Ce texte est paru dans le dernier numéro (14) de la RIMC (Revue Internationale du Mouvement Communiste) en 1998 comme expression de nos positions au sein de Communisme ou Civilisation au moment de sa dissolution actée en 1995 et comme réponse au texte de la majorité "La fin d'un cycle" également paru dans le n° 14 de la RIMC et disponible sur le site de Robin Godfellow.
Bien que ce texte comporte de nombreuses faiblesses, un certain manque de clarté et de structuration, globalement nous défendons toujours le paradigme qui oriente ses positions générales. Essentiellement sur les implications de la périodisation en deux phases du développement du capitalisme pour la stratégie et la tactique révolutionnaire et l'importance de 1914 pour le passage à la domination réelle du capital sur la société avec le parachèvement de la mystification démocratique. Dans ce sens également le texte de référence demeure "Le 6° chapitre inédit du capital et l'oeuvre économique de K.Marx", de Jacques Camatte (Invariance n°2 série I, republié avec des notes et commentaires de l'auteur aux éditions Spartacus sous le titre "Capital et Gemeinwesen".
Le passage final au sujet de la forme de la publication renvoie aux positions défendues alors par la majorité qui considérait qu'un renforcement de la contre-révolution s'était opéré et qu'il fallait abandonner la forme revue pour l'édition de livres. De même en ce qui concerne les traditions communistes et le nom de communiste mis en cause par la majorité à la suite de la dissolution du bloc de l'Est et de l'URSS.
NOS DIVERGENCES
I° Avant-propos
Nous avons pris acte de la volonté politique d’une « majorité » de camarades d’abandonner le projet initial de « Communisme ou Civilisation », ainsi que sa forme d’expression, la revue, tout en prenant une distance plus grande vis-à-vis du milieu communiste dans son ensemble, tel qu’il existe aujourd’hui. La dissolution de Communisme ou Civilisation est un fait accompli.
Cette majorité a tiré des conclusions en ce qui concerne le développement historique du capitalisme, l’implication sur le mouvement prolétarien, la stratégie et la tactique de ce mouvement, que nous ne partageons pas.
II° TRAJECTOIRE DE COMMUNISME OU CIVILISATION
Au cours d’une vingtaine d’années, Communisme ou Civilisation, revue théorique d’un petit cercle communiste international, a essentiellement réalisé un travail de restauration théorique du socialisme scientifique. Mais ce travail n’a pas été fait pour lui-même, ce qui n’aurait eu aucun sens, même dans un cadre académique et universitaire, comme ses détracteurs l’en ont souvent accusée. Il l’a été dans la perspective de la révolution communiste, dans le but de préparer les bases théoriques les plus solides possibles au futur parti de classe. L’œuvre inachevée et forcément imparfaite de Communisme ou Civilisation s’inscrivait dans la perspective du retour du prolétariat sur des bases de classe et de sa reformation en parti communiste révolutionnaire.
A grands traits, les travaux furent menés dans les domaines de l’histoire du mouvement ouvrier, de la théorie des crises, de la loi de la valeur, de la question agraire et de la périodisation du mode de production capitaliste.
Dans ces divers domaines, l’analyse révéla certaines contradictions entre résultats et présuppositions de Communisme ou Civilisation. Dès lors se posa le problème de les surmonter et de les résoudre. Or, il s’est avéré qu’il existait des divergences d’appréciation sur la nature même des contradictions. La perspective de Communisme ou Civilisation s’enfonçait toujours plus sûrement dans une confrontation interne et dans l’exposition de contradictions toujours plus flagrantes.
Afin d’exposer notre position, il est nécessaire de rappeler brièvement quelles étaient les présuppositions de Communisme ou Civilisation et son plan de travail ; à ce sujet aussi il y avait mésentente.
Dès son premier numéro la revue se situait dans la continuation d’Invariance première série et entendait reprendre les thèses du n°6 de cette dernière, tout en les complétant et les étoffant :
« Nous proposons ici, comme cadre de références à nos prochains travaux une série de thèses de travail.
Elles doivent être complétées par les thèses de travail du n°6 d’Invariance (ancienne série avril/juin 1969) que nous reproduirons remaniées par la suite.
L’ensemble de ces thèses fournit le cadre général de notre travail. »
(Communisme ou Civilisation n°1 novembre 1976 /avril 1977)
Les thèses qui s’intitulent « Thèses de travail sur la révolution communiste » (rééditées récemment par Jacques Camatte, qui en est l’auteur, dans un numéro spécial d’Invariance série IV) s’ajoutaient donc aux thèses complémentaires du n°1 de Communisme ou Civilisation. Le tout aurait dû être repris, refondu et largement étoffé et publié en un seul bloc. Comme il est dit dans le n°16 de Communisme ou Civilisation, une telle publication aurait constitué un document de référence et le fondement du travail ultérieur, travail qui aurait consisté en un approfondissement et une consolidation de la théorie scientifique du Communisme dans sa totalité.
Un tel travail, comme indiqué dans la revue Invariance, devait se faire dans le sens d’un retour à Marx comme moment où la théorie était exprimée dans sa totalité vivante ; alors que par la suite, après la mort d’Engels, elle fut fragmentée, et les divers fragments érigés en dogmes. Généralement les critiques du marxisme s’attaquent à ces dogmes et nullement au marxisme lui-même, un peu comme les jeunes hegeliens de gauche tournaient un aspect du système contre la totalité.
Invariance considérait la gauche communiste d’Italie dont elle était issue suite à une rupture avec le Parti Communiste International en 1966, comme le seul courant prolétarien ayant su transmettre aux jeunes générations un bagage théorique authentiquement communiste à travers la contre-révolution, même si ce courant, contrairement à la légende n’a jamais vraiment été homogène.
