparences les plus trompeuses.
Si nous lisons bien ce que dit ici Controverses, il s’agirait d’approfondir les bases du marxisme. Par conséquent il faut en conclure que ces bases ne sont pas assez solides, et qu’il s’agit de les consolider en les approfondissant. Les bases du marxisme ne sont donc pas assez solides pour Controverses qui a la noble tâche de les approfondir… en les révisant!
On apprend aussi au passage que la vague révolutionnaire qui déferle à partir de 1917 est « la première vague révolutionnaire », découverte certainement due à un résultat de l’évolution des sciences et de la société…
Toujours selon cette citation Controverses nous donne une étrange périodisation relative à une époque qui semble pour cette revue coïncider avec l’existence historique de la Gauche, et qui d’une manière fort aléatoire recouperait celle de la contre-révolution… Il semblerait donc que pour Controverses la contre-révolution non seulement débute en 1923 (?), mais surtout se termine en 1968!
Par conséquent, pour Controverses la gauche communiste n’a pas restauré le marxisme contre la social-démocratie et le stalinisme et n’a pas fourni de travaux d’approfondissement du marxisme ( et non pas de ses bases) durant près de 9 décennies. Le prolétariat attendait un héros pour cette tâche, et il l’a trouvé. Car nul avant Controverses ne pouvait y parvenir! Décidemment il est particulièrement difficile de se débarrasser des « Dühring » quelle que soit l’époque.
2/ LA REAPPROPRIATION OU L’ART DE TOUT EMBROUILLER
Revenons à C.Mcl et à son modeste travail.
L’ennemi principal est d’emblé identifié: le stalinisme. Ce dernier hante notre auteur et il en trouve trace partout. Harnaché comme Don Quichotte il est prêt à s’élancer farouchement contre ce moulin.
Nous nous limiterons quand à nous à essayer d’y voir clair dans la docte « présentation » que donne l’auteur des véritables « concepts
premiers » du marxisme pour les comparer avec les positions de Marx/Engels, et à quelques remarques incidentes dans les domaines de l’histoire, de la philosophie, et parfois de l’économie, car nous avouons ne pas être en mesure de le suivre dans tous les domaines de la connaissance.
Mais pour pouvoir comparer cette présentation avec les positions de Marx/Engels il faudra dans un premier temps l’extraire d’un milieu littéraire particulièrement visqueux.
Son texte s’intitule:
« LE MATERIALISME HISTORIQUE ET DIALECTIQUE »
Il s’agit là encore d’une chose bien étrange pour quelqu’un qui a pour objectif de « faire œuvre de réappropriation théorique des véritables fondements du marxisme » contre les falsifications staliniennes que la ressemblance de ce titre avec celui d’un ouvrage bien connu de … Staline! (« Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique »).
Rappelons au passage que la notion de matérialisme dialectique provient de Plékhanov et qu’elle fut reprise par Lénine, puis Staline avec, chez ce dernier, un tout autre sens que chez Plékhanov lui-même à son corps défendant.
Si déjà la notion de matérialisme dialectique prête à confusion car elle peut être appliquée à toutes sortes de « philosophies », en particulier de l’antiquité grecque ou latine, le fait de parler d’un matérialisme historique « et » dialectique en rajoute une couche… adialectique.
Au-delà du titre lui-même si peu dialectique que nous apprend, à nous, pauvres ignares qui rabâchons beaucoup et développons peu, le texte de C.Mcl?
La principale affirmation de C.Mcl est la suivante:
« l’homme est un animal social », « les hommes nouent entre eux des rapports sociaux », et pour lui ceci est déterminant.
Que l’homme soit un animal social ne fait aucun doute, mais qu’il existe une quantité considérable d’autres espèces animales également sociales, cela ne fait aucun doute non plus et n’importe quel individu de n’importe quel âge le sait sans avoir recours à la science, au marxisme ou
aux textes de C.Mcl. Mais que cela soit déterminant, il faut encore le démontrer!
« Pour Marx les sociétés humaines sont donc pétries de rapports sociaux, c’est-à-dire de rapports que les hommes nouent entre eux dans leur vie sociale (…) » (Controverses n°1 p.30)
Nous apprenons donc du docte C.Mcl que selon Marx les sociétés humaines sont constituées de rapports sociaux… Cela ne nous éclaire guère sur le matérialisme historique et il nous paraît douteux que Marx ait pu avancer de telles tautologies. Mais la suite de la phrase apporte des précisions tout à fait édifiantes sur l’entreprise de réappropriation théorique du marxisme par C.Mcl et Controverses. Ces rapports sociaux qui constituent les sociétés humaines sont des rapports que les hommes nouent entre eux dans leur vie sociale… Il semble évidemment difficile de nouer des rapports sociaux en dehors de la vie sociale.
« c’est la manière de voir ces rapports sociaux que Marx présentera au prolétariat comme l’apport fondamental de sa méthode » (idem p.30)
Par conséquent le propre du marxisme ne consiste pas à affirmer que la société humaine est faite de rapports sociaux, pure tautologie, mais réside dans la manière de voir ces mêmes rapports sociaux.
C’est justement cette manière de voir qu’il convient de définir. Pour comprendre l’histoire des société humaines il faut comprendre non seulement ce qui caractérise mais encore ce qui détermine les rapports sociaux humains.
C.Mcl cite la définition que donne Marx de la nature humaine dans la VI° thèses sur Feuerbach, à savoir qu’elle est l’ensemble des rapports sociaux. Mais là encore on n’est pas arrivé à l’exposition de ce qui caractérise la manière marxiste de voir ces rapports sociaux qui constitue
« l’apport fondamental » de la méthode de Marx. Il s’agit simplement de la critique marxiste du point de vue philosophique qui était celui de Feuerbach, point de vue par ailleurs philosophiquement matérialiste, mais c’est une autre histoire qui nous entraînerait trop loin dans un certain domaine de la connaissance que nous n’avons pas l’intention de vouloir développer ici.
« Dès lors que la nature humaine est un produit social, elle se construit et évolue avec l’histoire des sociétés, elle ne préexiste pas à l’homme, elle résulte de sa propre activité dans le cadre des rapports
sociaux que les hommes ont noué entre eux. C’est ce que Marx et Engels expliqueront dans l’Idéologie allemande » (Controverses n°1 p.30)
Dans ce passage nous apprenons que « la nature humaine ne préexiste pas à l’homme ». Autrement dit qu’elle n’existe pas avant l’homme, ou que l’humain n’existe pas avant l’homme, ou encore l’homme avant l’homme.
Ayant fait ce bond en avant dans la réappropriation du marxisme nous pouvons essayer d’y voir plus clair et de répondre à la question de la détermination des rapports sociaux.
C.Mcl nous dit que la nature humaine se construit avec l’histoire des sociétés, mais il ne nous dit pas ce qui détermine l’histoire des sociétés?
Il nous dit par contre que la nature humaine résulte de l’activité de l’homme « dans le cadre des rapports sociaux que les hommes nouent entre eux ».
Cette formule lui plaît bien décidemment, et nous pensons que son exposition est effectivement noueuse. Il faut par conséquent en dénouer les principales affirmations. Ensuite nous pourrons aller voir si c’est de cela qu’il s’agit, et nous nous permettons d’en douter, dans l’explication que donnent Marx et Engels dans l’Idéologie allemande.
Reprenons les fils noués de son raisonnement: la nature humaine est l’ensemble des rapports sociaux et la nature humaine résulte de l’activité humaine dans les rapports sociaux . Autrement dit la nature humaine est à la fois identique aux rapports sociaux et produit de l’activité humaine dans les rapports sociaux. Nous n’avons toujours pas progressé d’un fil dans la détermination des rapports sociaux, ni dans celle de l’histoire des sociétés humaines. Sinon qu’un nouvel élément s’est subrepticement glissé dans le raisonnement: l’activité humaine. Si la nature humaine est l’ensemble des rapports sociaux et qu’elle est le produit de l’activité humaine, alors on doit en conclure logiquement que les rapports sociaux sont les produits de l’activité humaine et non l’inverse. Or C.Mcl cherche justement à démontrer le contraire, comme nous le verrons plus loin, mais s’enfonce dans des contradictions insolubles au fur et à mesure que les nœuds de son raisonnement se resserrent et, comme nous le verrons également plus loin, en arrive à considérer qu’on ne peut échapper à la contradiction et effectivement il
n’y parvient pas. En cela il fait figure de bon disciple de Proudhon en ce qui concerne la compréhension de la dialectique1.