Toutefois Invariance amenait des éléments de critique à ce courant qui avait finalement échoué à restaurer pleinement la théorie communiste et avait dégénéré avec le Parti Communiste International dans une variante originale de léninisme. Depuis lors, ce dernier « Parti »a éclaté en une myriade de sectes, toutes aussi léninistes les unes que les autres et prétendant à l’existence de « Parti International » dans le rayon de leurs minuscules cercles sans influences sur les prolétaires.
La gauche devait être dépassée dans le retour à Marx et à la totalité de la théorie, et son apport intégré dans le corps doctrinal du communisme. C’est toujours dans cette perspective que nous nous situons. En outre, nous pensons qu’une telle tâche incombe à tout le milieu communiste, à l’ensemble des expressions du parti dans sa dimension historique et qu’un dépassement du sectarisme ne peut avoir lieu que dans ce sens. Les maigres résultats au sein de la RIMC, si l’on en tirait le bilan, s’avèreraient être le produit d’une telle démarche (notamment entre Communisme ou Civilisation et Comunismo).
Brièvement, Invariance avait montré les limites de la gauche dans la question du Parti, de la prévision de la future crise révolutionnaire et de la périodisation du mode de production capitaliste. Elle avait aussi souligné l’hétérogénéité de ce courant sur la question des syndicats.
Nous avons résumé ceci dans le n°1 de Communisme ou Civilisation :
« Si la gauche a eu l’immense mérite de maintenir dans la phase d’anéantissement du prolétariat les principes généraux du Parti Communiste et le Programme dans son invariance, il n’en demeure pas moins que cette restauration reste partielle. Le simple fait de reconnaître un parti créé en 1943 (le Parti Communiste Internationaliste), à une longue distance de la reprise de la lutte des classes, et donc sans base matérielle, était le signe d’une faiblesse programmatique et d’une ambiguïté théorique qui n’ont pu que peser lourdement sur l’activité de la Gauche. De fait les carences théoriques (saisie incomplète de la périodisation du capital, avec toutes les conséquences qu’elle implique sur la théorie des crises, l’intégration des syndicats, la non-critique du léninisme etc…) carences que dévoilait la réalité puisqu’elle contredisait la prévision, ne furent pas comprises comme carences théoriques mais comme carences organisationnelles. »
(Communisme ou Civilisation n°1 p.9)
Mais Communisme ou Civilisation allait au-delà d’Invariance. D’abord parce qu’Invariance n’avait affirmé qu’un moment négatif dans le dépassement de la Gauche Communiste d’Italie, ensuite parce qu’Invariance avait maintenu, et ceci est étroitement lié avec notre première affirmation, la prévision erronée de la Gauche sur la perspective de la crise révolutionnaire en 1975. Ce dernier point était capital car il impliquait une vaste étude de la critique de l’économie politique, du développement historique du capitalisme et la théorie marxiste des crises, un retour sur les débats de Luxemburg, Boukharine etc.
Important aussi car il expliquait en partie la dégénérescence activiste du Parti Communiste International. Le maintien de la prévision donnait un point d’appui aux activistes qui s’appuyaient déjà sur l’autre béquille de l’existence du parti formel en pleine contre-révolution. En définitive , ce courant activiste pénalisait tout effort de réappropriation de la totalité de la théorie et faisait régresser cette organisation vers des positions léninistes.
Enfin parce qu’Invariance avait complètement dégénéré dans l’idéalisme antimarxiste.
Là aussi, le maintien de la prévision faisait partie des forces d’inertie qui paralysait tout effort de continuation du travail de restauration doctrinale. Au contraire, cela favorisait la pénétration des idées adverses, de l’idéologie ambiante. Tout ceci fut exposé dans Communisme ou Civilisation.
A côté de ces critiques apportées à la Gauche et à Invariance, auxquelles nous souscrivons pleinement, certaines positions d’origines de communisme ou civilisation participait de la confusion idéaliste des milieux ultragauchistes en vogue au début des années 70.
En premier lieu Communisme ou Civilisation s’attaquait à la dialectique de la nature, et reprenait par-là l’habituelle opposition entre Marx et Engels qui n’existe que dans l’imagination de tous les antimarxistes, à commencer par les libertaires à la Rubel.
Le retour à Marx démontre entre autres que l’on ne peut opposer Marx à Engels, que leur œuvre participe d’une unité, et qu’elle fut toujours réalisée dans une étroite collaboration. Les positions affirmées par Engels après la mort de Marx sont parfaitement cohérentes et ce sont les courants anti-engelsiens (Lukács, Pannekoek, Korsch) qui ont dévié du marxisme authentique (ceci aura pour conséquence le nécessaire réexamen des œuvres philosophiques tant décriées dans le milieu révolutionnaire de Plekhanov et de Lénine, ainsi que des critiques qui leurs furent faites).
Un autre aspect tributaire de cette confusion dans Communisme ou Civilisation, est le rejet du Marxisme. Si à la suite d’Engels tous les révolutionnaires se sont proclamés marxistes, il n’y avait aucune raison valable pour rejeter cette appellation. D’autant que nul évènement d’importance depuis 1975 ne peut justifier ce rejet. Ni la trahison de 1914 ni la dégénérescence de la III° Internationale, ni celle de l’opposition trotskiste ne l’avaient jusque-là justifié. Nous reviendrons sur ce point en ce qui concerne l’appellation de communiste, les symboles et les traditions de notre mouvement, en relation avec les évènements récents (réunification de l’Allemagne, dissolution de l’URSS).
Si nous prenons le cas de la crise (à ce sujet la petite secte bordiguiste qui se dénomme pompeusement Groupe Communiste Mondial a eu facilité à remplir un volume entier de sa revue à l’aide du petit jeu des thèses et contre-thèses mettant en évidence l’évolution contradictoire de Communisme ou Civilisation et ses formulations pas toujours assez rigoureuses) notre conception évolua de manière contradictoire en recherchant les positions authentiques du communisme chez Marx. En approfondissant la théorie scientifique des crises chez Marx nous avons tour à tour adopté des formulations sensiblement différentes. Tout ceci nécessitait à la fois un travail de synthèse et une réflexion sur le cours de la contre-révolution. A travers cette trajectoire le projet initial survivait mais le travail s’enlisait et la publication se ralentissait.
Nous avons vu quelle était l’ambition de Communisme ou Civilisation avec les thèses de travail et l’échec subit fut publiquement reconnu dans les n° 11 et 16 de Communisme ou Civilisation. Il n’est pas inutile d’y revenir et de nous citer :
« Préoccupation permanente depuis 1976, la perspective de cette réédition devint de plus en plus précise, au point d’être annoncée finalement pour 1981 (…). Or c’est face à cette échéance que nous nous trouvons aujourd’hui et notre incapacité à la respecter, c’est-à-dire à fournir un travail annoncé de longue date, mérite une explication. »
(Communisme ou Civilisation n°11 p.1)
« Si le travail de synthèse et de réunion pour la publication en un « tout artistique » des « Thèses sur la révolution communiste » s’inscrivait dans la périodicité trimestrielle de la revue Invariance, le travail d’élaboration théorique lui-même n’était pas une affaire de 3 mois mais de 10 ans. »
(Communisme ou Civilisation n°11 p.6)
Cette incapacité à publier un document synthétique comme annoncé fut momentanément surmontée par une publication en feuilleton mais beaucoup plus fouillée :
« L’échec, c’est que nous ne sommes pas capables à l’heure actuelle d’éditer d’un seul coup une synthèse qui joue pour notre travail à venir le rôle qu’a joué le 6 par son passé. Nous ne sommes pas capables d’offrir à l’heure actuelle, un document de référence, qui annonce, encadre et explicite mieux nos travaux à venir. D’où la nécessité de reculer, mais si possible en bon ordre.
Le choix politique s’exprime en ces termes : ou bien privilégier l’aspect de « tout artistique », le caractère synthétique de ce numéro et le retarder jusqu’à ce que nous ayons réalisé le travail nécessaire ; et dans ce cas nous courrons le risque de paralyser tous nos travaux de publication, et donc d’un échec politique encore plus grave ; ou bien privilégier la nécessaire activité d’édition et de diffusion de nos travaux qui seule permet que soit maintenu le lien tenu qui unit entre eux les éléments qui participent , à un degré ou à un autre à la restauration du programme communiste.
Nous avons opté pour cette deuxième solution, et cela signifie que si nous ne pouvons pas réunir nos travaux en un seul tout, nous nous engageons à ce que les parties en soient d’autant plus sérieuses, d’autant plus profondes, d’autant plus travaillées par rapport à ce qu’elles étaient dans Invariance 6. C’est-à-dire qu’à terme on aura bien plus qu’une simple réédition, mais déjà un début d’accomplissement du travail que le 6 voulait encadrer. Cela signifie aussi que la nécessaire publication de ces thèses ne peut pas retarder plus longtemps la poursuite de nos travaux en cours et qu’elle doit s’inscrire dans notre travail général, tel que nous le menons depuis plus de 5 ans. »
(idem p.11)
Mais à la longue, et comme ce plan de travail correspond au plan de restauration de la totalité de la théorie communiste, il souffrait de plus en plus d’un manque de synthèse, d’une trop grande linéarité. Le besoin se faisait sentir, et ceci fut souvent discuté dans Communisme ou Civilisation, d’un bilan des travaux effectués et de synthèse des enseignements. Il aurait fallu travailler sur tous les plans et traiter de toutes les questions, or nous en étions incapables sans d’importantes remises en question de notre méthode de travail.
Ces dernières problématiques s’ajoutaient aux contradictions déjà évoquées.
Enfin, une majorité de camarades concluaient que le projet de Communisme ou Civilisation était désormais caduque car le retour à Marx aurait sapé l’ensemble des présuppositions de Communisme ou Civilisation. La clé de voûte de cette interprétation réside dans la périodisation du mode de production capitaliste en deux phases et dans la constatation que la phase la plus évoluée, la phase de soumission réelle du travail au capital existait à l’époque où Marx et Engels vivaient. Toutes les modifications ultérieures dans la stratégie et la tactique n’auraient pas de fondements scientifique et révolutionnaire par conséquent, mais procèderaient de déviations utopistes ou réformistes. On peut mesurer les conséquences d’une telle interprétation relativement à la démocratie et au parlementarisme, ou même à la question de l’organisation de la classe en parti (parti ouvrier et parti communiste).
Si les questions théoriques, les échecs politiques, et les problèmes de méthode de travail, d’exposition et de publication rendaient difficile la continuation de Communisme ou Civilisation, les évènements en cours finirent par précipiter la dissolution. Car pour la majorité, ces évènements venaient conforter leurs positions.
Dans un premier temps, s’était posée la question de changer de revue et d’un nouveau départ sur des bases pus pures.
Ceci pouvait prendre plusieurs formes, mais là n’était pas l’essentiel. La véritable question était de savoir si l’on devait procéder à une refonte des positions de Communisme ou Civilisation ou bien si l’on rejetait l’ensemble de ses présuppositions, considérant que son projet était caduc. Dans le premier cas (positions que nous avons défendues) il paraissait nécessaire de changer de revue, mais pas forcément de nom. Une nouvelle série de Communisme ou Civilisation , après avoir effectué un bilan et procédé à une synthèse des principales positions nous paraissait à la fois nécessaire et suffisant pour continuer notre vaste travail de restauration théorique du communisme. Le projet demeurait intact, restauration intégrale par un retour à Marx, prévision du futur cours révolutionnaire, élaboration de la tactique et de la stratégie communiste dans ce dernier, dans la perspective de la reconstitution du parti communiste mondial. Le retour à Marx/Engels et à la totalité de la doctrine devait intégrer tout l’arc historique allant de la genèse de la théorie communiste au communisme à venir. Donc aussi nous permettre de vérifier la validité de la théorie dans la réalité contemporaine et ses tendances les plus modernes. Pour nous ce projet est toujours valable et les apports de la gauche dans le domaine de la restauration des principes invariants du communisme, de la stratégie et de la tactique (antidémocratisme et antiparlementarisme essentiellement) demeurent intacts et largement vérifiés par l’histoire la plus récente, comme par les expériences passées du prolétariat depuis 1914.