En quoi consiste essentiellement l’activité humaine c’est bien la question centrale à laquelle nous cherchons vainement la réponse dans le texte de C.Mcl.
Il part ensuite en guerre contre les conceptions idéalistes de l’histoire des sociétés humaines en citant abondamment Marx et Engels, tour à tour les manuscrits de 1844, les thèses sur Feuerbach, l’Idéologie allemande, etc. Et il nous gratifie de tirades d’une obscure clarté du genre de :
« En situant l’essence humaine dans l’ensemble des rapports sociaux que les hommes nouent entre eux dans leurs activités sociales de production de leur existence Marx et Engels sont aux antipodes des théories idéalistes » (Controverses n°1 p. 31)
Or la critique opérée par Marx dans les thèses où il expose cela s’adresse justement à Feuerbach, autrement dit au représentant par excellence du matérialisme philosophique en Allemagne de l’époque. Décidément C.Mcl aime à marcher sur la tête!
Et encore
« Cet énoncé central postulant que la conscience, les productions intellectuelles et l’intelligence rationnelle des hommes sont avant tout un produit de leurs activités dans le cadre des relations sociales qu’ils ont nouées entre eux à un stade donné de la société et de ses forces productives, c’est ce que Marx et Engels avaient déjà énergiquement démontré dans l’Idéologie allemande » ( Controverses n°1 p.31)
Maintenant dénouons et nous verrons par la suite si cela se trouve dans l’Idéologie allemande.
« la conscience, les productions intellectuelles et l’intelligence rationnelle des hommes »
C’est à la fois peu et beaucoup!
Intelligence rationnelle: on doit supposer qu’il existe une intelligence irrationnelle, c’est-à-dire qui ne procède pas d’un
1Voir « Misère de la philosophie » de Karl Marx, mais également la lettre de Marx à Annenkov
raisonnement… Et auquel cas si une telle intelligence existait ne serait- elle pas également un produit de l’activité humaine?
Mais ces productions intellectuelles que C.Mcl appelle justement productions, ne sont-elles pas également et nécessairement des produits de l’activité humaine? Mais alors qu’est-ce qui les distingue des autres productions et des autres produits de l’activité humaine?
Mais C.Mcl précise qu’il s’agit « avant tout » de produits de l’activité humaine. Les autres produits ne seraient-ils pas aussi, à commencer par les productions manuelles des produits « avant tout » de l’activité humaine ?
Il est vrai qu’il précise encore une fois que cette activité opère
« dans le cadre des relations sociales qu’ils ont nouées entre eux », c’est- dire pour faire moins noueux, dans le cadre de rapports sociaux déterminés. Ce qui, nous l’avons vu, ne nous renseigne en rien du tout sur la nature de ces rapports sociaux et encore moins sur celle des activités humaines, et constitue une énième redite parfaitement superfétatoire.
Toutefois on doit tenir compte du fait qu’une détermination nouvelle est venue enrichir la noueuse redondance sur les rapports sociaux. Ceux-ci se sont « noués » à « un stade donné de la société et de ses forces productives ».
Nous ne pouvons évidemment pas savoir ce qui est déterminant du stade donné de la société ou de ses forces productives, car C.Mcl use de préférence de la conjonction de coordination qui met dans la même position le stade donné de la société et le stade donné de ses forces productives. A moins qu’il n’y ait identité, que le stade donné de la société soit celui de ses forces productives. Auquel cas il aurait été préférable de parler tout simplement du stade donné de développement des forces productives de la société. Mais cela ne lui plaît pas et surtout il cherche constamment à prouver le contraire.
La cerise sur le gâteau, particulièrement indigeste au demeurant, c’est de prétendre qu’un tel galimatias constitue un « énoncé central » du marxisme et que « c’est ce que Marx et Engels avaient déjà énergiquement démontré dans l’Idéologie allemande ».
Or la thèse centrale de notre savant auteur c’est que placer à la base du développement historique des sociétés humaines le développement des forces productives est une thèse propre aux travestissements staliniens du marxisme. Travestissements qui, de
surcroît, toujours selon lui, comme nous allons le voir plus loin « se retrouvent jusque dans les conceptions théoriques de certains groupes de la gauche communiste ». En l’occurrence, le CCI…
On comprend bien que C.Mcl puisse avoir des comptes à régler avec cette organisation, et que cela doit avoir un certain rapport avec certaines polémiques liées à certaines crises du CCI. Le problème étant que ni C.Mcl ni le CCI ne nous aident à la « réappropriation des véritables fondements du marxisme », et que, même si le CCI s’en est déjà grandement éloigné, C.Mcl s’en éloigne beaucoup plus encore. Mais jusqu’où ?
Continuons:
« Que l’intelligence de l’homme et de ses productions intelligentes découlent de ses activités, qu’elles évoluent et soient aussi transitoires que ces mêmes activités et les relations sociales dans lesquelles elles prennent place, c’est ce que notaient encore Marx et Engels dans l’Anti- Dühring » (Controverses n°1 p.31)
Nous ne savons pas ce qu’est « l’intelligence » « de ses productions intelligentes », mais nous apprenons qu’elle découle de ses activités. Mais que Marx et Engels l’auraient noté dans l’Anti-Dühring nous nous permettrons d’en douter.
C’est ainsi que C.Mcl, en accord avec l’éditorial de Controverses, a commencé à nous exposer sa « réappropriation » du marxisme. Il nous a présenté les « concepts premiers », « souvent méconnus », de la
« conception matérialiste de l’histoire » et nous devons avouer que nous ne les connaissions pas. Il y a d’ailleurs fort à parier que Marx et Engels ne les connaissaient pas non plus ! Et Marx se serait certainement à nouveau écrié à la lecture de ce broué que si c’était cela le marxisme, alors lui n’était pas marxiste…
3/ LE MATERIALISME DE C.Mcl OU L’ART DE LA VULGARISATION
Après cette exposition du rejet de l’idéalisme, C.Mcl aborde ce qu’il intitule:
« La rupture avec le matérialisme vulgaire »
On doit donc apriori supposer que Marx et Engels sont passés par le matérialisme vulgaire (contrairement à C.Mcl) sinon ils n’auraient pas pu rompre avec lui. Outre que ceci est parfaitement inexact, c’est parfaitement outrecuidant, et de la même veine de modestie, et d’ignorance cultivée dont fait preuve l’ensemble du texte de C.Mcl, et d’ailleurs la revue elle-même. Que cette affirmation grotesque et infâmante pour les fondateurs du matérialisme historique ne soit pas qu’une maladresse le passage suivant le confirme clairement:
« Rejeter l’idéalisme et situer le lieu du problème dans la production matérielle de la vie sociale ne suffit pas pour adopter le point de vue du matérialisme historique. Encore fallait-il aussi rompre avec toutes les variantes vulgaires et bourgeoises du matérialisme. Or le marxisme est très souvent présenté comme étant la détermination en dernière instance par les forces productives. Lorsque l’on sait que c’est justement avec cette vision là que Marx et Engels ont dû rompre pour élaborer leur conception du monde, l’on mesure toute l’ampleur et l’enjeu théorique de cette question. » (Controverses n°1 p.32)
Encore une fois C.Mcl avec sa conjonction de coordination met sur le même plan deux termes qui pourtant n’ont pas du tout la même signification et dont l’articulation n’a plus rien d’historique, ni de dialectique: « les variantes vulgaires et bourgeoises du matérialisme ».
Les variantes vulgaires seraient bourgeoises et les variantes bourgeoises seraient vulgaires? Les variantes bourgeoises du matérialisme sont aussi éloignées à l’origine des variantes vulgaires que la nature révolutionnaire de la bourgeoisie peut l’être de sa nature conservatrice et réactionnaire. Par exemple Vogt est aussi éloigné de D’Holbach que C.Mcl de Karl Marx…
Que le matérialisme vulgaire soit bourgeois c’est un fait avéré par Marx lui-même, mais que le matérialisme bourgeois du XVIII° siècle soit vulgaire, voilà qui est tout à fait erroné et parfaitement contraire non seulement à la réalité mais encore au jugement de Marx/Engels sur le sujet. Le marxisme n’est pas né en rupture avec le matérialisme vulgaire mais par un dépassement de la philosophie.2 Nous y reviendrons.