Par contre, pour la majorité, ce projet s’était révélé insoutenable. Le retour à Marx/Engels aurait ainsi que tous les travaux de Communisme ou Civilisation remis en question ce projet lui-même. Notamment dans l’analyse du développement du capitalisme. Les résultats tendraient dans ce domaine comme dans tous les autres à démontrer le contraire de ce que nous voulions démontrer. Principalement que 1914 une étape du développement du capitalisme mondial nécessitant des changements dans la tactique du prolétariat des pays de vieux capitalisme : vis-à-vis de la démocratie et du parlementarisme. L’analyse du fascisme par la gauche n’aurait guère de valeur de même que l’ensemble de ses positions politico-théoriques.
III° LE DEVELOPPEMENT DU CAPITALISME
La date de 1914 marque-t-elle une discontinuité historique ? De quelle nature ?
Et si c’est le cas, justifie-elle les changements d’ordre tactique défendus par la Gauche, vis-à-vis de la démocratie en général et du parlementarisme en particulier ? Plus généralement, quelles sont les nouvelles donnes après 1914 ?
Communisme ou Civilisation à ses origines reprenait la conception d’Invariance comme quoi, 1914 représente la date « symbolique » de passage en Europe occidentale de la phase formelle à la phase réelle, mais il convient de rappeler la position d’Invariance avec ses nuances :
« Lorsque éclate la guerre de 1914, s’ouvre une période de crise profonde pour le mode de production capitaliste. C’est celle de sa métamorphose, de sa forme de domination formelle à celle réelle. Plus exactement, dans l’infrastructure, à la base le phénomène s’était déjà réalisé (passage de la plus-value absolue à la plus-value relative) mais cela ne s’était pas complètement répercuté sur toutes les superstructures sociales de la base au sommet.» (Invariance N°6 série I p129, thèse 4.6.1)
On affirme dans le N°3 de la RIMC que le sens de nos travaux sur le bref historique consiste à mettre en évidence la continuité tactique et stratégique de Marx et Engels, mais un peu plus loin, il est question de la rupture tactique que nos travaux démontreront ultérieurement. Dans ce numéro la contradiction est explicite et publique.
Or, l’important réside dans la continuité des principes. Ainsi, il peut y avoir rupture dans la tactique et la stratégie du parti communiste si l’histoire le lui impose, mais en aucun cas la tactique et la stratégie nouvelle ne doivent être en contradiction avec les principes. Il y a une relation dialectique entre principe et stratégie, principes et tactique. Comme le disait la Gauche, on ne peut d’autre part changer de tactique à sa guise, il faut prévoir la tactique à l’avance et s’y tenir.
Marx et Engels ont plus d’une fois modifié leur tactique, et ils ne l’ont jamais justifié au nom d’un passage mécanique d’une phase économique à une autre. L’expérience historique de 1848 a modifié la tactique de Marx/Engels vis-à-vis de la petite bourgeoisie. L’avènement de révolution par le haut comme en Allemagne et en Italie les ont aussi forcés à des modifications tactiques et stratégiques.
La complexité de la dialectique historique est telle que nous devons reconsidérer le développement du capitalisme dans ses relations avec la totalité du mouvement prolétarien depuis ses origines et surtout affronter la période cruciale de 1914 à 1936. Ceci pour préciser notre évaluation des problèmes de stratégie et de tactique du mouvement aujourd’hui et demain dans la future révolution mondiale.
Tous les courants qui ont su peu ou prou transmettre la flamme du communisme aux jeunes générations ont en commun l’idée que 1914 constitue un moment de discontinuité historique même si chaque tendance s’oppose sur l’analyse qu’elle en fait et les conclusions théoriques qu’elle en tire.
Toutefois chacun s’entend à considérer que la cause de la crise de 1914 et de toutes ces implications réside dans le développement du capitalisme lui-même . Pour certains il s’agit du passage de la phase ascendante à la phase décadente du mode de production capitaliste. Nous avons largement, à la suite de la Gauche et d’Invariance, et cela de la manière certainement la plus développée, fait la critique de cette position commune à de nombreux groupes du milieu communiste. Pour d’autre, la cause déterminante de la rupture de 1914 serait le passage à une phase impérialiste et fasciste. Enfin une troisième analyse situe la rupture dans le passage de la domination formelle à la domination réelle sur la société.
Les trois analyses comporte des éléments de réalité plus ou moins bien exposés sur le plan théorique, mais seule la troisième s’appuie intégralement sur le matérialisme historique.
Nous avons rappelé qu’Invariance apportait une nuance importante en précisant qu’il s’agissait en particulier de la mise en adéquation des superstructures avec la base économique déjà largement dominée par le capital dans sa phase réelle. Et Communisme ou Civilisation se démarqua d’une certaine interprétation moderniste des deux phases en mettant l’accent sur ce qui les fonde : les deux modes d’extraction de la plus-value et l’unité dialectique du développement du capitalisme :
« Ce concept de périodisation a fait un temps la fortune (tout comme celui de communauté matérielle du capital) de tout un gauchisme ultragauchiste , (Négation, Le mouvement communiste, Invariance Nlle série, dans les années 70, puis Union ouvrière) où, employé à tort et à travers, il a servi à accréditer toutes sortes de confusions. Le gauchisme intellectuel est beaucoup plus une tentative d’interpréter le monde que l’expression d’une tentative de le transformer. Ainsi on s’est servi d’un concept déterré et qui par là-même paraissait « nouveau, pour passer au crible la réalité dans la sphère apparente des faits , afin de faire rentrer autoritairement chaque fait dans ce qui devenait une classification de type rigide (ou bien phase formelle ou bien phase réelle), au lieu de rester l’instrument conceptuel d’une compréhension dialectique du mode de production capitaliste dans son mouvement. On en arrive ainsi à des absurdités du type de celles de la revue Négation qui, à propos de Lip disait : le problème qui se pose à Lip est celui de son passage à la phase de soumission réelle . Comme si, de mémoire de communiste, on avait déjà vu le capital se développer secteur par secteur, usine par usine, atelier par atelier.
Les problèmes inhérents au passage à la phase de soumission réelle se posent au niveau d’aires entières et non d’une unité de production.
Pour nous au contraire, dans le droit fil des principes communistes, nous nous attachons à montrer l’unité du mode de production capitaliste, car celui-ci ne connait pas deux formes antagoniques mais un seul développement en deux phases. »
Communisme ou Civilisation N°5 p2/3
Mais la pleine réalisation de la soumission réelle du travail au capital « au niveau d’aires entières » suppose des bouleversements qui se manifestent dans des crises d’autant plus catastrophiques qu’elles débouchent sur des guerres et des révolutions. C’est le sens de la fameuse « ère des guerres et des révolutions » qu’annonça Lénine. Désormais l’Angleterre n’est plus la seule puissance économique moderne dominant le monde et plusieurs nations concourent pour la suprématie sur le marché mondial à partir du dernier quart du 19° siècle : Allemagne, Etats-Unis, France, Italie, et bientôt le Japon puis la Russie au cours de la première moitié du 20° siècle.
Par conséquent des métamorphoses importantes doivent avoir lieu au niveau des superstructures et des classes sociales qui impliquent à leur tour un parachèvement dans la structure économique dont le résultat ne peut être que l’instauration d’une communauté du capital à l’intérieur du cadre national et l’impérialisme sur le marché mondial. Encore faut-il que la bourgeoisie parvienne à plier le prolétariat et à l’intégrer à sa communauté nationale ; qu’elle réussisse à briser l’élan du communisme qui part des entrailles de son propre corps et qu’elle mystifie la société que les prolétaires tendent à instaurer dans leur affrontement avec le capital. Les guerres impérialistes sont en cela un excellent moyen d’y parvenir.
La périodisation en deux phases nous donne le fondement matériel pour l’analyse du développement historique du capitalisme au travers de la lutte des classes. Seule l’issue de cette lutte acharnée, sans cesse ajournée mais sans cesse renouvelée à des niveaux supérieurs, donne la clé des métamorphoses historiques de la société et des étapes que ce processus a franchies. C’est aussi la seule méthode pour anticiper et prévoir le niveau, les formes et les moyens de la future recomposition du prolétariat en classe révolutionnaire. Le développement du capital, c’est le développement de ses contradictions et du prolétariat appelé à l’enterrer.
A partir de 1914, on a la généralisation dans toute l’aire Euro Nord-américaine de la phase de domination réelle du capital sur la société. Ceci signifie :
1° Que le phénomène national-démocratique a atteint ses limites et que la bourgeoisie n’est plus progressiste dans cette aire (ce qui ne signifie pas la disparition des problèmes nationaux mais le changement de contexte dans lequel ces problèmes peuvent se poser).
2° Que le danger de réaction précapitaliste a disparu, est définitivement dépassé .
3° Que la question ( et ceci est lié au point 2) de la forme politique de la domination bourgeoise est elle aussi dépassée (ce que disait déjà Engels en comparant la France Républicaine et l’Allemagne Monarchiste à la fin du 19° siècle).
4° Que le seul ennemi véritable pour la bourgeoisie est désormais le prolétariat ; ce qui s’était signalé au cours de la Commune de Paris.
5° Que sur la base de la plus-value relative et de la domination impérialiste sur les colonies, la bourgeoisie peut tendre à intégrer le prolétariat dans la communauté du capital.
6° Que sur le plan international chaque capital national entre en concurrence pour la domination du marché mondial, ce qui débouche sur la guerre.
7° Pour réaliser l’intégration du prolétariat le capital utilisera à la fois l’Etat qu’il s’est entièrement soumis, et donc les forces démocratiques de mystification et de répression, mais encore les forces non démocratiques du fascisme qui mobilise la bourgeoisie et les classes moyennes contre le prolétariat dans les milices armées.
L’intégration du prolétariat suppose la destruction de toute expression autonome de cette classe ; c’est le triomphe du réformisme et la généralisation du fascisme. Les courants réformistes au sein du mouvement ouvrier sont devenus contre-révolutionnaires et dialectiquement le capital est devenu réformiste.
8° Il n’existe plus d’Etats non policiers ou non militaristes qui permettrait au prolétariat d’accéder au pouvoir pacifiquement par la voie des élections comme la possibilité historique se présenta en Angleterre et aux Etats-Unis.
9° La démocratie appuyée par l’aile réformiste traître et triomphante dans les organisations du mouvement ouvrier, devient l’horizon indépassable du prolétaire que l’on invite à défendre contre d’hypothétiques restaurations , totalitarismes ou agressions étrangères. Le cirque parlementaire devient alors le lieu privilégié de la mystification démocratique et l’écran aux couleurs changeante qui dissimule la dictature du capital.
Ainsi à partir de 1914 ne s’ouvre pas une nouvelle phase, de décadence de monopole, ou d’impérialisme, mais tend à se réaliser pleinement contre le prolétariat et le communisme la phase de domination réelle du capital sur la société par la mise en place de la communauté totalitaire du capital.
Cette réalisation fut facilitée par la victoire du pôle réformiste dans la II° Internationale, et c’et justement dans cette guerre en 1914 que cette victoire du réformisme ouvrier s’est concrétisée.
Malgré la révolution russe et la création de la III° Internationale, le mouvement ouvrier n’a jamais pu se reconstituer sur des bases unitaires. Et si la lutte des classes a connu de 1914 à 1939 ( et même pendant la guerre) des épisodes et des rebondissements , le résultat historique a été la disparition du prolétariat en tant que classe révolutionnaire et son intégration dans la communauté du capital.