2Ce dépassement, s’il a du emprunter la forme philosophique fut celle d ’ une critique radicale de la philosophie, et autant une critique du matérialisme que de l’idéalisme. Par conséquent le matérialisme historique n’est plus un matérialisme philosophique, mais un matérialisme pratique et en tant que tel un matérialisme scientifique. A contrario, si le matérialisme vulgaire est un matérialisme de « savants » il n’en demeure pas moins un matérialisme philosophique et de la pire espèce, mécaniste, métaphysique et éclectique. Il suffit de lire un tant soit peu Marx et Engels pour connaitre leur jugement sur ce
Mais passons au meilleur:
« le marxisme est souvent présenté comme étant la détermination en dernière instance par les forces productives » (p. 32)
Si l’on passe sur la maladresse et l’imprécision totale de la formulation, on a bien le noyau de la théorie marxiste que C.Mcl assimile à sa déformation stalinienne et qu’il attribue également au CCI. Mais pour exposer la théorie marxiste il faudrait procéder à certains développements sur cette base a minima et rappeler que le développement des forces productives lui-même dépend selon ce même marxisme des conditions matérielles et naturelles dans lesquelles il a lieu et qui sont- elles-mêmes des produits d‘une histoire, fut-elle géologique. Or nous n’en avons pas ici l’intention, comme annoncé précédemment. D’autant que nous ne le formulerions pas ainsi et que la dialectique du développement des forces productives et des rapports de production n’est qu’une partie du matérialisme historique, celle qui découle d’une période historique de l’humanité dont le communisme constituera le dépassement. Et c’est justement avec ce fondement que selon C.Mcl :
« Marx et Engels ont dû rompre pour élaborer leur conception du monde » (p.32)
Il nous apprend donc que le matérialisme marxiste est une nouvelle conception du monde, mais n’est-ce pas Marx qui affirmait que les philosophes se contentaient de se représenter le monde alors qu’il s’agissait de le transformer?
Effectivement « on mesure toute l’ampleur et tout l’enjeu théorique de cette question »!
La détermination par les forces productives serait donc la variante
« vulgaire et bourgeoise » avec laquelle Marx et Engels ont dû rompre (la dialectique de C.Mcl roule sur cette dure antinomie existentielle, entre nouer et rompre) pour élaborer leur conception du monde, car:
« les forces productives ne sont rien sans l’action sociale des hommes »
(p.32)
dernier, dont les principales expressions littéraire sont d’ailleurs postérieures au matérialisme historique.
Finalement on peut se demander si C.Mcl est véritablement parvenu à « rompre » tant avec l’idéalisme qu’avec le matérialisme vulgaires. Il baigne plutôt dans une « soupe éclectique », par ailleurs tellement réchauffée qu’elle laisse apparaître le fond dans toute sa vacuité:
« le matérialisme chez Marx n’a rien à voir avec une détermination par les choses, par l’économie, par les forces productives, mais par des hommes aiguillonnés et conditionnés par leurs intérêts matériels. » ( idem p.32)
Peut-on se permettre d’essayer d’y voir clair dans un tel verbiage sans lasser notre lecteur ? Car C.Mcl embrouille tout. A présent il met sur le même plan, dans une énumération indifférenciée et toujours aussi confuse, des notions pourtant forts différentes comme les choses et les forces productives et l’économie.
Mais C.Mcl est en lutte contre le matérialisme vulgaire… et nous apprend que la base du matérialisme marxiste n’est pas constituée par les forces productives mais par les intérêts matériels des hommes. Autrement dit ce n’est pas la prise en compte des moyens de répondre à ces intérêts matériels mais ces intérêts eux-mêmes qui caractériseraient le matérialisme marxiste! Le matérialisme vulgaire consisterait à tenir compte des capacités productives de l’homme alors que le marxisme lui mettrait au premier plan les intérêts matériels… On comprend dès lors comment ce matérialisme « marxiste », contrairement au matérialisme vulgaire serait à même d’expliquer ce qui caractérise les rapports sociaux et ce qui détermine leur évolution historique. En partant des intérêts matériels des hommes on comprend tout.
Une question nous tarabuste toutefois: qu’est-ce qui caractérise les intérêts matériels des hommes? Est-ce manger boire et se reproduire? Auquel cas, qu’est-ce qui les distingue de ceux des autres espèces sociales? N’est-ce pas justement les moyens humains spécifiques mis en œuvre pour y répondre ? N’est-ce pas précisément les forces productives de l’humanité?
Une autre question nous vient à l’esprit: les intérêts matériels des hommes sont-ils déterminés apriori ? Et demeurent-ils identiques au cours de l’histoire des sociétés humaines ? Finalement peu importe que l’homme possède des outils de pierre ou des machines laser, ce qui compte ce sont les intérêts matériels des hommes… Que le travail humain
en tant que force productive par excellence soit plus ou moins productif ne compte pas pour le matérialisme marxiste de C.Mcl, ce qui compte se sont les intérêts matériels ni plus ni moins. Mais n’est-ce pas là du matérialisme archi vulgaire ?!
Décidemment C.Mcl n’aime pas les forces productives, au premier rang desquelles, pourtant, figurent les producteurs eux-mêmes! Mais on apprend surtout que l’économie, ramenée au rang de chose, tout comme les forces productives, et par conséquent les producteurs eux-mêmes, ne détermine pas l’histoire des hommes, car ce sont les hommes
« conditionnés par leurs intérêts matériels » qui la détermine… L’économie s’oppose ici aux intérêts matériels. Comprenne qui pourra. Car C.Mcl ne peut pas imaginer échapper aux contradictions, comme nous l’avons déjà signalé et le verrons précisément plus loin.
« Ce que Marx et Engels entendaient (…) ce n’est pas que le matérialisme serait une détermination par les forces productives - cela c’est du matérialisme vulgaire - ; ce qu’ils entendaient par ‘production et reproduction de la vie réelle’, c’est un ensemble de rapports sociaux contradictoires que les hommes nouent entre eux dans la production de leur existence. C’est là que réside la détermination en dernière instance chez Marx et Engels : non pas dans son sens vulgaire d’hommes objets déterminés par la matière , mais des hommes sociaux mus par des intérêts matériels. » ( Controverses n°1 p.32)
Il est important de relever sous le flot incessant des répétitions des truismes ou des contre vérités sous la plume de notre auteur les nouveautés qui se glissent subrepticement dans le texte. Ici il nous dit que:
« c’est un ensemble de rapports sociaux contradictoires que les hommes nouent entre eux dans la production de leur existence. »
A l’en croire, ce n’est donc pas entre les forces productives à un certain moment de leur développement et les rapports de production qu’opère la contradiction, mais entre les rapports sociaux eux-mêmes. On ne comprend pas dès lors comment ces rapports peuvent correspondre aux intérêts matériels des hommes qui les nouent entre eux. On ne voit pas pourquoi les rapports sociaux que les hommes nouent entre eux dans
la production de leur existence ne correspondraient pas à leurs intérêts matériels. Quels intérêts matériels poussent donc les hommes à nouer des rapports sociaux contradictoires? Cela paraît parfaitement absurde, surtout eut égard à la nature foncièrement sociale de l’homme dont C.Mcl nous rebat les oreilles depuis le début. A moins de supposer que les contradictions sociales ont toujours existé et existerons toujours, qu’elles font partie de la nature humaine. Autrement dit, d’après sa propre définition de la nature humaine qu’il emprunte aux thèses sur Feuerbach, que la nature contradictoire des rapports sociaux humains en constitue une caractéristique inhérente, éternelle et indéterminée.