L’histoire ne s’arrête pas plus en 1914 qu’en 1945 et c’est ce que nous allons survoler dans la suite, mais le cadre de l’histoire ultérieure est donné par les résultats de cette crise mondiale qui s’est ouverte en 1914 et fut surmontée depuis lors après 1945, avec des ébranlements plus ou moins puissants entre temps.
Ce cadre : domination réelle du capital sur la société et donc sur l’Etat, intégration du prolétariat dans la communauté du capital, rajeunissement du capital et persistance de la contre-révolution qui va jusqu’au bout. Les contradictions sont englobées et les forces productives peuvent connaître un nouvel essor exceptionnel, d’autant que l’intégration du prolétariat permet d’intensifier son exploitation. Enfin la guerre pose aussi un cadre international à la domination impérialiste où les pays vainqueurs se partagent le monde (extension de la forme capitaliste à l’échelle planétaire).
IV° LA PLUS LONGUE CONTRE-REVOLUTION DE L’HISTOIRE DU PROLETARIAT
Depuis 1989, une étape a été franchie dans le cours historique de la plus longue contre-révolution que le prolétariat moderne ait eu à subir.
Cette contre-révolution qui avait marqué ses premiers points dans l’écrasement du prolétariat d’Allemagne se renforça avec l’isolement puis la dégénérescence de la révolution russe connut un triomphe total avec la deuxième guerre mondiale. Dans son contenu, cette contre-révolution consacrait la mystification démocratique et l’intégration du prolétariat dans la communauté du capital comme classe objet, représentant le pôle travail de la société capitaliste.
Les quelques militants communistes ayant survécu à cette débâcle et restés fidèles au programme révolutionnaire intégral n’ont toutefois pas toujours tiré les conclusions qui s’imposaient à la suite d’une semblable défaite.
Ce fut le cas de la Gauche Communiste d’Italie qui créa un parti formel (Parti Communiste Internationaliste 1943) en pleine orgie contre-révolutionnaire. Par la suite, avec la scission de 1952, le petit groupe de Bordiga réaffirma les positions cardinales et fit une profession de foi de l’anti-activisme.
Caractérisant la période comme celle d’une contre-révolution durable et d’un rajeunissement du capital, il tirait la conclusion qu’un véritable parti formel du prolétariat ne pourrait ressurgir que dans un avenir lointain. Ce petit groupe qui persistait à se nommer Parti Communiste Internationaliste dressa un cordon sanitaire autour de lui et consacra l’essentiel de ses forces à la restauration du programme et de la théorie communistes.
Enfin ce PCI fit la prévision d’une crise du capitalisme aux alentours de 1975 qui rouvrirait l’alternative guerre ou révolution.
Dès son premier numéro la revue Communisme ou Civilisation souligna l’erreur de prévision du PCI bordiguiste et réalisa un début de restauration de la théorie marxiste des crises. Celles-ci étant cycliques, depuis 1945 elles réapparaissent environ tous les 6 ans. Mais le développement colossal du capitalisme, son extension planétaire avec la conquête de nouveaux marchés et a paix sociale procurée par cette terrible contre-révolution en avait atténué la portée, les réduisant à des « récessions ». La première crise grave du second après-guerre éclata effectivement aux alentours de 1975 mais il ne s’agissait pas de la crise révolutionnaire escomptée par le PCI dans sa prévision. Cette dernière supposait une première crise grave en 1965, sur la base d’un cycle décennal, qui aurait déjà impulsé une relance de la lutte des classes et préparé la constitution du prolétariat en parti révolutionnaire. Rien de cela ne s’était produit et la contre-révolution semblait toujours aussi solide malgré, selon CouC , quelques signes d’achèvement jamais véritablement précisés. Par ailleurs CouC rappelait régulièrement que la révolution ne serait pas pour demain et ainsi de suite, se positionnant comme le PCI bordiguiste dans les années cinquante en dehors de tout activisme et principalement voué au travail théorique. Comment alors pouvait-on sonder l’avenir et apprécier la période ? Comment CouC prévoyait-elle le retour des forces prolétariennes sur la scène de l’histoire ?
Cette contradiction, ou plutôt ce flou entretenu au sujet du cours historique n’a fait que s’épaissir au fur et à mesure que la revue eut à s’occuper de sujet peu ou pas traités, des sujets dit d’actualité, mais incontournables. Comme la chute du mur de Berlin, l’éclatement du bloc de l’Est et la disparition officielle du stalinisme, la guerre dans le golfe persique, dans l’ex-Yougoslavie, etc.
Au départ, CouC considérait qu’une crise révolutionnaire ne pouvait surgir que de La crise catastrophique, que celle-ci était celle-là et la distinguait donc des autres crises cycliques. Par la suite cette conception fut révisée avec un approfondissement de la théorie et il fut précisé que toute crise était catastrophique.
Par conséquent, CouC escomptait la venue d’une crise suffisamment puissante pour ébranler en profondeur et durablement le capitalisme à l’échelle mondiale tout en relançant la lutte prolétarienne. Aucune prévision exacte de la venue d’une telle crise n’était énoncée. Tout simplement tout militant conservait l’intime conviction que la contre-révolution ne serait pas éternelle, et la théorie marxiste postule que les crises cycliques doivent opérer à une échelle toujours plus vaste et avec une intensité croissante étant donné qu’en surmontant ses contradictions dans la crise, le capitalisme prépare le terrain pour un développement supérieur de ces mêmes contradictions dont il ne peut durablement se défaire. Tôt ou tard la crise ouvrirait le cycle révolutionnaire.