De là à supposer l’éternité des classes sociales il n’y a qu’un pas… Mais C.Mcl est persuadé, lui, d’avoir fait un pas supplémentaire
dans l’exposition des « concepts premiers » du matérialisme historique et dans la « réappropriation théorique des véritables fondements du marxisme », et par là-même dans la destruction glorieuse d’un premier moulin du stalinisme:
« Ce sont donc bien les contradictions sociales entre les hommes (« le régime de l’antagonisme de classes ») qui constituent le moteur de l’histoire, qui « développent les forces productives », et non pas les forces productives qui seraient à la base de l’évolution des sociétés comme le stalinisme l’a répandu. Conception qui est malheureusement reprise et véhiculée par certains au sein de la gauche communiste. » (Controverses n°1 p.32)
Outre que l’accusation de stalinisme est devenue une manie entre groupuscules du pitoyable milieu issu des crises successives du CCI on peut mesurer à quel point C.Mcl ne comprend pas de quoi il parle et méconnaît tant le B-A BA du marxisme que sa déformation stalinienne. Nous verrons plus loin en quoi elle consiste réellement, et comment, justement la critique de C.Mcl ne fait que s’éloigner encore plus du marxisme que le stalinisme lui-même, renouant avec les pires âneries des Proudhon et Dühring .
Alors que C.Mcl reproche aux staliniens et à leurs prétendus disciples dans la gauche de ramener le matérialisme marxiste aux choses et à l’économie, mais plus horrible encore les hommes à « des hommes objets déterminés par la matière », il leur oppose des « hommes sociaux mus par des intérêts matériels »…
Heureusement que C.Mcl a déjà démoli le moulin de l’idéalisme dans la première partie de son cours magistral! Car selon lui les hommes ne sont pas déterminés par la matière mais par des intérêts matériels. Or si l’homme n’est pas déterminé par la matière qui le compose cela signifie qu’il s’est affranchi de celle-ci, autrement dit de sa propre conformation matérielle et par conséquent de ses besoins matériels.
Mais il a aussi démoli un autre moulin, celui du matérialisme vulgaire: ce ne sont pas de vulgaires besoins matériels déterminés par une vulgaire nature matérielle qui déterminent les hommes. Ce sont des
« intérêts » matériels.
Appelant « Le Capital » à la rescousse, il pense enfoncer définitivement le clou de sa thèse, c’est-dire que le développement des forces productives ne détermine pas l’évolution historique des rapports sociaux, ce qui serait la thèse du stalinisme, mais qu’il s’agit en fait de l’inverse, et que c’est là la véritable thèse fondamentale du matérialisme historique.
« Quelle que soient les formes sociales de la production, les travailleurs et les moyens de production en restent toujours les facteurs. » (citation du Capital livre II tome I éditions sociales p.38)
Autrement dit les forces productives.
Le lecteur peut juger de la parfaite incohérence de C.Mcl et de sa propension à illustrer ses affirmations par des citations qui disent absolument le contraire.
Continuons la citation:
« Mais les uns et les autres ne le sont qu’à l’état virtuel tant qu’ils se trouvent séparés. Pour une production quelconque , il faut leur combinaison. C’est la manière spéciale d’opérer cette combinaison qui distingue les différentes époques économiques par lesquelles la structure sociale est passée. »
(Capital livre III tome I éditions sociales p38)
Il n’est pas question ici de la détermination historique mais de la
« distinction » entre formes historiques de la production. Ce qui est fort différent. En outre, comme Marx l’indique dans les Grundrisse (Formes précapitalistes), ce n’est pas l’unité entre ces facteurs, les producteurs et
leurs conditions ou moyens de production, mais leur séparation qui demande à être expliquée. Et l’on explique rien en invoquant de manière obsessionnelle les rapports sociaux et leurs contradictions.
Citons à notre tour Le Capital de Karl Marx :
« Dans tous les cas il y a une chose bien claire: la nature ne produit pas d’un côté des possesseurs d’argent ou de marchandises, et de l’autre des possesseurs de leurs propres forces de travail purement et simplement. Un tel rapport n’a aucun fondement naturel, et ce n’est pas non plus un rapport social commun à toutes les périodes de l’histoire. Il est évidemment le résultat d’un développement historique préliminaire, le produit d’un grand nombre de révolutions économiques, issues de la destruction de toute une série de vieilles formes de production sociale. »
(Le Capital Livre I Section II Chapitre 6: « Achat et vente de la force de travail». Editions Gallimard Economie I p.717/718)
Et notons au passage que les rapports sociaux capitalistes ne sont pour Marx que « le résultat du développement historique », « le produit d’un grand nombre de révolutions économiques », et rappelons nous ce que nous disait C.Mcl plus haut, à savoir que le marxisme n’a rien à voir avec une détermination historique par l’économie! Mais économie, forces productives, moyens de production, matière, choses, sont pour lui autant de vulgarités matérialistes et staliniennes.
Finalement on doit constater qu’après avoir réduit les forces productives aux moyens de production, les moyens de production aux instruments et les instruments aux choses il est parvenu à caricaturer à tel point son adversaire dont, par ailleurs, il ne comprend pas la véritable nature, qu’il ne peut lui-même qu’exprimer une caricature de marxisme.
Marx part du travail humain:
« L’usage ou l’emploi de la force de travail, c’est le travail. » (idem Section III Chapitre 7 « Production de valeurs d’usage et production de la plus-value » p.727)
Activité indispensable pour répondre aux besoins fondamentaux physiologiques de l’homme, il est un procès qui met en jeu divers éléments constitutifs que le marxisme désigne sous le terme générique de
« forces productives ». Ainsi la force de travail constitue la principale force productive, la force musculaire, nerveuse etc. que l’humain
travaillant dépense en vue d’obtenir la satisfaction de ses besoins. Mais cette force elle-même ne serait rien d’autre que la force animale, même sociale, si elle ne s’appuyait pas sur des productions qui améliorent et développent la force productive du travail humain, productions qui sont caractéristiques du travail humain:
« Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. » (idem p.727/728)
Voyons plus précisément ce qui caractérise ce travail «exclusivement » humain et comment se présente le procès de travail:
« Voici les éléments simples dans lesquels le procès de travail se décompose : I° activité personnelle de l’homme ou travail proprement dit ; 2° objet sur lequel le travail agit ; 3° le moyen par lequel le travail agit. »
(idem p.728)
Marx ayant déjà défini au préalable la force de travail il passe directement à la définition de l’objet:
« La terre (et sous ce terme, au point de vue économique, on comprend aussi l’eau), de même qu’elle fournit à l’homme, dès le début des vivres tout préparés, c’est aussi l’objet universel de travail qui se trouve là sans son fait. Toutes les choses que le travail ne fait que détacher de leur connexion immédiate avec la terre sont des objets de travail de par la grâce de la nature; Il en est ainsi du poisson que la pêche a arraché à son élément de vie, l’eau ; du bois abattu dans la forêt primitive; du minerais extrait de sa veine. L’objet déjà filtré par un travail antérieur, par exemple le minerai lavé, s’appelle matière première. Toute matière première est objet de travail, mais tout objet de travail n’est point matière première; il ne le devient qu’après avoir subi déjà une modification quelconque effectuée par le travail. » (idem p.728/729)
Ensuite il développe amplement sur les moyens:
« Le moyen de travail est une chose un ensemble de choses que l’homme interpose entre lui et l’objet de son travail comme conducteurs de son action. Il se sert des propriétés mécaniques, physiques, chimiques de certaines choses pour les faire agir comme forces sur d’autres choses, conformément à son but. Si nous laissons de côté la prise de possession de subsistances toutes trouvées - la cueillette des fruits par exemple, ou se sont les organes de l’homme qui lui servent d’instrument - nous voyons que le travailleur s’empare immédiatement, non pas de l’objet, mais du moyen de son travail. Il convertit ainsi des choses extérieures en organes de sa propre activité, organes qu’il ajoute aux siens de manière à allonger, en dépit de la Bible, sa stature naturelle. » (idem p729)
Arrêtons-nous un instant sur ce passage. Si Marx avait vécu au 21° siècle même l’exemple qu’il choisit comme exception à la règle qu’il expose n’en serait plus une puisque dans beaucoup de cas dans l’agriculture industrielle ce sont désormais des machines qui servent à opérer le travail de la cueillette. Mais surtout il convient de souligner que la conception de Marx est parfaitement cohérente dans le temps et que cette manière de concevoir les moyens du travail comme organes de l’activité de l’homme rejoint parfaitement ce qu’il avait exposé dans les manuscrits de 1844 comme dialectique entre l’homme et la nature. Et surtout qu’elle constitue le véritable fondement du matérialisme historique, englobant la dialectique du développement des forces productives et des rapports de production. La suite de ce passage est parfaitement clair en ce qui concerne la nature et l’importance déterminantes des moyens de travail pour l’homme et son histoire:
« Comme la terre est son magasin de vivres primitif , elle est aussi l’arsenal de ses moyens de travail. Elle lui fournit, par exemple, la pierre dont il se sert pour frotter, trancher, presser, lancer, etc. La terre elle- même devient moyen de travail, mais ne commence pas à fonctionner comme tel dans l’agriculture sans que toute une série d’autres moyens de travail soit préalablement donnée. Dès qu’il est tant soit peu développé, le travail ne saurait se passer de moyens déjà travaillés. Dans les plus anciennes cavernes on trouve des instruments et des armes de pierre. A côté des coquillages, des pierres, des bois et des os façonnés, on voit figurer au premier rang parmi les moyens de travail primitifs l’animal dompté et apprivoisé, c’est-à-dire déjà modifié par le travail. L’emploi et la création de moyens de travail, quoiqu’ils se trouvent en germe chez quelques espèces animales, caractérisent éminemment le travail humain.
Aussi Franklin donne-t-il cette définition de l’homme: l’homme est un animal fabricateur d’outils, a bookmaking animal. Les débris des anciens moyens de travail ont pour l’étude des formes économique des sociétés disparues la même importance que la structure des os fossiles pour la connaissance de l’organisation des races éteintes. Ce qui distingue une époque économique d’une autre, c’est moins ce que l’on fabrique que la manière de fabriquer, les moyens de travail par lesquels on fabrique. Les moyens de travail mesurent le degré de développement du travailleur, et indiquent les rapports sociaux dans lesquels il travaille. » (c’est nous qui soulignons!) (idem p.729 à 731)
Lorsque l’on définit ainsi les moyens de production on peut faire encore de nombreuses distinctions, mais c’est encore le développement des forces productives qui détermine l’importance de chacune d’elles:
« Cependant les moyens mécaniques, dont l’ensemble peut-être nommé le système osseux et musculaire de la production, offrent des caractères bien plus distinctifs d’une époque économique que les moyens qui ne servent qu’à recevoir et à conserver les objets ou produits du travail, et dont l’ensemble forme comme le système vasculaire de la production, tels que, par exemple, vases, corbeilles, pots et cruches, etc. Ce n’est que dans la fabrication chimique qu’ils commencent à jouer un rôle plus important. » (idem p.731)
En outre, notons qu’avec la fabrication chimique nous n’avons pas à faire à de simples « choses » mais à certaines de leurs propriétés. Ici entre en ligne de compte ce que le marxisme appelle le travail universel, dont les productions constituent à leur tour des forces productives, et des forces généralement immatérielles, comme les formules scientifiques, les théorèmes etc.! Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin, et poussons jusqu’à la fin de cette page 731, car dans les moyens de travail il ne faut pas oublier les infrastructures et en particulier les voies de transport et de communication qui permettent de « nouer » des relations sociales nouvelles, parmi lesquelles les échanges marchands :
« Outre les choses qui servent d’intermédiaires, de conducteur de l’action de l’homme sur son objet, les moyens de travail comprennent , dans un sens plus large, toutes les conditions matérielles qui, sans entrer directement dans ses opérations, sont cependant indispensables ou dont l’absence rendrait le procès défectueux. L’instrument général de ce genre est encore la terre,, car elle fournit au travailleur le locus standi, sa base fondamentale et à son activité le champs où elle peut se déployer, son field of employment. Des moyens de travail de cette catégorie, mais déjà
dus à un travail antérieur, sont les ateliers, les chantiers, les canaux, les routes etc. » (p.731)
Et:
« Si l’on considère l’ensemble de ce mouvement au point de vue de son résultat, du produit, alors tous les deux, moyen et objet de travail, se présentes comme moyens de production, et le travail lui-même comme travail productif. » (p.731)
Nous avons là l’ensemble de nos forces productives à l’exception des rapports sociaux de production, qui, dans la mesure où ils stimulent leur développement, constituent à leur tour une force productive, comme l’effet d’une cause peut devenir à son tour dans toute bonne dialectique lui-même cause d’un nouvel effet. Il faut concevoir les rapports sociaux de production comme la forme sous laquelle les forces productives se développent. Alors que C.Mcl inverse le phénomène et marche entièrement sur la tête. Les forces productives deviennent chez lui la forme que revêtent les rapports sociaux.
Pourtant il faut de l’entêtement idéaliste ou bien une particulière propension à lire de travers pour occulter ce que dit Marx dans la Préface à la Contribution :
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté. (c’est nous qui soulignons)»
Avant de poursuivre la citation arrêtons nous sur cette première phrase.
Les rapports noués entre eux par les hommes dans la production sociale de leur existence sont déterminés. Il faut donc se demander par quoi. Ils sont de surcroît nécessaires. Et nous devons répondre à la question pourquoi? Enfin ils indépendants de leur volonté. Là encore, pourquoi?
4/ LA DIALECTIQUE DE C.Mcl OU L’ART DE SE CONTREDIRE
« Au début étaient les rapports sociaux »
Si l’on cherche a comprendre ce que C.Mcl entend par forces productives les choses sont très claires, ce sont les moyens de production. Et les moyens de productions ce sont les instruments de production. Et les instruments de production se sont des choses matérielles, donc vulgaires comme la matière en général. C’est-à-dire qu’il définit justement les forces productives comme le stalinisme qu’il veut pourfendre. Soit qu’il prenne celui-ci pour argent comptant ou bien qu’il s’en fasse une idée fausse. A ce stade cela n’a aucune sorte d’importance. Ce qui importe à ses yeux c’est d’essayer de prouver que faire du développement des forces productives la détermination des différents rapports sociaux historiques, c’est du matérialisme vulgaire et c’est du stalinisme. Selon lui c’est exactement le contraire: les rapports sociaux déterminent les forces productives.
Le lecteur se dira que nous avons vu et revu cet aspect des choses, mais il n’a malheureusement pas encore tout vu. Nous avons vu surtout que C.Mcl donnait des définitions successives et variables, généralement tautologiques de ce qu’il entendait par rapports sociaux et que ces différentes définitions s’agrémentaient au fil de l’eau de notions nouvelles subrepticement introduites au point de contredire chaque définition précédente. En voici une autre mouture:
« Autrement dit, les machines, les forces productives, ne font rien par elles-mêmes, ce sont les hommes qui les actionnent dans le cadre de leurs rapports sociaux. Telle est la différence entre le matérialisme vulgaire (la détermination par les choses) et le matérialisme historique et dialectique qui est constitué par un ensemble de rapports sociaux noués par les hommes mus par leurs intérêts matériels. » (Controverses n°1 p.32)
C’est donc à présent le matérialisme historique lui-même qui est constitué de rapports sociaux! Mais surtout, en dernière instance ces rapports sont déterminés eux-mêmes par les intérêts matériels des hommes.
Partant de cette affirmation il pense avoir rétablit les justes fondements du matérialisme historique dont il nous donne quelques exemples d’application à l’histoire des sociétés humaines en s’appuyant sur les « analyses de Marx » ou tout au moins ce qu’il interprète comme telles.
Commençons par la société antique:
« C’est l’évolution de ce rapport social esclavagiste , c’est-à-dire de l’antagonisme de classe entre les maîtres et les esclaves autour de l’appropriation du surtravail de ces derniers, qui fit évoluer la société antique et ses forces productives. » (idem p.33)
Est-ce bien cela que l’on trouve dans « les analyses de Marx » ? Dans sa préface à la deuxième édition allemande du 18 Brumaire,
Marx fait une autre analyse:
« En fin de compte, j’espère que cet ouvrage contribuera à écarter le terme couramment employé aujourd’hui, particulièrement en Allemagne de césarisme. Dans cette analogie historique superficielle, on oublie le principal, à savoir que, dans l’ancienne Rome, la lutte des classes ne se déroulait qu’à l’intérieur d’une minorité privilégiée, entre les libres citoyens riches et les libres citoyens pauvre, tandis que la grande masse productive de la population, les esclaves ne servaient que de piédestal passif aux combattants. » (p. 11 éditions sociales)
Dans une note de bas de page, C.Mcl se contredit une fois de plus en rappelant que:
« dans le Capital, Marx rappelle que toute l’histoire romaine est celle de l’expropriation toujours plus large des petits producteurs agraires au profit de propriétaires fonciers de plus en plus puissants » (Controverses n°1 p33 note 131)
Puis citant ce même Capital:
« La moindre connaissance de l’histoire de la République romaine, par exemple fait voir que le secret de cette histoire , c’est l’histoire de la propriété foncière. » (idem)
Outre que ce passage concerne le République et non l’Empire, et encore moins « toute l’histoire romaine », Marx y met l’accent sur l’histoire de la propriété foncière et non sur les rapports entre maîtres et esclaves. Or on ne peut pas comprendre cette histoire sans se référer au développement des forces productives et aux conditions géo-historiques de leur développement.