Quelques conditions à la reformation du prolétariat étaient ça et là énoncées, comme le massacre économique et social des nouvelles classes moyennes salariées, ou de l’aristocratie ouvrière, l’attaque générale du pouvoir d’achat des ,prolétaires, dont nous montrions encore qu’il progressait au début des années 80. Au milieu de cette même décennie, la réapparition de cette frange du prolétariat que les sociologues bourgeois nommèrent nouveaux pauvres, mais que Marx désignait comme « le dernier résidu de la surpopulation relative », et qui depuis n’a fait que croître, constituait aussi un signe que les attaques du capital contre les prolétaires devraient forcer ceux-ci à réagir finalement. Nous rappelions alors les paroles de l’Internationale : « Debout les forçats de la faim »… Mais CouC constatait un recul constant du nombre de jours de grève…
A partir de 1989, le rapport de force entre les classes ne se modifie guère en profondeur, et si nous avons pu écrire que la contre-révolution se renforçait avec « la mort du stalinisme » et « l’unification de la planète sous l’égide du capitalisme démocratique », nous affirmions aussi qu’il s’agissait du « prélude à son futur épuisement ».
Si les mots ont un sens et ceux qui les ont écrits une conviction, cela signifie que le cours de la contre-révolution ira désormais vers son achèvement et qu’un éventuel renforcement de la contre-révolution ne saurait avoir lieu qu’à la suite de combats de classe. De surcroît ces combats devraient avoir lieu sur des bases plus pures, « un terrain dégagé de bon nombre des scories idéologiques ». Mais la durée qui nous sépare de tels combats n’a pas été évaluée à ce moment-là. Et il est encore très difficile de percevoir aujourd’hui des signes d’une reprise.
Ce qui s’est écroulé à ce moment-là, c’est l’édifice de la Sainte-Alliance contre-révolutionnaire russo-américaine, non pas sous les coups du prolétariat comme l’avait espéré la Gauche et certainement tout le milieu révolutionnaire, mais sous les coups de la crise économique et la maturation des contradictions capitalistes au niveau du marché mondial. Toutefois l’ouverture démocratique des États de l’Est européen s’est mise en place dans le laboratoire polonais sous la poussée des masses de prolétaires et le risque de contagion à tout le bloc si ce n’est au-delà.
Cette contre-révolution a déjà tellement duré et les perspectives d’une reprise significative de la lutte des classes demeurant dans le long terme que la position que nous avons toujours défendue et défendons encore reste celle qui en général sied à toute contre-révolution durable : travail théorique, analyse historique, prévision du cours et de la tactique du prolétariat et défense des principes lors de tous les évènements qui conditionnent l’avenir de la lutte des classes. La forme la plus adaptée en l’absence d’une réaction qui censurerait de tels moyens (comme après 1848 en France et en Allemagne, ou après la Commune de Paris), reste la forme revue. Celle-ci s’adapte tant au travail scientifique qu’à des textes plus polémiques ou à des commentaires de l’actualité que la théorie replace sur le fil du temps. De surcroît elle peut être diffusée dans des réseaux multiples, depuis les maisons de la presse jusqu’à la vente militante, en passant par l’abonnement, la librairie, l’Internet, etc.
Enfin, la recherche du lien entre tous les communistes et avec toutes les potentialités prolétariennes, nous paraît au mieux assuré par cette forme que par toute autre, étant exclu le journal de propagande qui n’est viable que lorsqu’il existe un mouvement prolétarien organisé sur une vaste échelle et numériquement significatif. Quand au livre, il ne peut raisonnablement se substituer à la revue sans rompre durablement tout lien ou presque avec le milieu et les potentialités révolutionnaires existantes. L’édition et surtout la diffusion de livres rencontrent outre les forces révolutionnaires, extrêmement faibles aujourd’hui, l’obstacle du coût et des réseaux. Ce qui n’exclut pas les efforts particuliers en vue de l’édition d’ouvrages, surtout des traductions de classiques communistes n’existant pas dans certaines langues, des rééditions d’ouvrages désormais introuvables et dont les jeunes générations prolétariennes auront un besoin vital. Dans certains cas, la brochure peut s’avérer indispensable, lorsqu’une certaine propagande des principes est possible et même nécessaire (guerres impliquant des puissances impérialistes et risquant de modifier le rapport des forces à l’échelle internationale entre Etats et entre classes).
Nous conclurons en rappelant que l’immense entreprise d’intoxication qui vise depuis la disparition des régimes staliniens en Europe de l’Est et dans l’ex-URSS à assimiler communisme et stalinisme n’est pas un fait nouveau, ce qui l’est c’est de faire croire :
Que « le stalinisme étant mort » (alors qu’il dirige soit dit en passant le pays le plus peuplé de la planète soit 1 milliard 300 millions habitants en Chine) le communisme le serait aussi. Face aux calomnies les plus grossières les communistes défendent sans douter leurs traditions et pou terminer nous citerons Engels :
« Le socialisme était, tout au moins sur le continent, « respectable », le communisme était exactement l’inverse. Et comme depuis toujours nous pensions que « l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes », il ne pouvait y avoir de doutes sur celui des deux noms que nous allions choisir. Et depuis il ne nous est jamais venu à l’esprit de l’abandonner. »
« PREFACE DE 1888 A L’EDITION ANGLAISE DU MANIFESTE »
Paris, le 28 septembre 2013
La Fraction de la Gauche communiste internationale
Au camarade Vistose,
Cher camarade,
Nous avons reçu et discuté ta prise de position « La Syrie ». Même si nous ne partageons pas l'analyse de la
dynamique des rivalités impérialistes qui est avancée dans le texte, nous nous assoçions complètement à la
défense des principes du mouvement communiste qui y est présentée contre leur remise en cause – en
général – et leur liquidation – en particulier – par le CCI actuel au nom de la théorie de la
« Décomposition ».
En particulier, nous partageons complètement les passages suivants :
– “Au lieu d’apercevoir la recomposition inéluctable des alliances impérialistes et la dynamique
inexorable du MPC qui tend vers le conflit généralisé, RI voit tout le contraire” ;
– “Mais l’apothéose de cet article réside dans l’idée que l’opinion publique a fait reculer la
bourgeoisie anglaise au… parlement! Comble du crétinisme parlementaire.” ;
– “Or cette ligne aboutit à des affirmations on ne peut plus naïves et dangereuses : « Depuis
l’effondrement de l’URSS il n’y a plus de blocs, plus de risques d ’ une troisième guerre mondiale
généralisée . » Et en cela il chante la même berceuse aux prolétaires que les impérialistes euxmêmes.