Si l’on veut pouvoir donner une explication au développement de l’esclavage tout comme d’ailleurs à son dépérissement, on ne peut que se tourner vers le développement des forces productives. Non seulement ce développement entraîne de nouvelles divisions du travail mais encore un nouveau rapport à la nature, et par conséquent, de nouveaux rapports sociaux de production. Voici ce qu’en dit le « général » Engels:
« Un pas encore et nous voici au stade supérieur de la barbarie, période durant laquelle tous les peuples civilisés passent par leurs temps héroïques: l’âge de l’épée de fer, mais aussi de la charrue et de la hache de fer. Le fer était entré au service de l’homme, la dernière et la plus importante des matières premières qui jouèrent dans l’histoire un rôle révolutionnaire, la dernière jusqu’à… la pomme de terre. [voyez à quel point Engels fait preuve de matérialisme vulgaire!] Le fer permit la culture des champs sur de plus vastes surfaces, le défrichement de plus grandes étendues forestières; il donna à l’artisan un outil d’une dureté et d’un tranchant auquel ne résistait aucune pierre, ni aucun autre métal connu. »
(« L’origine de la famille » éditions sociales p.170)
La suite de la citation montre en outre que le développement des forces productives constitue un progrès et que celui-ci, même s’il ne s’impose que lentement et connaît des interruptions s’affermit et finit par s’accélérer:
« Tout cela petit à petit: souvent encore, le premier fer était moins dur que le bronze. Aussi l’arme de silex ne disparut-elle que lentement ; ce n’est pas seulement dans la Chanson de Hildebrand, mais aussi à Hasting en l’an 1066, que des haches de pierre livrèrent encore bataille. Mais le progrès, moins souvent interrompu et plus rapide chemina dès lors irrésistiblement. » (idem p.170/171)
La seule chose qui peut entraver ce progrès irrésistible, c’est la pesanteur des vieux rapports sociaux dépassés et toute la vieille idéologie qui les reflète. A quel point le développement des forces productives entraîne un bouleversement dans l’ensemble de la société et détermine le passage d’une forme sociale à une autre, Engels nous l’expose avec une parfaite évidence, dans le passage à ce qu’il nomme, à la suite de Morgan, le stade supérieur de la barbarie sous l’impulsion de l’utilisation du fer :
« La ville enfermant dans des murailles, dans des tours et des
créneaux de pierre ou de brique, devint le siège central de la tribu ou de la confédération de tribus; progrès capital en architecture, mais signe aussi du danger accru et du besoin accru de protection. La richesse augmenta rapidement, mais en tant que richesse individuelle; le tissage, le travail des métaux et les autres métiers qui se différenciaient de plus en plus donnaient à la production une variété et un perfectionnement croissant; désormais, à côté des céréales, des légumineuses et des fruits, l’agriculture fournissait aussi l’huile et le vin qu’on avait appris à préparer. Une activité si diverse ne pouvait plus être pratiquée par un seul et même individu: la deuxième grande division du travail s’effectua: l’artisanat se sépara de l’agriculture. » ( idem p.171)
Sur un telle base matérielle on peut comprendre le surgissement des rapports sociaux esclavagistes proprement dit et surtout la genèse d’un mode de production esclavagiste dans l’antiquité:
« l’accroissement constant de la production et, avec elle de la productivité du travail accrut la valeur de la force de travail humaine; l’esclavage qui, au stade antérieur , était encore à l’origine et restait sporadique, devient maintenant un composant essentiel du système social; les esclaves cessent d’être de simples auxiliaires; c’est par douzaines qu’on les pousse au travail dans les champs et à l’atelier. » (idem p.171)
Nous devons continuer à suivre C.Mcl dans sa dialectique historique et aborder le féodalisme:
« C’est l’évolution de ce rapport social servile, c’est-à-dire l’antagonisme de classe entre les serfs et les seigneurs autour de l’appropriation de la rente agricole qui fait évoluer la société féodale et ses forces productives. » (Controverses n°1 p.33)
Supposons que cette affirmation soit exacte, nous verrons ultérieurement ce qu’il en est, il n’en reste pas moins que tout dépend de la forme sous laquelle cette rente se manifeste et de la manière dont elle est consommée. Or c’est encore le développement des forces productives qui peut déterminer la forme naturelle ou argent de la rente et son mode de consommation, productif ou improductif, etc.
Avant de développer ce point, demandons-nous, ce que C.Mcl ne fait évidemment jamais, qu’est-ce qui a pu déterminer l’apparition dans l’histoire de nouveau rapports sociaux, en l’occurrence, à la place des rapports esclavagistes, ceux du servage féodal?
Nous interrogerons encore une fois Engels à ce sujet. Et c’est dans l’évolution des forces productives à la fin du monde antique esclavagiste que nous trouverons l’origine du servage:
« L’agriculture, branche de production essentielle dans tout le monde antique, l’était redevenu plus que jamais. En Italie, les immenses domaines (latifundia) qui, depuis la fin de la République, couvraient presque tout le territoire, avaient été exploités de deux façons: soit en pâturages, où la population était remplacée par des moutons ou des bœufs, dont la garde n’exigeait que peu d’esclaves; soit en villas, où une foule d’esclaves faisaient de l’horticulture en grand, tant pour le luxe du propriétaire que pour la vente sur les marchés urbains. Les grands pâturages s’étaient maintenus et sans doute même agrandis,; les domaines des villas et leur horticulture avaient dépéri du fait de l’appauvrissement de leurs propriétaires et du déclin des villes. L’exploitation des latifundia basée sur le travail des esclaves, n’était plus rentable (c’est nous qui soulignons), mais, à cette époque c’était l’unique forme possible d’agriculture en grand. »
( L’origine de la famille p.157)
Si l’introduction de l’esclavage comme mode de production fut rendu possible par un certain développement des forces productives et déterminé par lui dans certaines conditions géo-historiques, comme nous l’avons vu auparavant, ce mode fut à son tour un facteur de ce développement. Son abandon répond aux même déterminisme historique, n’étant plus rentable, il fut abandonné au profit d’un autre mode d’exploitation agricole qui permit ultérieurement, lorsqu’il fut débarrassé des vieux oripeaux de l’antiquité déclinante un nouveau développement des forces productives.