“
Le fait que nous soyons en désaccord avec l'analyse sur les “alliances” impérialistes d'aujourd'hui, par
exemple l'affirmation “pro-américaine” de l'alignement impérialiste de la France1 selon ton texte, n'est à nos
yeux qu'une question secondaire, même si c'est bien sûr important, et non pas une question de “principe”.
Aujourd'hui, la ligne de fracture ou d'opposition, l'enjeu du combat politique autour de la question
impérialiste, dans le camp prolétarien – et évidemment aussi face à la propagande de la bourgeoisie – n'est
pas sur l'analyse de la dynamique des alignements des rivalités impéralistes, sur quelle tendance à la
“polarisation”, mais sur la défense des “principes fondamentaux du mouvement communiste” telle que le
texte la développe.
De même, nous pouvons être d'accord en soi avec le constat du sentiment d'impuissance du milieu
révolutionnaire prolétarien et son incapacité à parler d'une seule voix. Néanmoins, nous ne sommes pas sûrs
que nous ayons la même vision et compréhension de ce camp communiste ce qui nous amène, pour notre
part, à avoir une vision définie et concrète de comment lutter pour cet objectif. Pour ce qui est de notre vision
des forces révolutionnaires aujourd'hui et dans l'intervention que nous voulons y donner, tu peux te réfèrer à
nos prises de position dans nos bulletins ; en particulier à nos débats2 avec les Communistes
Internationalistes -Klabastalo de Montréal à qui nous venons d'envoyer ton texte.
Donc, il résulte de tout cela que nous sommes “interpellés” positivement, “curieux” et intéressés à en savoir
plus tant sur l'objet de ton texte et son envoi que sur ta démarche générale – voire sur ton positionnement par
rapport à nos positions et notre orientation politique. Nous sommes donc ouverts à toute discussion,
contradictoire ou non, avec toi.
Dans l'attente de ta réponse, salutations communistes.
La FGCI.
LETTRE DU 15/10/2013 REPONSE A LA FGCI
Concernant l’objet du texte « La Syrie » et son envoi à des groupes et individus du milieu révolutionnaire, il y a principalement deux choses:
- On ne peut pas laisser passer des monstruosités comme celles du CCI.
A la suite de Marx/Engels, je considère que lorsqu’on engage par des prises de positions la responsabilité du parti historique, et cela est le cas chaque fois qu’on prend position sur des évènements qui nécessitent la défense des principes du mouvement communiste, les différentes composantes de ce même parti (et c’est ce que j’entends par milieu révolutionnaire) devraient se concerter (position défendue face à Lassalle lors des guerres austro-italienne et austro-prussienne). Il m’a donc paru nécessaire de dénoncer cette dérive et de réaffirmer des positions prolétariennes face à un danger de guerre bien réel. Ce qui fut l’occasion de développer un certain nombre de points évidemment discutables. Et ce n’est donc que d’une manière incidente que j’ai avancé certaines analyses dont celles sur l’alignements des forces impérialistes. Un deuxième texte polémique doit suivre au sujet de la Syrie, relatif à l’analyse qu’opère « La gauche communiste » (PCI)
- Si l’on considère que dans ce cas l’essentiel réside dans la défense des principes, il n’en reste pas moins qu’on ne peut se contenter d’une défense abstraite de ceux-ci. Il est indispensable d’appréhender le mouvement réel et d’anticiper sur ses développements si l’on veut que la théorie puisse devenir une force matérielle. Or, et c’est le second point, le mouvement communiste possède une théorie, la théorie marxiste, et il doit la défendre et l’approfondir pour être à même de prendre des positions politiques adéquates et conformes aux besoins du prolétariat. Pour moi, la situation en Syrie n’est qu’un aspect et le texte sur la Syrie se relie à des travaux en cours sur la lutte des classes dans l’aire arabe dont, si vous n’en aviez pas déjà été destinataires je vous joints les deux premières parties.
Pour rebondir sur votre question relative à ma démarche générale, je joints également un texte rédigé à la suite d’une réunion organisée en Janvier 2010 à Toulouse par Tumulto qui brasse un ensemble de points qui étaient à l’ordre du jour (question de la crise etc.) Plus largement je me rattache aux positions défendues successivement dans les revues « Invariance » (série I de 1968 à 1970) puis « Communisme ou Civilisation » (de 1976 à 1988). Cette dernière parut ensuite comme cahier à l’intérieur de la « Revue internationale du mouvement communiste » (RIMC) d’Octobre 1988 à Juin 1998. Dans ce dernier numéro le texte « Nos divergences » exprime notre position face aux camarades qui publient depuis lors le site « Robin Goodfelow » et qui rédigèrent le texte « La fin d’un cycle ». Il n’est pas utile d’enter ici dans les détails. Mais en ce qui concerne la manière de définir le « milieu révolutionnaire » ou « camps communiste » je vous renvoie à la présentation en page de garde de la RIMC. Egalement dans cette revue pour ce qui est des positions sur la guerre, voir les n°8 « Le mouvement communiste et la guerre » et 13 « Marx-Engels et la guerre ».
Il s’ensuit certainement quelques évidences quand à mon « positionnement par rapport à » vos « positions » et votre « orientation politique », mais qu’en soi cela n’exclut évidemment aucune discussion entre nous, sinon que d’une manière générale, je privilégie la discussion sur le fond et les fondements théoriques aux questions du type activiste et immédiatiste, si courantes dans le milieu. En outre, je ne connais pas suffisamment votre évolution, ni même la véritable teneur des polémiques avec le CCI pour me prononcer plus avant.
En espérant avoir répondu à votre interpellation et à votre curiosité.
Salutations communistes.