« La petite agriculture était redevenue la seule forme rémunératrice. L’une après l’autre les villas furent morcelées en petites parcelles et remises à des fermiers héréditaires qui payaient une certaine somme , ou à des partiarii , gérants plutôt que fermiers, qui recevaient pour leur travail un sixième ou même seulement un neuvième du produit annuel. Mais, dans la plupart des cas , ces petites parcelles de terre furent confiées à des colons qui , en échange, payaient chaque année une somme fixe, étaient attachés à la glèbe et pouvaient être vendus avec leur parcelle
; ils n’étaient pas à vrai dire, des esclaves, mais ils n’étaient pas libre non plus, ne pouvaient pas se marier avec des femmes de condition libre, et leurs unions entre eux n’était pas considérée comme des mariages pleinement valables , mais ainsi que celles des esclaves, comme un
simple concubinage (contubernium). Ils furent les précurseurs des serfs du moyen-âge. » (idem. P.157)
Et si l’on veut comprendre la disparition du servage, disparition qui opéra au sein même de la société féodale bien avant que ne s’imposent les rapports sociaux capitalistes et la nouvelle société bourgeoise, on doit encore faire appel aux forces productives et à l’économie. Dès le XIII° siècle en Allemagne, la nécessité de mettre en culture de nouvelles terres impulsa une transformation du servage en simple corvée:
« Le servage du début du moyen-âge qui se rapprochait par maints traits de l’esclavage antique accordait au seigneur des droits qui perdirent constamment de leur valeur. Il disparut graduellement , la condition de serf rejoignit celle de simple corvéable. Etant donné que l’exploitation agricole conservait tout à fait son aspect archaïque, les seigneurs terriens ne pouvaient obtenir l’augmentation de leurs revenus que par le défrichement de terres nouvelles, par l’installation de nouveaux villages. Mais pour atteindre ces buts il fallait nécessairement un arrangement à l’amiable avec les colons, qu’ils soient corvéables, appartenant au domaine , ou étrangers. » (idem La Marche p.318) 3
Certain d’avoir démontré la validité de sa thèse C.Mcl s’exclame:
« Les rapports sociaux constituent donc bien les briques les plus élémentaires du matérialisme historique, les matériaux de base de l’analyse marxiste. C‘est pourquoi Marx - suivi par tous les grands marxistes à sa suite - affirmera que « ce sont les hommes qui font leur propre histoire ». (p.34)
On comprendra aisément que C.Mcl se situe lui-même dans la lignée des grands marxistes, mais la citation dit exactement le contraire de ce que C.Mcl veut lui faire dire, car justement Marx précise que:
« Les hommes font leur propre histoire, mais il ne la font pas de plein gré, dans des circonstances librement choisies; celles-ci , ils les trouvent au contraire toutes faites, données, héritage du passé » (cité par C.Mcl p.34)
Cela signifie qu’ils font leur propre histoire déterminés par des conditions matérielles dont ils héritent.
3Nous convions le lecteur à relire le texte « Dialectique des forces productives et des rapports de production dans la théorie marxiste » RIMC n°11 .
C.Mcl cite alors aussitôt la 3° thèse sur Feuerbach. Mais celle-ci n’avait pour objet que de démontrer la contradiction dans laquelle la philosophie matérialiste bourgeoise des lumières dont Feuerbach s’inspirait tombait lorsqu’ils affirmaient que les hommes étaient des produits des circonstances et de l’éducation. Ce que Marx développe dans le 18 Brumaire, c’est justement cette dialectique marxiste entre le développement des forces productives et les rapports de production qui horrifie notre auteur.
Citons au sujet du 18 Brumaire un des ces grands marxistes dont parle C.Mcl:
« Ce fut précisément Marx qui découvrit le premier la loi d’après laquelle toutes les luttes historiques, qu’elles soient menées sur le terrain politique, religieux, philosophique ou dans tout autre domaine idéologique, ne sont en fait que l’expression plus ou moins nette des luttes des classes sociales, loi en vertu de laquelle l’existence de ces classes et par conséquent aussi leur collisions sont à leur tour , conditionnées par le degré de développement de leur situation économique, par leur mode de production et leur mode d’échange qui dérive du précédent. Cette loi, qui a pour l’histoire la même importance que la loi de la transformation de l’énergie pour les sciences naturelles lui fournit ici également la clef pour la compréhension de l’histoire de la II° République française. »
(F.ENGELS préface à la 3° édition allemande de 1885 à « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte » de K.MARX p14 éditions sociales 1969)
Il tente alors de se raccrocher à une nouvelle phrase coupée de son contexte et mille fois ressassée par tous les « grands marxistes » de son espèce:
« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes »
Outre que Marx et Engels amèneront plus tard des précisions qui relativise cette affirmation (voir la note d’Engels dans l’édition allemande de 1888 p.30 éditions sociales 1976) , affirmation qu’il faut replacer dans le contexte d’un manifeste de combat et d’un outil de propagande et d’agitation, la suite du texte montre comment la société de classe évolue à partir du développement des forces productives. Donnons-en un tout petit aperçu:
« Nous avons vu que les moyens de production et d’échange sur la base desquels s’est édifiée la bourgeoisie ont été créés dans le cadre de la société féodale. A un certain stade d’évolution de ces moyens de production et d’échange , les rapports dans le cadre desquels la société féodale produisait et échangeait, l’organisation sociale de l’agriculture et de la manufacture, en un mot les rapports féodaux de propriété, cessèrent de correspondre aux degré de développement déjà atteint par les forces productives. Ils entravaient la production au lieu de la stimuler. Ils se transformèrent en autant de chaînes . Il fallait briser ces chaînes. On les brisa. »
(Le manifeste du parti communiste éditions sociales 1976 p.37/38)
Evidemment ce sont les hommes eux-mêmes qui ont brisé ces chaînes, certains hommes contre d’autres hommes, et non pas des extra-terrestres. Tout comme se sont les hommes qui développent les forces productives. Mais C.Mcl veut surtout se débarrasser du déterminisme économique qui choque sa conscience de petit bourgeois.
Encore une fois C.Mcl mélange tout et sa dialectique ne casse pas des briques… contrairement au scénario d’un vieux film situationniste.
C.Mcl se lance alors dans une démonstration formidable où il éternise les contradictions sociales en faisant tour à tour appel à l’éthologie, à l’anthropologie, la philosophie etc.
Voyons l’argument éthologique:
« Les prémisses de ces contradictions existent déjà chez nos cousins, les singes supérieurs » (p.34)
Ce qui suppose que C.Mcl a résolu le difficile problème phylétique des rapports entre hominidés et grands singes ( ou si l’on préfère entre homininés et grands singes), ayant tranché pour l’antériorité historique des seconds sur les premiers. Nous ne nous y aviserons pas.
En recourant à la philosophie il cherche à se justifier en opposant contradictions et antagonismes, mais souvenons-nous de ce passage que nous avons déjà cité de la p.32 de Controverses n°1:
« Ce sont donc bien les contradictions sociales entre les hommes (« le régime de l’antagonisme de classes ») qui constituent le moteur de
l’histoire, qui « développent les forces productives », et non pas les forces productives qui seraient à la base de l’évolution des sociétés comme le stalinisme l’a répandu. Conception qui est malheureusement reprise et véhiculée par certains au sein de la gauche communiste. » (Controverses n°1 p.32
Dans ce passage antagonismes de classes et contradictions sociales y sont synonymes! Alors où se situe la contradiction!! Quelle rigueur et quelles prouesses intellectuelles…
Quelle idée de génie que cette contradiction indépassable dans l’horizon historique de la société humaine et surtout quelle fidélité au matérialisme historique! On semble revenu au matérialisme bourgeois anglais du XVII° siècles et à Hobbes, mais évidemment en beaucoup plus vulgaire: l’homme est un loup pour l’homme, qui constitue la quintessence même de la science politique, sociale et économique bourgeoise.
Ce qu’à contrario nous dit la science marxiste c’est ceci:
« Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme contradictoire du processus de production sociale, contradictoire non pas dans le sens d’une contradiction individuelle, mais d’une contradiction qui naît des conditions d’existence sociale des individus; cependant les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour résoudre cette contradiction. Avec cette formation sociale s’achève donc la préhistoire de la société humaine. » (Préface à la « Contribution »)
Si nous pouvons nous permettre de donner un conseil à tous les C.Mcl, c’est celui de revenir au B-A BA et de ruminer autant qu’il faudra.
La nature de cette contradiction repose selon C.Mcl sur l’opposition entre social et privé. Ainsi, dans les exemples qu’il va nous donner cette contradiction qui existera de toute éternité remonte aux origines les plus lointaines de l’humanité.
Le premier exemple est fort simple:
Evidemment, emporté par sa prose, C.Mcl s’enfonce dans des contradictions « individuelles » de plus en plus absurdes. Apôtre des rapports sociaux opposés métaphysiquement aux forces productives, il aboutit à nous donner des exemples qui relèvent de la robinsonnade:
« Notre second exemple illustrant le type et la nature des contradictions dynamiques pouvant émerger au sein des rapports sociaux que les hommes nouent entre eux dans la production de leur existence aura trait à la production économique, c’est-dire la quête quotidienne de nourriture. Pour satisfaire sa faim , pour rencontrer son intérêt individuel de manger, un chasseur cueilleur part à la recherche d‘un gibier.» (Controverses n°1 P.35)
Arrêtons nous un instant sur ce brillant exemple. C’est l’exemple même de conception que le marxisme pourfend dès l’origine dans l’économie politique: la robinsonnade ! Notons au passage que pour C.Mcl la production économique, et il faut en déduire que toute production n’est pas économique, se réduit à « la quête quotidienne de nourriture ». Cette robinsonnade prend chez C.Mcl une tournure fort originale à la limite du spiritisme. Il nous dit par exemple qu’ « un chasseur cueilleur part à la recherche de gibier » « pour rencontrer son intérêt individuel de manger » ! Outre que jusqu’à présent manger était un besoin et non un intérêt, il faut une dose de folie délirante bien supérieure à celle qui animait Don Quichotte partant à l’attaque des moulins pour penser qu’ « un chasseur cueilleur part à la recherche de gibier » « pour rencontrer son intérêt individuel de manger»…
Afin d’étayer son délire, C.Mcl nous gratifie d’une mise au point en préhistoire sur le ton supérieur de l’instituteur face à ces élèves:
« Contrairement à l’image d’Epinal de la horde collective chassant le mammouth, l’immense majorité des activités de chasse concerne de petites prises et sont effectuées individuellement. » (p.35 note 139)
Il est vrai que comme le rappelait Marx dans l’Idéologie allemande, les idéalistes se réfugient de préférence dans la préhistoire, domaine qui se prête à de nombreuses interprétations et fantaisies. Toutefois il est aussi vrai que depuis 1846 les données scientifiques relatives à la préhistoire se sont considérablement étoffées. Aussi on aurait pu espérer que C.Mcl s’appuie sur celles-ci pour affirmer que l’ « immense majorité des activités de chasse concerne de petites prises ». On aurait pu aussi escompter qu’il aurait relativisé ses affirmations péremptoires selon l’époque historique et les aires géographiques en
fonction de données géo-climatiques forts diverses et variables. Quand aux facteurs techniques nous avons vu que pour C.Mcl ils étaient parfaitement secondaires, que la technique lithique soit primitive ou évoluée ne semble pas avoir de conséquence pour lui sur les stratégies de subsistance. Qu’importe, les activités de chasse « sont effectuées individuellement ». Finalement on peut se demander pourquoi il nous rabâche que les hommes nouent des rapports sociaux dans leur activité puisque la principale de ces activités se fait individuellement… La raison est pourtant évidente! Si C.Mcl se contredit sans cesse c’est parce que c’est la contradiction qui fait l’histoire: CQFD!
C.Mcl pense alors alors avoir trouvé la preuve irréfutable que Marx n'a jamais défendu la thèse de la détermination économique des rapports sociaux par le développement des forces productives. Et de citer un passage des Grundrisse (chapitre de l'Argent):
“...”
Dans ce passage des Grundrisse Marx ne cherche nullement à répudier la conception matérialiste historique qu'il a toujours défendue depuis 1844 mais en développe un aspect particulier qui ne s'oppose nullement à la conception générale et au déterminisme économique, au contraire il illustre parfaitement la validité de cette conception. Ce faisant C.Mcl oppose, comme tout bon antimarxiste, Marx à lui-même; sinon, qu'il ne le fait pas consciemment. Il fait, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, de l'antimarxisme sans le savoir.
Pour éclairer le lecteur sur l'indécrottable pratique de C.Mcl qui consiste à tronquer des citations après les avoir extraites de leur contexte et à les interpréter à l'opposé de leur signification originale, nous devons citer d'autres passages du même sous chapitre et les commenter:
“ Dans la valeur d'échange, les relations sociales des personnes sont changées en rapport social des objets ; la richesse personnelle est changée en richesse matérielle. Tant que la valeur d'échange n'a guère de force sociale et qu'elle est liée à la substance du produit direct du travail ainsi qu'aux besoins immédiats des échangistes, la communauté qui relie entre eux les individus reste forte: rapport patriarcal, commune antique, féodalisme, corporations et jurandes (…). Mais à présent chaque individu détient la puissance sociale sous forme d'objet. Il dérobe à la chose cette puissance sociale car il vous faut l'exercer avec des personnes sur des personnes.
Les rapports de dépendance personnelle (d'abord tout à fait naturels) sont les premières formes sociales dans lesquelles la productivité humaine se développe lentement et d'abord en des points isolés. L'indépendance personnelle fondée sur la dépendance à l'égard des choses est la deuxième grande étape: il s'y constitue pour la première fois un système général de métabolisme social, de rapports universels, de besoins diversifiés et de capacités universelles. La troisième étape, c'est la libre individualité fondée sur le développement universel des hommes et la maîtrise de leur productivité sociale et collective ainsi que de leurs capacités sociales. La seconde crée les conditions de la troisième. Les structures patriarcales et antiques (ainsi que féodales) tombent en décadence, lorsque se développent le commerce, le luxe, l'argent et la valeur d'échange, auxquels la société moderne à emprunté son rythme pour progresser.”
(p156/157 ed anthropos 1968 coll 10/18)
Marx expose donc trois étapes qui ne se substituent pas plus qu'elles ne s'y opposent aux formations économiques progressives de la société exposées dans la préface à la contribution. En outre on y retrouve bien l'idée maîtresse d'un développement de la productivité du travail humain, de la productivité sociale des hommes. Mais pour qui est un tant soit peu familiarisé avec la dialectique il sera évident qu'il s'agit d'une exposition dialectique au travers d'une triade et de la négation de la négation. L'individualité humaine ne peut pas s'épanouir sur la base naturelle du développement des forces productives que constituent les formes de dépendances personnelles. Mais celles-ci sont dissoutes et remplacées par la réification des rapports sociaux.
Voyons maintenant ce que Marx et Engels disent réellement dans l’Idéologie allemande à propos du matérialisme historique, puisque C.Mcl n’a cessé d’invoquer ce texte comme témoin de sa pénible plaidoirie :
« Les présuppositions dont nous partons ne sont pas arbitraires; ce ne sont pas des dogmes; il s’agit de présuppositions réelles dont on ne peut s’abstraire qu’en imagination. Il y va d’individus réels, de leur action et de leurs conditions d’existence matérielles, soit qu’ils les aient trouvées toutes prêtes soit qu’ils les aient créées par leur propre activité. Ces présuppositions sont donc susceptibles d’être vérifiées de manière purement empirique.
La première présupposition de toute histoire humaine c’est, naturellement, l’existence d’individus humains vivants. Le premier état de fait à constater, c’est donc l’organisation corporelle de ces individus et la relation qui en résulte pour eux avec le reste de la nature. Nous ne pouvons naturellement nous appesantir ici ni sur la constitution physique des hommes eux-mêmes, ni sur les conditions naturelles que les hommes trouvent devant eux - circonstances géologiques, oro-hydrographiques, climatiques et autres. Toute historiographie doit partir de ces bases naturelles et de leur modification par l’action des hommes au cours de l’histoire.
On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion, ou par tout ce que l’on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu’ils se mettent à produire leurs moyens
d’existence: ils font là un pas qui leur est dicté par leur organisation physique. En produisant leurs moyens d’existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même. »
(L’idéologie allemande Pléiade Philosophie p.1054/1055)
Evidemment, le fait qu’en « produisant leurs moyens d’existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même » c’est du matérialisme vulgaire. Et le fait que Marx dise la même chose dans Le Capital, c’est certainement du matérialisme vulgaire de la maturité! Quand au rejet (p.31 et suivantes Controverses n°1) instinctif plutôt que réfléchi du naturalisme marxiste tel qu’il est précisé dans ce passage comme base de toute historiographie, et dans celui du Capital (p.729) cité plus haut c’est véritablement de l’idéalisme grossier.
Mais continuons et lisons avec attention:
« La façon dont les hommes produisent leurs moyens d’existence dépend en premier lieu, de la nature des moyens d’existence tous trouvés et à reproduire. Ce mode de production n’est pas à envisager sous le seul aspect de la reproduction de l’existence physique des individus. Disons plutôt qu’il s’agit déjà, chez ces individus, d’un genre d’activité déterminé, d’une manière déterminée de manifester leur vie, d’un certain mode de vie de ces mêmes individus. Ainsi les individus manifestent-ils leur vie , ainsi sont-ils.